Après n’avoir disputé que 4 parties classiques en près de 4 mois (lors de la Coupe du Monde), et près de 5 mois après mon dernier tournoi (Bucarest, début mai), j’ai renoué avec les cadences lentes en Albanie, pour la Coupe d’Europe des Clubs.
Je vais y revenir, mais arrêtons-nous d’abord un moment sur les deux tournois en ligne qui m’ont occupé durant la deuxième quinzaine de septembre, car ils ont offert leur lot d’émotions !
Speed Chess Championship
Le Speed Chess, qui revient tous les ans sur chess.com, est un format de match très plaisant à disputer, où l’on enchaîne 90 minutes de 5+1, 60 minutes de 3+1 et 30 minutes de 1+1. Jouer ainsi plusieurs heures contre des adversaires de l’élite constitue un très bon entraînement et donne généralement un résultat assez légitime même si certains matchs se décident dans les derniers bullets ! Le seul défaut pour moi, c’est que je trouve parfois les matchs un peu lents ; notamment si c’est plié après deux heures de jeu, la dernière heure ne sert plus à grand-chose. Je préconiserais plutôt d’organiser des matches avec des sets. Hormis ce point, le Speed Chess est le plus spectaculaire des tournois en ligne, avec tous les meilleurs qui participent.
Cette année, j’ai réalisé des prestations relativement convaincantes contre Gukesh et Sarin, en 1/8e et en ¼ de finale (respectivement 21.5-8.5 et 19.5-11.5). Les choses ont tourné à mon avantage contre Gukesh en début de match, quand j’ai commencé par un 5-0 ; forcément ça aide, malgré quelques parties qui auraient pu mal tourner. Contre Sarin, c’était un peu la même configuration ; après deux ou trois parties qui étaient un peu chaudes, j’ai pris l’avantage et je ne l’ai jamais lâché.
En demi-finale, j’affrontais le très gros morceau Hikaru Nakamura, que je n’ai jamais battu sur ce format. J’ai déjà battu Magnus, j’ai déjà battu Wesley So… Enfin, j’ai battu pas mal de monde, mais Hikaru me fait mal à chaque fois ! Pendant les 45 premières minutes, j’étais sur un nuage et c’était une masterclass de ma part ! Sauf que je me suis rendu compte à la pause que ça allait être dur de garder un tel niveau d’intensité. Ce fut peut-être une prophétie autoréalisatrice, car la deuxième partie du 5+1 a vu des parties qui n’ont pas tourné à mon avantage et Hikaru a recollé au score. J’ai eu en regain de forme ensuite dans le 3+1, mais malheureusement, j’ai complètement implosé dans le bullet. Il a été trop fort dans cette cadence. De toute façon, je me doutais que je devrais avoir une certaine avance avant ce 1+1 pour avoir une chance. Je pensais au moins +2, et même plutôt +3.
Malgré la défaite finale (11.5-16.5), j’étais quand même satisfait d’avoir été devant contre Hikaru après les 5’ et les 3’, et globalement content de mon niveau de jeu, sur la lancée de ma victoire au Tata Steel Chess India.
AI Cup
Le dernier tournoi du circuit en ligne Champions Chess Tour 2023 offrait un vrai challenge pour moi ; avec seulement 8 qualifiés pour la phase finale de décembre à Toronto et sachant que je n’avais disputé qu’un seul des 5 premiers tournois, la marge de manœuvre était assez étroite. Il me fallait me qualifier pour la Division 1, et certainement la remporter !
Le Play-in (tournoi de qualification) consiste en un Open de 9 rondes, suivi immédiatement de matches à deux entre les mieux classés, afin de définir la répartition dans les trois divisions. J’ai été assez convaincant dans l’Open, malgré un petit moment de doute quand j’ai perdu une partie contre Meier avec les blancs alors que j’étais quasiment gagnant. Mais je me suis repris tout de suite après ; j’ai remporté les deux parties suivantes de façon assez nette, et ça m’a permis de me qualifier pour le match où j’ai été propre contre Duda (1.5-0,5). J’ai ainsi gagné ma place pour une petite semaine de compétition en Division 1. Comme je me sentais en forme, pourquoi pas en profiter pour continuer à bien jouer, contre les plus gros morceaux du circuit !
Le ¼ de contre Alireza a donné lieu à des parties très accrochées, notamment la troisième que j’ai fini par gagner au terme de séquences tactiques dignes de la Najdorf 6.Fg5 😊.
Dans la 4e, j’étais en maîtrise avant de faire une gaffe qu’il l’a remis dans la partie puis une deuxième faute qui a amené cette finale à 4 Dames sauvée miraculeusement alors que ce n’est pas moi qui donne échec en premier ! C’est la troisième fois que je sauve une finale à 4 Dames 😊. Mais là, c’était tellement perdant que j’ai même failli abandonner juste avant qu’il ne commette une gaffe incroyable !
Une qualification qui n’est pas illogique, même si ça s’est joué sur des petits détails qui ont fait pencher la balance de mon côté, en créant des différences notables dans le résultat (3-1).
J’ai ensuite joué Mamedyarov en ½ finale, un match que j’ai bien maîtrisé. Après 2 nulles, il y a eu dans la troisième partie une ouverture pas très bien maîtrisée de sa part avec les noirs. Punie par mes soins, car il se trouve que j’avais regardé cette ligne de la Steinitz différée et l’avais moi-même jouée avec les noirs dans le Top 16 contre Andreï Sokolov. Après 1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fb5 a6 4.Fa4 d6 5.0-0 Fd7 6.c4, je connaissais la réfutation de 6…g5?! 😊 (7.d4 g4 8.d5!). Même si la conversion n’a pas été parfaite, la position est toujours restée très très difficile pour lui (1-0, 43 cps).
La dernière partie, un Gambit-Dame Accepté, fut un peu moins bien maîtrisée mais c’est passé avec deux ou trois petits petits calculs précis, notamment ici :
Mamedyarov est tombé à pieds joints dans mon piège en jouant 27.Dc3? (27.Fd4 =), oubliant le très esthétique 27…Cf6! (27…Dg3+? 28.Rh1 et 27…f6? 28.Fxe6+ perdaient bien sûr sur le champ) 28.Ce5 (28.gxf6 Dg3+ ; les menaces 28…Dg3+ et 28…Fxe4 sont dévastatrices) 28…Cxe4 0-1.
Ensuite, j’ai affronté Magnus en finale, et je pense que ce fut d’un très haut niveau des deux côtés. En termes de qualité de jeu, je crois que c’est un des tout meilleurs matches depuis longtemps, et j’ai l’impression que c’est un sentiment partagé par pas mal de monde. En tout cas, par Magnus lui-même, puisqu’on en a discuté récemment en Albanie et qu’il m’a confirmé partager cet avis.
Évidemment il y a eu quelques erreurs, mais dans des positions très compliquées et avec peu de temps à la pendule. Nous avons tous deux eu pas mal d’idées intéressantes. Les parties ont été intenses, avec de la dramaturgie, tout y était ! Évidemment c’est décevant de perdre ce match à l’Armageddon (2-2 dans le temps réglementaire), mais c’était dur d’être déçu par mon niveau de jeu !
Cela dit, le tournoi n’était pas fini puisqu’avec le système à double élimination, j’allais être reversé dans le loser bracket pour y affronter Nepo…
J’ai bien maîtrisé la première partie contre sa défense Petroff. Il y a eu une ou deux petites imprécisions de sa part, que j’ai bien punies au terme d’une partie très positionnelle.
Dans la deuxième partie j’ai été à mon tour en difficulté, et je me suis même retrouvé perdant. J’ai dû jouer au « Roi volant » sans vraiment maîtriser la situation ! Mais ça restait très compliqué et Nepo n’a pas trouvé le chemin. Encore une fois, les éléments ont été plutôt pour moi. Mais quand on joue bien, c’est souvent le cas 😊.
Comme cette finale du loser bracket était en 2 parties, je retrouvais Magnus pour une revanche dans la Grande Finale. Avec la tâche ingrate de le battre une première fois dans le match en 4 parties, et si j’y arrivais, de devoir le battre une deuxième fois dans un match en 2 parties !
J’avais conscience que si Magnus conservait le niveau de jeu de notre précédent match de l’avant-veille, ce serait un peu mission impossible pour moi. Bien sûr, je savais que je revenais en grande forme mais Magnus, c’est le test ultime pour voir où on en est ! Etre en forme contre des adversaires du Top 20-25 mondial, c’est une chose. Contre les Top 10, c’en est une autre. Mais contre le numéro 1 incontesté, c’est complètement à part…
Je trouve que j’ai peut-être un peu moins bien joué cette Grande Finale, mais ça ne s’est pas trop vu parce que j’ai eu des oublis qui, soit n’ont pas été punis, soit en fait n’étaient pas graves ; par exemple, j’oublie une variante mais en fait c’est sans conséquence parce qu’elle ne marche pas pour telle ou telle raison. J’ai eu plus d’oublis de ce genre, mais il y avait aussi pas mal de fatigue parce que c’était une longue et difficile semaine. Du côté de Magnus, son niveau a été bien plus erratique, notamment en termes de calcul. Il a fait beaucoup de fautes dont j’ai pu profiter, dans le premier match notamment.
Dans la finale de la première partie, il m’a expliqué avoir bluffé un peu avec 28.Fd6 au lieu du naturel 28.Ce5 ou 28.Fe5. Il s’en est voulu, même s’il n’y avait aucune raison qu’il perde la finale de Fous après 28…Fxf3 29.gxf3 Fxd4 😊.
J’ai été un peu dominé dans le reste de ce match ; disons que ça n’aurait pas forcément été un scandale qu’il égalise, notamment dans la troisième partie. Mais encore une fois, je m’en suis sorti grâce à quelques fautes de calcul de sa part. J’ai bien maîtrisé la 4e partie, ce qui m’a permis de gagner ce match (2.5-1.5), et d’avoir le droit d’en jouer un autre en deux parties pour la gagne du tournoi… et la qualification pour Toronto !
La première partie de cette nouvelle finale a été marquée par un long débat théorique avec sacrifice de Dame dans le Gambit-Dame Accepté 3.e4.
Nous avions tous deux analysé plus ou moins jusque-là, avec une position rocambolesque où deux Fous et deux pions luttent contre ma Dame ! Il y a eu toute la dramaturgie du monde dans cette partie, qui fut clairement la meilleure de la journée. Malgré quelques fautes de calcul des deux côtés, ça reste une partie d’assez grande qualité (0-1, 47 coups).
Dans la deuxième partie où je pouvais me contenter de la nulle avec les blancs, je lui ai rapidement laissé des chances.
J’ai alors considéré que ce ne serait pas raisonnable de rester passif et j’ai pris le risque de changer radicalement le caractère de la position par 23.Fxh7+!?. Je sentais que ça ne passerait peut-être pas mais c’était suffisamment spéculatif pour être tenté. Je me suis dit que je n’avais pas vraiment le choix car la jouer petit bras en étant un peu moins bien ne me plaisait vraiment pas !
Après 23…Rxh7 24.Th3+ Rg8 25.Dh5, Magnus a lâché instantanément le naturel 25…f5?, mais c’était 25…f6! qu’il fallait jouer !
J’avais anticipé 25…f6, mais je pensais qu’après 26.Dh7+ Rf7, ça laissait des options comme 27.Tg3 ou 27.exf6 et je n’étais pas certain d’être perdant (mais pas 27.Th6? comme dans la partie, à cause de de la nuance fatale 27…Cxd1! 28.Dg6+ Re7 et le pion f6 fait obstacle au mat en e6 !). De plus, 25…f6 ne me semblait pas gagner pas en ligne, il y a encore des essais pour les blancs, même si la machine est implacable dans son jugement : après 25…f6!, les noirs ont un avantage décisif !
D’ailleurs, j’ai trouvé bizarre qu’il joue 25…f5 a tempo, et aussi qu’après 26.Dh7+ Rf7 27.Th6, il réfléchisse 5 minutes pour jouer le catastrophique 27…Dxc4??, oubliant qu’après 28.Tf6+! Re8 29.Dxg7, les noirs se font mater en dépit du tempo disponible en défense.
29…Txf6 30.exf6 1-0.
Au lieu de 27…Dxc4??, s’il avait choisi 27…Re8! 28.Txe6+ Rd7, j’aurais encore dû me battre pour le demi-point synonyme de victoire finale, et le fait que la machine délivre ici son sempiternel verdict à 0.00 ne dit rien de la difficulté de la tâche des blancs en pratique.
Avec cette victoire 2-0 lors de l’ultime match, j’ai remporté la IA Cup, et je dois dire que j’ai passé une très, très bonne semaine dans l’ensemble. En termes de résultats et de niveau de jeu, bien sûr, mais aussi en termes de confiance engrangée.
Mais dès le lendemain matin, je prenais l’avion pour l’Albanie, où il me restait encore à transformer l’essai de ce regain de forme en parties rapides, dans les parties longues…
Coupe d’Europe des Clubs, Durres (Albanie)
Une unité de plus sur ma liste des pays visités ! Notre équipe d’Asnières avait une nouvelle recrue en la personne de Martyrosian et sur le papier, nous faisions clairement partie des favoris.
Je n’ai pas joué les deux premiers matches. L’équipe a fait le travail proprement et j’ai fait mon entrée en jeu contre l’équipe turque de Gokturk, contre Sanal (2603) :
Une position issue de la fameuse finale de la Berlinoise, que je n’ai pas tellement jouée ces derniers temps, et qui a d’ailleurs connu un regain d’intérêt dans cette Coupe d’Europe.
Ici, je sentais que je pouvais essayer de profiter de la position acrobatique de sa Tour en c4. Ma première idée était 22.Tf3, mais simplement 22…Fe7 suivi de 23…Fb4. J’ai alors évalué 22.g5 mais je ne suis pas parvenu à le faire marcher ; le Fh4 enfermé est inattaquable et les noirs auront toujours un …h6 quelque part.
En fait il se trouve qu’il existe une autre idée plus forte : 22.Td2! Rb7 23.Td3, pour jouer 24.b3 sans craindre 23…fxg4 24.f5!. Mais cette manoeuvre est assez contre-intuitive dans la position, c’est le moins qu’on puisse dire ! Même en jouant 23…Td8, après 24.Tfd1 Txd3 25.cxd3 Tb4 26.b3, ça reste dur à jouer pour les noirs. C’est une position un peu atypique parce que justement la Tour ne se retrouve jamais en c4 ou b4. Dès lors, de nouveaux thèmes émergent. Mais la Tour sur la colonne d ouverte manque aux noirs ; ce qu’il a payé cher un peu plus tard.
Dans la partie, j’ai préféré 22.exf6 Fxf6 23.f5 Ff7 24.Ff4 Tb4 25.Cd1.
Ici, il fallait voir que 25…Fc4! 26.Te4 Fxf1 27.Txb4 Fe2 28.Ce3 (on a l’impression que c’est mieux pour les blancs, c’est en tout cas ce que je pensais pendant la partie…) 28…Ff3! mène à l’égalité, après 29.Rf2 (29…c5! intermédiaire) comme après 29.g5 (29…Fe7 et 30…Fc5).
Sanal a raté cette opportunité pas facile du tout et a opté pour 25…Rb7 26.b3 Td4 27.Fe5!. Il voulait probablement jouer 27…Te8 mais je crois qu’il a oublié 28.Fxf6! vu sa tête quand j’ai joué 27.Fe5. Après 27…gxf6 (27…Txd1 28.Txe8 Txf1+ 29.Rxf1 Fxe8 30.Fxg7 +-) 28.Txe8 Fxe8 29.Te1, la finale ne laissait en effet guère d’espoir.
Il s’est donc replié sur 27…Fxe5 28.Txe5 Tad8, mais après 29.Te7, la finale reste tout aussi difficile à défendre (1-0, 58 coups).
J’ai souffert pour annuler ma deuxième partie contre Sarin (2694) parce que je n’ai pas été assez précis dans mon Gambit-Dame Accepté. Mais l’équipe a signé sa 4e victoire, et il s’agissait maintenant d’affronter la tête de série n°1, l’équipe roumaine de Superchess, sponsorisée par Superbet et emmenée par Rapport et Anand…
Dans ce match, je doublais les noirs contre Rapport (2752). J’ai très bien maîtrisé un milieu de jeu dans lequel nous avons tour à tour pris des risques, mais le vent a tourné en ma faveur après de bonnes décisions stratégiques :
J’étais content de ma manière de jouer pour obtenir cette position, notamment avec l’échange des Fous de cases noires en h6, ainsi que les petites manœuvres pour augmenter graduellement la pression sur le pion faible en e4. Malheureusement ici, il m’a manqué le KO…
La finale de pions était gagnante après 36…a3 37.b3 f5! 38.Df4 (j’avais vu 38.exf5 Dxf3+ 39.gxf3 Txe2 40.Txe2 Txe2 41.Rxe2 et la pointe 41…g5!) 38…fxe4+ 39.Txe4 Txe4 40.Txe4 Dxe4+ 41.Dxe4 Txe4 42.Rxe4. A un moment quand il jouera Re4 avec mon Roi en f6, je répondrai …g5! et je savais évidemment que dans ce cas, la partie était gagnée. C’est pourquoi il me faut gagner l’opposition car si je peux amener mon roi en e5 ou f5 la partie est terminée. Ce qui m’a manqué en temps limité, c’est de comprendre comment empêcher le Roi blanc de rester en e4 et f4. En fait, il faut trianguler avec le Roi, par exemple 42…Rf6 43.Rf4 Re7! 44.Rf3 Rf7, et on recommence la manœuvre s’il joue 45.g3.
J’ai raté une deuxième occasion nette plus tard dans la finale.
Il y a toujours des ressources cachées dans ces finales de Tours !
Mon choix de 52…Txc4? 53.bxc5 Re5 n’était pas le bon : 54.Te2+ Rd5 55.Te8! Txc5 56.Rd2 et la Tour blanche va réussir un harcèlement permanent par derrière (1/2, 67 coups).
Pourtant, il existait un chemin… 52…cxb4! 53.Txd4 b3 54.Rd2 (54.Txf4+ Re5 55.Tf2 Txc4 gagne, les pièces noires sont trop actives) 54…Tc2+ 55.Rd3 et ça devient quasiment une étude dont la ligne principale serait 55…Rf5! 56.Td5+ Rg4 57.Tg5+ Rxh4 58.Tg8 Tc1 59.Tb8 Rg3 60.Txb3 Rxg2 -+. Mais pendant la partie je n’étais pas sûr de moi et je n’ai pas fait le bon choix.
En fait dans cette partie, à chaque fois j’avais deux choix tentants. J’ai voulu aller au plus simple et à chaque fois j’allais au plus compliqué (un grand classique 😊).
Malheureusement, ce demi-point raté nous a empêché d’arracher le match nul dans ce duel au sommet.
Nous nous sommes vengés le lendemain en dominant les Israéliens de Beersheva. Je l’ai emporté de mon côté contre Mikhalevski (2527).
La compétition s’est donc conclue sur un match de tous les possibles contre l’équipe norvégienne d’Offerspill, emmenée par le n°1 mondial Magnus Carlsen :
J’ai joué une bonne partie, grâce à une bonne préparation avec les noirs, qui m’a très rapidement amené à la position suivante :
La finale était en réalité un peu plus délicate que ce qu’il m’a semblé au premier abord quand je suis rentré dedans.
Un coup normal, par exemple 24…Thd8, aurait été possible à la condition d’activer ma majorité à l’aile-Dame. Mais dans ce cas, ses deux Tours seraient entrées en piste. Échanger une paire de Tours, par exemple en d3, n’aurait pas été une option, car son pion e serait alors devenu trop fort. Avec les 4 Tours, il aurait facilement pu jouer Tg1 pour forcer …g6 puis continuer par h4-h5. Son Roi se serait trouvé en e4 relativement protégé, prêt à s’infiltrer en f5 et à soutenir le pion e. Tant qu’il y a les 4 Tours sur l’échiquier, je ne peux jamais jouer …b6 et …c5 car les blancs répondent par a5-axb6 et tapent sur le pion b, tout en s’infiltrant sur la colonne a, après quoi son pion e avance tout seul. Il fallait donc avant tout que j’empêche h4.
J’ai donc pris mon temps pour organiser la défense, je me suis mobilisé et j’ai trouvé les bons coups, avec tout d’abord la bonne séquence 24…Tf8 25.f4 g5! (empêcher h4 – bloquer la phalange de pions blancs) 26.a5 (26.fxg5 Tf5 ; 26.Tb4 c5! 27.Tb5 b6 28.a5 Rc7 29.axb6+ axb6 30.Ta6 – sinon 30…Rc6, le Roi noir soutient ses pions et ça joue pour trois résultats ! – 30…gxf4+ 31.exf4 Td3+ 32.Rg4 Td4, on va échanger tous les pions et rester bons amis !) 26…gxf4+ 27.exf4 Td4 28.Tf3 Tf5! et j’ai réussi à créer les conditions d’un blocus sur cases blanches (½, 47 cps).
Malheureusement, l’équipe s’est inclinée au final sur la plus faible des marges, après un match qui s’est joué à rien. Au lieu d’un podium, voire d’une victoire finale sur le fil, nous avons dû nous contenter de la 7e place. Le triplé Coupe – Championnat – Coupe d’Europe n’a pas eu lieu, mais je crois qu’Asnières peut quand même être fier des résultats de son équipe cette saison ! Et n’oublions pas de féliciter l’équipe de Magnus pour son titre européen !
Sur le plan individuel, je me prépare maintenant pour le Grand Swiss de l’Ile de Man (25 octobre – 5 novembre), qui offrira 2 nouvelles places pour les Candidats 2024, juste avant de partir sur le continent américain pour une longue tournée puisque le retour à Paris est prévu le 18 décembre !
Les parties blitz de Maxime au Speedchess :
Les parties de Maxime dans l’AI Cup :
Les parties de Maxime en Albanie :
Jean-Philippe Toussaint, auteur prolifique récompensé par de nombreux prix, dont le Médicis en 2005, a souvent émaillé son œuvre de références au jeu d’échecs. Son premier ouvrage est d’ailleurs intitulé « Echecs ». Début septembre, en germanophone averti, il a publié aux Editions de Minuit une nouvelle traduction française de la célèbre oeuvre de Zweig « Le joueur d’Echecs », qu’il a d’ailleurs renommée « Echecs ». En parallèle, Jean-Philippe Toussaint a également sorti une autobiographie qu’il souhaite lui-même être « l’échiquier de [sa] mémoire ». Intitulée en effet « L’échiquier » elle contient de nombreux récits liés à sa passion du jeu et à ses rencontres avec des personnalités échiquéennes. A l’occasion de cette publication, « Philosophie Magazine » a souhaité organiser un (long) entretien croisé entre Jean-Philippe Toussaint et Maxime, au cours duquel de nombreux thèmes ont été abordés. Les échecs et l’écriture y tiennent la place principale, bien sûr, même si l’entretien dérive de temps en temps vers d’autres rivages métaphysiques !
Image : Philosophie Magazine