Je viens d’arriver à Sotchi pour y disputer la Coupe du Monde, dans le même avion en provenance de Moscou que mon nouveau compatriote Alireza Firouzja 🙂 . J’ai voyagé en Russie directement depuis Zagreb, où j’avais disputé la troisième étape du Grand Chess Tour. Le temps me manque pour revenir en détail sur ce tournoi que j’ai eu le plaisir de remporter, je vais donc me contenter de remarques générales.
Tout d’abord, j’ai apprécié revenir deux ans après dans une ville sympathique que je connais bien, avec en toile de fond les demi-finales et la finale de l’Euro – même sans la Croatie ni la France, malheureusement. J’étais également content de rejouer en Rapide et Blitz, juste après ma prestation en demi-teinte à Paris.
J’ai assez mal commencé les Rapides, avec une défaite d’entrée contre Mamedyarov, qui s’avérera toutefois être la seule. Je me suis bien repris en battant Anand tout de suite derrière puis, plus tard dans le tournoi, Duda.
J’ai dû déplorer quelques gaffes sur l‘ensemble de la compétition, mais c’est difficile à éviter complètement en Rapide, et encore plus en Blitz. Mais je n’en ai pas commis tant que ça, et j’en identifie surtout quatre de mémoire. Ma perte de Tour en un coup contre Mamedyarov en Rapide, même si la position était déjà difficile. Le Rapide contre Duda, que je remporte après avoir oublié une combinaison élémentaire qui perd un pion 🙂 . Et dans les Blitz, le premier contre Giri, où je laisse encore traîner un pion, et le deuxième contre Nepo où, à partir d’une position archi nulle, j’ai réussi à me retrouver perdant en trois coups, même si j’ai finalement sauvé le demi-point.
Mais ces quelques absences ont été compensées par une grande résilience, qui m’avait beaucoup manqué à certains moments décisifs dans les tournois précédents. C’était très important pour moi de retrouver ces qualités de défense et cette résilience, qui m’a permis de ne perdre que 2 parties sur 27 dans le tournoi, alors que j’aurais pu en perdre facilement cinq ou six, et ce n’aurait pas été la même musique au classement final !
Je suis très satisfait des Blitz, avec un résultat de +8 et une seule défaite. Je pense avoir fait le job, avec au passage quelques belles parties, surtout le premier jour. Car au final, le deuxième jour, j’ai surtout cherché à gérer quand j’ai constaté que je virais en tête grâce à Nepo qui enchaînait les défaites 🙂 . Après, j’ai pu préserver mon avance et m’adjuger le gain du tournoi une ronde avant la fin, en dépit du sprint final d’Anand.
Pour moi, le moment crucial, c’était contre Duda à l’antépénultième ronde. Il jouait aussi son va-tout parce qu’il devait impérativement gagner. Et du coup, on a produit une très grosse partie, vraiment sportive, dans laquelle j’ai fini par m’imposer !
Dans la partie suivante contre Garry, je pensais me contenter du demi-point car je n’avais pas prévu qu’il perde au temps dans une finale nulle élémentaire ; surtout qu’il lui restait à ce moment-là 13 secondes, plus l’incrément ! Il est clair que ça m’a fait un peu mal au coeur de le battre dans ces conditions, d’autant que j’avais déjà remporté le premier blitz contre lui en rétablissant par miracle une position cauchemardesque.
L’attraction à Zagreb aura également été le retour d’Anand et de Kasparov devant l’échiquier, avec il faut l’avouer, des destinées radicalement opposées 🙂 .
Garry, qui n’a disputé que la portion blitz, termine avec un calamiteux 2.5/18.
Un de ses problèmes, c’est qu’il a toujours cherché le combat dans toutes les parties, en dépit de sa préparation dans les ouvertures clairement déficitaire. Parce que même s’il y consacre encore du temps – ce dont je suis persuadé – on ne peut pas rester au niveau de préparation des joueurs pros aussi facilement. Ca lui a joué des tours sur beaucoup de parties ; notamment en début de tournoi, quand il a fait le choix de la variante 7…Dc7 dans la grande ligne de la Najdorf, qui était très jouable il y a encore seulement 10 ans, et que je jouais d’ailleurs moi-même à l’époque ; mais désormais, ça perd juste en ligne et c’est encore plus vrai en blitz 🙂 . C’est sûr que c’est vraiment très difficile de se faire pilonner comme il l’a été, mais je l’ai senti très frustré, sans réaction d’orgueil, et manquant de combativité dans la difficulté. A sa décharge, il n’avait pas joué depuis longtemps et a beaucoup d’autres activités. Forcément, face à des joueurs du top niveau, quand on est en mauvaise forme, ça ne pardonne pas. Je suis sûr que dans d’autres circonstances, il ferait un meilleur résultat…
Concernant Anand, je dois dire que j’avais des questionnements avant le tournoi, d’autant qu’il n’avait pas joué de tournoi en présentiel depuis plus d’un an.
Il a magnifiquement répondu, je pense ! Pas tant dans les Rapides, où il était encore un petit peu rouillé ; j’ai pu le constater quand il a perdu contre moi – une partie qui s’avèrera d’ailleurs complètement décisive pour la victoire finale ! En revanche dans les blitz, ses résultats ne trompent pas. La qualité de son jeu non plus, et j’ai comme exemple notre premier blitz, où je lui ai quand même mis une énorme pression sur le plan tactique, et qu’il a réussi à tout calculer correctement et à s’en sortir. Honnêtement, même s’il y a sans doute des fautes dans cette partie dingue, je crois que c’était peut-être la meilleure du tournoi. Une deuxième, à 51 ans et sans avoir joué depuis si longtemps, je dis juste chapeau à Vishy !
Un mot également sur Nepo, le futur challenger de Carlsen qui, à mon sens, se satisfera d’avoir tilté dans la portion blitz du tournoi, pour éviter de le faire pendant le match 🙂 . Il est en train de mettre son jeu en place et je trouve que dans les Rapides, il a montré un excellent niveau. Il trouve toujours des coups, il pose toujours des problèmes ; à l’évidence, il a confirmé les progrès qu’il a faits depuis un an, et sa prestation ratée en blitz n’y change rien.
Je suis certes en tête du classement Grand Chess Tour pour l’instant, mais il faut préciser que je suis le seul à avoir disputé 3 tournois, tous les autres sont à 2 !
Place maintenant à la Coupe du Monde ! Je me suis installé tranquillement, dans l’attente de mon entrée dans la compétition contre Moradiabadi (2555), un joueur que j’avais déjà rencontré en 2006 au Championnat de Paris (nulle). Après m’être imposé sur le score de 1,5-0,5 je rencontrerai en 1/32e de finale le Russe David Paravyan (2625).
Les parties de Maxime à Zagreb :
Entre les deux tournois du Grand Chess Tour à Paris et à Zagreb, Maxime a passé quelques jours à Châlons-en-Champagne, ou était organisé le Top 12, plus haute division du Championnat de France par équipes. Son équipe d’Asnières y a obtenu la deuxième place derrière Bischwiller, comme lors de la précédente édition de 2019. Une occasion rare pour lui de retrouver certains de ses amis et collègues français, et de renouer avec la convivialité des compétitions par équipes. Pendant ses 5 jours, Maxime aura pu prodiguer ses conseils et analyses à ses coéquipiers, mais aussi disputer deux parties, avec notamment une longue victoire en finale contre Laurent Fressinet, lors du match décisif perdu 1-3 par Asnières face à Bischwiller.
Les parties de Maxime au Top12 :