Retour sur le mois de décembre, qui était assez important en termes de parties Rapides et Blitz, puisqu’il y avait la finale du Champions Chess Tour à Oslo, suivie juste après des championnats du monde Rapide et Blitz à New York. J’étais évidemment très motivé, avec notamment l’objectif que j’avais affiché d’en gagner un des trois. Autant dire que l’objectif n’a pas été réalisé, et ce d’assez loin 😊. Principale cause, et ça s’est vu de manière encore plus criante en Blitz, la profusion de fautes de calcul. C’est quelque chose que l’on avait déjà noté lors du tournoi de Blitz à Londres la semaine précédente.
Dans cette position normale de fin d’ouverture, j’ai joué le terrible 14.Fd2?, oubliant complètement 14…Cd3 avec double attaque sur la Te1 et le pion b2.
Et ces fautes de calcul assez inhabituelles pour moi se sont répétées tout au long du mois, ainsi que des erreurs de jugement étonnantes…
Ainsi, lors de la demi-finale du Champions Chess Tour contre Magnus à Oslo, j’ai vécu une expérience assez nouvelle et assez surprenante. J’ai eu le sentiment de faire jeu égal dans le jeu positionnel, dans le placement des pièces ce qui, je dois l’avouer, est assez rare 😊. Mais en revanche, en termes de tactique pure, j’ai été complètement dominé, ce qui est également très inhabituel !
Dans cette partie, j’avais obtenu une position clairement gagnante, et j’aurais sans doute pu éviter cette finale qui pose de réels problèmes de conversion. Mais ce n’était pas une raison pour jouer l’inepte 47.Cxc6? Cxc6 48.c5, et le verrou en c6 étant infranchissable, la position est complètement nulle.
Ceux qui ont suivi mon tournoi à New-York auront remarqué que ces erreurs de calcul ont été particulièrement flagrantes lors de la journée de Blitz, qui qualifiait seulement les 8 premiers pour la phase finale. Et je n’ai jamais pu me mêler à la course à cause de ces fautes vraiment gravissimes, en tout cas par rapport à mes standards habituels. Il y a eu aussi la deuxième journée du Rapide qui s’est mal passée de ce point de vue-là, mais c’était quand même moins manifeste.
A ce jour, je ne sais pas quelle conclusion en tirer mais en tout cas, j’y réfléchis évidemment avec toute mon équipe. C’est un point négatif qui a été très important sur cette fin de saison, et qu’il faudra absolument résoudre en 2025.
LES POLÉMIQUES DE FIN D’ANNÉE
En ce qui concerne le code vestimentaire de la FIDE, j’ai déjà eu l’occasion d’exprimer mon point de vue dans diverses interviews. Pour le meilleur ou pour le pire – et j’ai été assez actif dans les discussions à ce sujet ces dernières années – les règles du code vestimentaire pour cette année ont été expliquées à l’avance, y compris le fait que l’on ne serait pas apparié après une deuxième infraction. Je ne suis pas fan de l’interdiction des jeans et des baskets, mais il y a une logique derrière cela : ne pas avoir à trier le jour même les jeans et les baskets qui sont acceptables pour l’événement et ceux qui ne le sont pas. Une fois que j’ai dit tout cela, les règles en vigueur doivent s’appliquer pour tout le monde, et c’est ce qui s’est passé puisque la FIDE, l’arbitre en chef et Magnus Carlsen sont restés fidèles à leurs principes. Les répercussions publiques ont été un peu malheureuses à mon goût, mais en même temps, dans tous les sports où il y a une décision controversée – par exemple la disqualification de Djokovic à l’US Open 2020 – cela conduit généralement à des débats et à une couverture médiatique intenses.
Pour ce qui est du partage du titre mondial de Rapide, je serais encore plus explicite, ça ne me convient pas. Encore une fois, ce n’est pas quelque chose que l’on voit dans les autres sports. Surtout que là, il y avait quand même encore largement moyen de départager les joueurs. On n’en était qu’à trois parties de départage. J’aurais été plus compréhensif si, par exemple, au bout de huit parties de départage, ou même au bout de six parties, soit 1h30 et une journée globale de 7 ou 8 heures, les joueurs ne s’étaient toujours pas départagés. Je pourrais accepter que dans ce cas, on mette en avant le côté : « on est de force égale aujourd’hui », pourquoi pas ? Mais là, c’était tôt et je ne comprends pas que la FIDE ait accepté ça. Et je ne comprends d’ailleurs pas non plus que Magnus, qui aime tant le sport, ait même proposé ce deal. Pour Ian, évidemment, c’est un peu différent. Il se retrouve un peu le couteau sous la gorge d’une certaine manière. S’il refuse et qu’il perd, il a l’air vraiment idiot. Je ne veux pas non plus blâmer inutilement Magnus, parce que parfois, dans le feu de l’action, on perd un peu en lucidité…
Mais ça laisse un goût amer d’un point de vue de spectateur, dans le sens où vraiment, ça aurait pu être une fin de match assez légendaire, assez épique. Je pense à la finale de la dernière Coupe du monde de football France-Argentine, qui se décide aux tirs au but, et qui est entrée dans la légende après que la France ait été menée 0-2 (comme Ian !) et qu’elle ait égalisé en toute fin de match.
PROJETONS-NOUS SUR 2025
Grande nouveauté de 2025, il y a deux nouveaux circuits ! Avant cela, il y a évidemment le retour du cycle de qualification pour les Candidats, comme chaque année impaire. On est un peu en manque d’infos sur les dates, les lieux, même si j’espère que ça va vite se décanter. Je suis une nouvelle fois qualifié pour le circuit du Grand Chess Tour, qui débutera fin avril, grâce à ma troisième place l’année dernière. On a également le Champions Chess Tour, qui revient encore une fois, mais sous une forme un peu différente, avec seulement deux tournois qualificatifs en ligne, et une finale à 16 joueurs qui se disputera dans le cadre de la Coupe du monde Esport (EWC) à Riyad (Arabie Saoudite), du 31 juillet au 3 août. Et évidemment, le tout nouveau circuit de FreeStyle Chess, qui comprend 26 joueurs, et son cycle de cinq tournois. Avec le premier tournoi en février en Allemagne, et la deuxième étape à Paris en avril. Après la phase finale du Speed Chess en septembre dernier, ça fait plaisir de constater le retour des échecs au plus haut niveau en France.
Donc, c’est vrai que ça donne une année hyper chargée, mais si je trouve ma forme et que je reviens bien, je crois que j’ai absolument toutes mes chances de pouvoir être à la lutte avec les meilleurs !
Les parties de Maxime à Londres :
Les parties de Maxime à la finale du Champion Chess Tour :
Les parties de Maxime au Championnat du Monde Rapide :
Les parties de Maxime au Championnat du Monde de Blitz :
En marge du tournoi de blitz de Londres mentionné plus haut, et dans lequel Maxime a pris la 2e place derrière Firoujza, l’organisateur en chef des échecs britanniques, Malcolm Pein, avait prévu un tournoi à l’aveugle réunissant 10 joueurs, dont les meilleurs anglais, notamment Adams, Vitiugov, Mc Shane et Jones, ainsi que Mamedyarov et Vidit. Le jeu à l’aveugle est un point fort de Maxime, qui se considérait comme un favori du tournoi. Et à juste titre, puisqu’il s’est imposé assez facilement dans une cadence qui lui convenait très bien, à savoir 10+5. La compétition se déroulait sur ordinateur, devant un échiquier vide.
J’ai été invité au tournoi de Chennai (Inde, 5-11 novembre) assez tardivement – au début du mois de septembre – par l’intermédiaire du capitaine de mon équipe de Global Chess League, Srinath Naranayan. Nous en avons parlé au sein de mon équipe, et nous nous sommes dit qu’il y avait pas mal d’avantages à accepter. J’étais plutôt sur une bonne dynamique en général, j’avais envie de jouer plus de parties longues sur la fin de l’année. Bien sûr, j’espérais aussi regagner quelques points Elo et en cas de miracle, jouer ma minuscule chance au Circuit Fide. La liste des participants était également intéressante puisque hormis Levon (Aronian), un client contre lequel j’ai joué des centaines de parties, j’avais assez peu rencontré les autres joueurs. Notamment, j’ai pu constater que, par exemple, je n’avais absolument jamais joué avec les blancs contre Sarana, même dans un blitz quelconque !
C’était donc l’occasion de rencontrer la jeune génération, car les Gukesh, Prag ou Abdussatorov, même si ils en font partie, sont avant tout des joueurs de l’élite. Or, Sarana, Maghsoodloo, Tabatabaei sont des joueurs qui sont assez jeunes mais que je vais assez peu jouer prochainement, en particulier puisqu’ils ne sont pas (encore ?) qualifiés pour le Grand Chess Tour.
Je suis arrivé quelques jours en avance dans le sud de l’Inde pour essayer de trouver ma forme et éviter le jet lag. Mais il est vrai que je me suis senti fatigué avant même le début du tournoi, parce que j’ai quand même énormément joué en août, septembre et octobre. J’avais aussi ressenti cette fatigue pendant un camp d’entraînement avant de partir en Inde. Il se peut que j’aie sous-estimé la charge physique et mentale qui pesait sur moi. A posteriori, je comprends que je ne suis pas arrivé à Chennai en ayant complètement récupéré de ces trois mois…
Petite lueur d’espoir au tirage au sort, avec pour une fois un appariement plutôt favorable, avec quatre fois les blancs et trois fois les noirs. Et les noirs notamment contre les deux meilleurs Elo, Levon et Erigaisi, la terreur montante qui était très proche des 2 800 et que je venais de rencontrer en finale du WR Masters de Londres. Je me suis donc dit que c’était l’occasion d’être solide avec les noirs et de saisir les opportunités avec les blancs.
Ça s’est très bien passé au départ puisque j’ai pu battre Maghsoodloo grâce à une assez jolie prépa qui m’avait été concoctée par mes secondants. Confronté à de nombreux problèmes et en manque de temps, le joueur iranien n’a pas pu défendre la position. Puis, nulle assez facile avec les noirs contre Aravindh, un autre joueur indien que je connaissais assez peu également, qui a d’ailleurs remporté le tournoi et est monté à 2718 !
Jusque-là, le tournoi se passait plutôt bien. En plus, je doublais les blancs lors des rondes suivantes, donc je pensais que c’était l’opportunité de gagner au moins une des deux parties. Et c’est là que ça a déraillé 😊.
Je dois dire que Tabatabaei a tout simplement réalisé la partie absolument parfaite, incluant des coups vraiment pas évidents du tout. A un moment, je n’ai pas su reconnaître le danger latent dans la position et je me suis retrouvé en difficulté. J’ai donc subi un vrai coup d’arrêt, surtout que ça stoppait net ma série d’invincibilité, qui s’arrête donc à 72 parties longues !
Le lendemain contre Vidit, j’ai décidé d’éviter la Berlinoise, et on s’est retrouvés dans une Catalane fermée que je n’avais pas forcément prévue. Mais au fur et à mesure, la partie s’est compliquée et j’ai obtenu quelques chances. Malheureusement, j’ai pris une mauvaise direction et j’ai finalement dû batailler ferme pour annuler une finale de Tours délicate. Ensuite, je dois dire que j’ai disputé une véritable non-partie contre Levon, cumulant une improvisation d’ouverture et des erreurs malencontreuses dans le début de milieu de jeu. Levon a été précis dans la concrétisation et dans le calcul des variantes pour s’adjuger le point.
Avec 2/5 à deux rondes de la fin, il va sans dire que ça ne se passait plus très bien ! Après une nulle insipide contre Sarana, j’ai au moins eu le plaisir de disputer une partie de dernière ronde assez dingue contre Erigaisi ; j’ai donc choisi de l’analyser complètement ci-dessous.
-1 au final (3/7), ce n’est clairement pas satisfaisant, avec notamment une partie très mauvaise sur les sept, et quelques autres sans histoire. A ma décharge, j’ai lutté pendant le tournoi pour trouver ma forme.
Un mot sur les conditions de jeu à Chennai, très agréables. Il y a un vrai boom des échecs en Inde et ça se voit vraiment, notamment à travers le nombre de fans présents !
Maintenant, il faut se préparer à remonter en selle, car il y a deux gros objectifs de fin d’année.
Tout d’abord, la finale du Champions Chess Tour 2024 à Oslo (17-21 décembre), et tout de suite après, le championnat du monde Rapide & Blitz à New-York (26-31 décembre).
L’idée, c’est que j’ai un mois quasiment pour me préparer à ces deux échéances. Et l’objectif affiché, c’est d’en gagner un des trois !
Erigaisi – Mvl
Chennai, Ronde 7
1.d4 Cf6 2.c4 g6 3.Cc3 d5 4.Db3 dxc4 5.Dxc4 Fe6 6.Db5+ Fd7 7.Db3 c5 8.d5 b5 [Erigaisi a réussi à me surprendre avec cette ligne assez marginale contre la Grünfeld. Ici, je ne connaissais que 9.Cxb5]
9.e4!?
9…b4 [Meilleur était 9…c4! 10.Fxc4 bxc4 11.Db7 Db6 12.Dxa8 Cg4! (sur l’échiquier, je n’ai vu que 12…Fg7? 13.Fe3 Dxb2 14.Tb1 Dxc3+ 15.Fd2+–) 13.Cge2 (13.Ch3? Fg7 et l’action du Fou sur la grande diagonale change tout) 13…Fg7 14.0–0 0–0 15.h3 Ca6 16.Dxf8+ Rxf8 17.hxg4 Fxg4 et tout va bien pour les noirs]
10.e5 bxc3 [10…Cg4 11.e6 ne m’a pas franchement attiré pendant la partie, même si la machine désapprouve. En outre, je suis plus habitué aux transactions …bxc3/exf6 dans la Grünfeld !]
11.exf6 Db6
12.Ce2 [Ici, Erigaisi a réfléchi très longtemps, et il a opté pour un coup très intéressant. Bien sûr, je m’attendais surtout à 12.Dxc3 exf6 13.Cf3 et mon intention ici était 13…c4 (13…Fg7 14.De3+ Rd8 15.Dc3) 14.Fe3 Fb4 15.Fxb6 Fxc3+ 16.bxc3 axb6 17.Fxc4 0–0 avec un espoir de compensations pour le pion; 12.bxc3 était tout à fait possible également]
12…Dxf6 [J’ai aussi regardé 12…cxb2 13.Fxb2 exf6 14.Dxb6 axb6 15.Fxf6 Tg8 16.Cc3 mais ici je n’ai pas trouvé de coup satisfaisant : en effet, 16…Ff5? (pourtant 16…Fe7! 17.Fxe7 Rxe7 18.Tb1 Ff5 19.Txb6 Cd7 suivi de 20… Tgb8 donnait à coup sûr assez de jeu pour le pion, ce que je n’ai pas réalisé pendant la partie) 17.Fb5+ Cd7 18.0–0 ne va pas du tout !]
13.Cxc3 Fg7 14.Fe2 [Je pensais à 14.Fc4 0–0 15.0–0 mais ici les noirs ont 15…Ff5! contrairement à la partie !]
14…0–0 15.0–0 Fc8 [Je voulais faire marcher 15…Ff5 mais après 16.Db7 Cd7 17.g4 (la raison de 14.Fe2!) 17…Fxg4 (17…Tfb8 18.Dc6) 18.Fxg4 Ce5 19.Fe2 ça ne fonctionne pas, par exemple 19…Tfb8 20.Dc7 Tc8 21.Da5]
16.Fe3 Cd7 17.Da3 Fb7 18.Tac1 Tfd8 19.Tfd1 Dh4!
20.Fb5 [Encore un coup fruit d’une longue réflexion, qui n’est pas forcément le premier choix, mais qui est très intéressant]
20…Fe5 [20…Db4 21.Fc6 (21.Dxb4!? cxb4 22.Ca4) 21…Dxa3 22.bxa3 Fxc3 23.Txc3 (23.Fxb7 Tab8 devait suffire pour égaliser) 23…Fxc6 24.dxc6 Ce5 = (la pointe que j’ai manquée, la menace de mat du couloir permet de récupérer le pion c6 et de sauver la partie) ; 20…Cf6!? était également très tentant, mais il fallait voir une ligne complexe qui nous a échappée à tous les deux : 21.Dxc5 Cg4 22.Ff4 Tdc8 23.Fc6 Fe5!! (23…Fxc6 24.dxc6 Txc6 25.Dxc6 Dxf2+ 26.Rh1 Dxf4 27.Dxa8+ Ff8 28.g3 Df2 serait sympa, mais malheureusement, la Dame revient en g2 !) 24.Fxe5 Cxe5 et les noirs vont récupérer le pion en c6 ; 25.Td4? Cf3+ 26.gxf3 Dg5+–+]
21.h3 [21.g3 Dh3]
21…Fd6 [C’était l’idée, même si j’ai bien compris que l’ordi n’approuve pas]
22.Fc6 [22.Fxd7 Txd7 23.Fxc5 Fe5 laissait une activité certaine aux noirs]
22…Fxc6 [J’ai décidé de me lancer dans une opération tactique à hauts risques, notamment parce que je n’ai pas vu 22…Tab8 23.Dxa7 Fc8! (encore un retour du Fou sur sa case de départ !) 24.Da4 Tb4 et les pièces noires commencent à lorgner vers le Roi]
23.dxc6 Ce5 24.Fxc5 Cc4
25.Da6 [J’analysais comme un fou 25.Db4 a5 26.Db5 Tdb8 (26…Tab8? 27.c7! Fxc7 28.Txd8+ Txd8 29.Cd5+–) 27.Fxd6 (Il se trouve que 27.Td4! gagne mais c’est un coup si difficile à envisager, surtout de loin ! 27…Dg5 ((27…Txb5 28.Cxb5 Dg5 29.Tdxc4 le pion c6 est trop fort)) 28.Dxc4 Dxc1+ 29.Td1 Dxb2 30.Fxd6 exd6 31.c7 Tc8 32.Txd6 et le pion c est à nouveau trop fort) 27…Txb5 28.Fg3 Dg5 29.Cxb5 Dxb5 30.c7 Tf8 (30…Cd6 31.Fxd6 exd6 32.c8D+ Txc8 33.Txc8+ Rg7 34.Tc2, les blancs vont continuer par Td4, a3 et Tcd2 gagnant le pion d6 et probablement la partie) 31.Td8 Cb6 32.Tb8 Rg7 (le bon ordre de coups ! 32…Tc8? 33.Td1 Rg7 34.Td8 Dc5 35.Tbxc8 Cxc8 36.Txc8 e5 37.Te8 Dxc7 38.Fxe5++–; 32…Dxb2? 33.Ff4! et 34.Fe3) 33.c8D Txc8 34.Tcxc8 Dxb2 et la partie continue ! Vu la complexité des variantes, je savais que j’avais pu rater quelque chose (en l’occurrence 27.Td4!), mais c’était valable pour mon adversaire aussi]
25…Fxc5 26.Txd8+ Txd8 27.c7 Tf8 [27…Dxf2+? 28.Rh1 Td2 est totalement insuffisant car les Dames reviennent en défense, par exemple 29.c8D+ Rg7 30.Dac6]
[Ici, les blancs avaient trois coups plausibles, nous avions donc une masse importante de variantes complexes à calculer !]
28.Ce4!? [Tout d’abord le logique 28.Cd1 qui a le mérite de protéger f2 tout en enfilant les pièces mineures noires sur la colonne c. Mais j’avais prévu la riposte… 28…Cb6! 29.Txc5 Dd4 30.Tc1 (30.c8D?? Dxd1+ 31.Rh2 Dd6+ 32.g3 Cxc8) 30…Dd2 31.Ta1 De1+ 32.Df1 (32.Rh2 De5+) 32…De5 33.Tc1 Tc8 34.Dd3 Cd5 35.Db5 e6 et les noirs finissent par capturer le pion c7, avec égalité !]. 28.c8D! était finalement le coup le plus trivial et le meilleur : 28…Dxf2+ (28…Fxf2+? 29.Rh1 Txc8 30.Dxc8+ Rg7 31.Ce2 ((31.Ce4? Fe3; 31.Cd1? Fb6; 31.Dg4 tout de suite était également fort)) 31…Cd6 ((31…Cxb2? 32.Dc3+ Df6 33.Dc2)) 32.Dg4) 29.Rh1 Txc8 30.Dxc4 Dxb2 31.Ce4 les blancs vont gagner une pièce, mais avec 2 pions et un contre-clouage sur la colonne c, la situation des noirs n’est pas encore désespérée.
28…Dxe4 29.c8D[29.Dxc4? Fxf2+ 30.Rxf2 Dxc4 31.Txc4 Tc8 32.b4 Rf8 33.a4 Re8 et les noirs gagnent le pion c7 au tempo près !]
29…Fxf2+ 30.Rh1 [30.Rxf2?? De3+ 31.Rf1 Cd2#]
30…Ce3?! [Ici, j’ai longtemps réfléchi, mais non pas, comme beaucoup ont cru, parce que j’hésitais à jouer la finale issue de 30…Txc8 31.Dxc8+ Rg7 32.Dxc4 Fd4 (seul coup, la finale sans les Dames n’offre absolument aucun espoir) 33.Td1 e5, par rapport à laquelle je n’étais pas très optimiste. En réalité, j’ai très vite décidé de laisser les blancs avec les deux Dames, car j’ai compris que leur force commune en attaque ne pourrait pas vraiment s’exprimer dans cette position, et que les blancs ne seraient peut-être pas en capacité de forcer l’échange favorable d’une paire de Dames. Mon vrai dilemme, c’était en réalité de choisir la case du Cavalier : d6 ou e3 ? e3 semble plus naturel, avec des menaces plus directes, mais l’analyse montre qu’il fallait passer par d6 pour éviter un échange de Dames, par exemple 30…Cd6! 31.Dc2 Dh4! (j’avais vu 31…Df4? 32.Dae2 Fd4 33.Tf1 ((33.Dxe7? Cf5)) 33…Dh4 ((33…Dg3 34.Dcd3)) 34.Dg4) 32.Dae2 Fd4 suivi de …e5]
31.Dcc6 Dd4 [31…Df4 32.Df3 Dxf3 33.gxf3 Cf5 34.Tc8 est sans espoir à long terme à cause de la majorité à l’aile-Dame]
32.Daa4! [Les blancs n’ont pas le temps de sauvegarder leur majorité, par exemple 32.b3? Td8! et les menaces noires deviennent très concrètes !]
32…Dxb2 33.Db3 Dd2 [33…Dxb3 34.axb3 Cf5 aurait laissé de meilleures chances d’établir une forteresse, car avec un pion b3 au lieu de a2, le Fou aura un accès stable à la case b6 (pas de a4-a5). Mais à ce moment-là, je pensais encore pouvoir éviter l’échange de Dames !
34.Dbc3? [Bonne case, mais mauvaise Dame ! Il a probablement oublié qu’après 34.Dcc3! les noirs devaient se résoudre à échanger les Dames par 34…Dxc3 (34…Dd6? 35.Dbb2 Cd1 autorisait un mat original en g7 avec batterie de Dames !) 35.Dxc3 Cf5 36.g4 Cd6 et les chances de construire une forteresse dans cette finale sont faibles]
34…Dxa2 35.Df3 [35.Ta1 De2 36.Df3 Dxf3 37.gxf3 Cf5 ressemble cette fois-ci complètement à une forteresse !]
35…Cf5 36.Dc2 [équivaut à une proposition de nulle mais il n’y avait plus de moyen de continuer : 36.g4 Cg3+ 37.Rg2 Ce2 38.Dc2 Cxc1 ; 36.Ta1?! Cg3+ 37.Rh2 De6 et ce sont les blancs qui doivent être vigilants sur les cases noires autour de leur Roi, par exemple 38.Ta4 (38.Dxf2? Ce4 avec une rare fourchette sur 2 Dames !; 38.Db2 Dd6) 38…Dd6]
36…Cg3+ [J’ai vaguement envisagé de jouer pour le gain, ce que j’aurais pu faire dans d’autres circonstances. En effet, après 36…Dxc2 37.Txc2 Fg3!, le Fg3 est une épine permanente, qui » coffre » le Roi blanc. Les noirs se moquent de leur pion a et vont chercher à stabiliser le Fg3 puis à créer les conditions favorables à une poussée du pion e, après une suite du genre 38.Db7 h5 39.Tc8 Txc8 40.Dxc8+ Rg7 41.Da6 h4 42.Dxa7 e5 43.Rg1 Cd4 44.Rf1 Ff4. C’est certainement objectivement insuffisant, et la machine montre d’ailleurs un imperturbable 0.00, mais c’est à coup sûr très pénible à jouer pour les blancs en pratique]
37.Rh2 Cf1+ 38.Rh1½–½
Une partie vraiment spectaculaire et sympa à jouer !
Les parties de Maxime à Chennai :
La France est à l’origine du Championnat d’Europe des Entreprises : cette compétition a été créée en 2016, lors du 87e congrès de la FIDE. Ouverte aux entreprises situées en Europe, elle se dispute par équipes de 4 joueurs, à la cadence de 15+5. Chaque équipe à droit à deux joueurs extérieurs à l’entreprise. Cette année, la compétition aura lieu à Asnières, les 22 et 23 novembre. 57 équipes sont engagées, dont par exemple la Banque de France, Google, Microsoft Europe, Dassault Systèmes, Volkswagen ou encore la Commission Européenne.
Quel rapport avec Maxime, direz-vous ? Parce qu’il participera à la compétition sous les couleurs de Leonard Echecs, qui accompagne les collectivités, les clubs et les entreprises dans la conception, le développement et l’animation de leur vie échiquéenne, et dont le Président, Jean-Claude Moingt, est également le responsable de son club français d’Asnières.
Une compétition qu’il ne s’agira pas de prendre à la légère puisque 20 Grand-Maîtres figurent tout de même sur la ligne de départ !
En octobre, j’ai passé pas mal de temps à Londres puisque j’y ai disputé deux tournois consécutifs…
Global Chess League
C’était la deuxième saison de ce tournoi par équipes de 6 joueurs organisé par la société indienne Tech Mahindra. Notre équipe des Mumba Masters était privée d’Alexander Grischuk, qui n’a pas pu obtenir de visa ; il a été remplacé par Peter Svidler. Nous avons également eu un changement sur l’échiquier jeune, avec l’arrivée de Raunak Sadhwani. Dans l’ensemble, il y avait une bonne ambiance, Ces matches par équipes sont toujours sympas, avec pas mal de moments conviviaux, des blitz, des séances de ping-pong etc… Mais malheureusement nous avons perdu beaucoup de matches chauds en début de compétition. Dès lors, nous avons rapidement été éliminés de la course aux 2 premières places qualificatives pour la grande finale ; il ne nous restait plus qu’à sauver l’honneur. La cadence était de 20+0, une cadence un peu bâtarde, mais le « sans incrément » revient clairement à la mode ! A titre personnel, j’ai réalisé un score de 5/10 sur l’échiquier « Icone » face à Carlsen, Anand, Giri, Firouzja et Nakamura, que j’ai rencontrés chacun deux fois.
Bien sûr, je suis satisfait de mes victoires 1.5-0.5 face aux trois premiers nommés, au terme de parties plutôt bien maîtrisées ; mais un peu moins de ma défaite contre Naka, et surtout du 0-2 que m’a infligé Alireza… En effet, il n’est jamais agréable de subir deux défaites dans des positions qui auraient largement pu déboucher sur des victoires ! C’est la différence entre un résultat correct et un bon résultat. Du point de vue de l’équipe, ces deux défaites ont coûté les matches, et ça aurait pu changer pas mal de choses dans la course aux play-offs. Bon, mais j’ai aussi fait gagner d’autres matches à l’équipe 😊.
WR Chess Masters
Deux stations de métro plus loin, retour aux échecs classiques au Langham Hotel, un très beau palace londonien avec un excellent restaurant français tenu par Michel Roux, le Palm Court. A noter qu’Alireza, jamais avare en surprises, le connaissait grâce à la série Netflix « Chef 5 étoiles » qui se déroule précisément au Court Palm !
Le tournoi en lui-même avait un format original, que j’ai certes beaucoup apprécié, mais néanmoins très difficile (1h/30c, 30’/20c + 30’ko). Format coupe, deux parties de potentiellement 4 heures par jour, et un éventuel tie-break tard le soir ! Une partie à 10h (c’est vraiment tôt), le match retour à 17h, et le tie-break à 22h, ça fait de sacrées journées ! Avec des parties de 3 heures maximum, on pourrait facilement commencer à 11h, voire midi. Mais 4h, c’est le minimum imposé par la FIDE pour des parties longues (pour ceux qui se demanderaient quelle est la raison de cette cadence un peu bizarre sans incrément…). Nous avons eu quelques discussions techniques en amont, parce qu’il y avait pas mal de petits sujets à aborder en raison de l’absence d’incrément, notamment comment gérer si des joueurs font voler les pièces en zeitnot. J’ai aussi suggéré qu’à l’avenir dans ces tournois knock-out à 16 joueurs, il n’y ait pas 16 têtes de séries, avec tout le tableau décidé de A à Z, mais seulement 4 têtes de série et un tirage au sort, comme ça se fait au tennis.
Place au jeu ! J’ai commencé en 1/8e de finale contre Sindarov, le joueur le moins bien classé que j’ai joué dans le tournoi, mais qui m’a posé beaucoup de problèmes tout au long du match (ça inclut l’Armageddon !). Je m’en suis sorti un peu à l’arraché. Je savais que ça allait être un match difficile, c’est quand même lui qui m’a éliminé de la Coupe du Monde 2023 et qui est capable de performer à très haut niveau. Je suis plutôt satisfait de m’en être sorti indemne !
Après, j’ai fini mon championnat de l’Ouzbékistan contre Abdusattorov 😊. En effet, j’ai enchaîné 5 parties de suite contre des Ouzbeks (y compris la dernière partie des Olympiades), et même 7 si on inclut les 2 Armageddon du présent tournoi ! J’ai mieux maîtrisé ce match, même si avec les noirs, je me suis retrouvé un peu en difficulté. Mais j’ai réussi à résoudre ça, en acrobate de la Grünfeld que je suis 😊. Passons directement à l’Armageddon, qui a été l’occasion d’une bonne prestation de ma part.
12…Ch5 est logique dans la mesure où 12…exd4 13.cxd4 Fxf3?! 14.gxf3 était inférieur, mais également parce que sur 13.Fe3, il y aurait maintenant 13…Fxf3 14.gxf3 Cf4 qui ne va pas pour les blancs (puisqu’il n’y a pas eu l’échange en d4). Donc, j’ai dû fermer le centre par 13.d5, mais j’ai pris l’ascendant après 13…Ce7 14.h3 Fxf3 15.Dxf3 Cxg3 16.fxg3!, un coup typique dans ce genre de position, et qui est sympa à montrer pour mes chers lecteurs 😊.
J’ai pu progressivement améliorer ma position, surtout après 16…f5 17.g4fxe4?! (17…fxg4 était plus fort, mais ce n’était pas facile à voir) 18.Dxe4 Rh8 19.Fe3, car le Ce7 se retrouve vraiment dominé dans la position. Après 19…c620.Fb3 (20.c4! était plus précis), je pensais qu’il devait absolument prendre en d5, et après 20…cxd5 21.Fxd5 Cxd5 22.Dxd5, tenter d’égaliser par 22…Db5!. 20…c5? était une faute stratégique, après laquelle les noirs sont en souffrance. Je pensais alors jouer à l’aile-Dame, comme toujours dans ces structures, mais en fait, c’est à l’aile-Roi que j’ai un gros avantage, ce qui est paradoxal.
Il y avait un plan très fort, que je n’ai pas vu, qui consistait à mettre mes pions en h4, g5 et g4, puis à continuer par Rg2, Th1, h5 et Fc2 et c’est moi qui attaque à l’aile-Roi !
Ici, j’ai conservé mon avantage à l’aile-Dame, mais il y a un coup très difficile à trouver. En effet, il faut comprendre que les noirs menacent bien plus 37…h5! – pour inciter à la prise en passant et faire revivre leur Fg7 – que 37…Tf4 ; d’où 37.Fd2! avec domination complète, par exemple 37…Df2 38.De1!. Mais Nodirbek comme moi-même n’avons anticipé que 37.Txb7? Tf4? alors que 37…h5! égalisait, certes de manière un peu miraculeuse. Les blancs ont une multitude de façons de continuer d’attaquer, mais aucune n’est satisfaisante. 38.Fe6? Ce2! ne serait vraiment pas une bonne idée. 38.Dxg6 Df4+ ne donne que le perpétuel. 38.gxh6 Fxh6 donne l’accès à la case f4, et l’on se moque de 39.Fxd4 exd4 40.Dxd4+ Tf6!. Enfin, 38.Fxd4 exd4 (38…hxg4? 39.Fg1!) 39.Fe2 à l’air fort puisque si 39…Fe5+? 40.Dxe5 ; mais les noirs ont encore la ressource 39…Dc1!, et avec les menaces …Fe5+ ou …Dxg5, la position reste très incertaine.
Dans la partie, j’ai conclu par 38.Tb8+ Ff8 39.De1 (j’avais aussi vu le plus simple 39.Txf8+ Txf8 40.Fxd4) 39…Dd3 40.b5! et les noirs sont pris à la gorge sur tout l’échiquier. Au final, c’est toute la conception qui fait qu’avec les pions en d5 et g5, la position noire est complètement paralysée tout au long de la partie.
En demi-finale le jour suivant, j’étais donc confronté à mon compatriote Alireza (Firouzja). La première partie, une Sicilienne Alapine, s’est avérée assez chaude, surtout quand j’ai commencé à perdre le contrôle de la position… Mais comme nous étions en manque de temps, nous avons naturellement été conduits, comme souvent dans ce genre de situation, vers la suite qui échangeait toutes les pièces. La partie avec les noirs s’est bien passée, grâce à une très bonne préparation qui a asséché la position.
En revanche, mon troisième Armageddon n’a pas été maîtrisé ; il faut dire que je ne m’attendais pas à ce qu’Alireza vienne me chercher sur une si grosse variante de la Najdorf !
Je savais que je ne jouais pas exactement ma préparation, mais je connaissais assez bien cette variante où les blancs sacrifient le pion d5. Ici, je pensais que 19.Fxf6 Fxf6 20.gxh5 e4? (mieux vaut 20…Cc4) 21.fxe4 De5 était fort, mais en fait c’est très mauvais car il y a 22.c3 Dxh5 23.Df2 Cd7 24.Th1. Mais il a joué 19.Dh2, le coup auquel je m’attendais, après une très longue réflexion. C’est « mal joué » de sa part, car ce sont des positions où je vais pouvoir jouer des coups instinctivement et lui beaucoup moins. J’ai joué 19…Tae8?! un peu trop rapidement parce que j’ai raté 20.Dxe5 Dxe5 21.Txe5 et si 21…hxg4? 22.Txe7!. Du coup, j’ai été obligé de jouer 21…Fd8 mais là il a 22.Txe8 Txe823.Cc5hxg4 24.Cxb7 et j’avais le choix entre souffrir le martyre avec 24…Fe7 ou donner la pièce et tenter de pêcher en eau trouble par 24…gxf3!? 25.Cxd8 Ce4. Evidemment, fidèle à moi-même 😊, j’ai fait le second choix, avec mon pion f2 à l’abordage après 26.Cc6 f2. Il a pris pas mal de temps ici, car tout à l’air gagnant pour les blancs, mais rien n’est vraiment complètement clair ; c’est l’avantage de ce genre de positions. Moi, je trouvais que le plus « clean » serait peut-être 27.Fe3, mais 27.Rc1 a l’air logique.
Du coup, comme je savais qu’il menaçait 28.Fe3, j’ai joué 27…Cg3. Là, il y a 28.Ce7+ Rg7 29.Fe3 qui suffit ; ce sont des variantes assez simples mais il y a tellement d’options… Il a joué 28.b3 et soudainement c’est un peu moins clair, même si après 28…Te1 29.Ff4Cf5, le gain le plus simple était 30.Rd2 Cxh4 31.Cd4. Après 30.Fd2 Tg1 il y avait encore 31.Ce7+! Cxe7 32.Fe3, mais là ça devient difficile à trouver ! Il a joué le plus naturel 31.Tf1 avec une idée similaire (sur 31…Cg3 32.Fe3! Cxf1 33.Fxf2!). Du coup, j’ai répliqué 31…d4. Là, 32.Cxd4 était fort, et sur 32…Cg3 33.Td1. Mais il a joué 32.Rb2 Ce3 33.Fxe3 dxe3 34.Fxa6 Cd5 35.Cd4 Cf4, qui reste clairement gagnant mais la position est très piégeuse, surtout qu’il commence à être vraiment en manque de temps. Après 36.c3 Ch5, il a fini par gaffer avec 37.b4??Cg3 38.Tc1 Txc1 et 0-1 car le pion noir va à Dame après 39.Rxc1 e2!. Pourtant, malgré les nombreuses imprécisions, les blancs restaient gagnants après 37.Cc2! Cg3 38.Cxe3 Cxf1 39.Cxf1. Un gros retournement de situation, comme ça arrive parfois dans ce genre de Najdorf 😊.
Ensuite, finale contre Erigaisi qui était, et est toujours, dans une forme éblouissante lui permettant de chatouiller les 2800 Elo. Encore une fois, j’ai commencé avec les blancs. C’est vrai que ça a donné beaucoup de parties où je n’ai peut-être pas été au bout du potentiel des positions avec les blancs, mais bon ce sont des parties du matin 😊. De plus, il faut quand même être très prudent, parce qu’une défaite est quasiment égale à une élimination ; d’ailleurs, le seul qui est revenu d’une défaite avec les blancs, c’est Abdusattorov contre Kosteniuk au premier tour, et l’on peut dire que cette contre-performance n’était vraiment pas attendue.
Contre Erigaisi, j’ai sans doute été un peu trop solide avec les blancs, mais par contre avec les noirs, ça s’est plutôt bien passé. Dans la Najdorf 6.Fe2, je connaissais cette sous-variante un peu atypique 6…e5 7.Cb3 Fe7 8.h4 Fe6 9.f4!?. Je me suis dit qu’il y avait pas mal de coups qui devaient aller mais j’ai voulu tenter une ligne contre laquelle il serait moins préparé, d’où 9…g6!?. Le débat est devenu très tendu immédiatement !
Ici, le meilleur était 15.Fxb7!, sur quoi Il y avait deux suites possibles ; 15…Ta7 16.Ff3 Dxd6 d’abord, qui pour moi semblait le meilleur, mais la machine nous montre que 17.Fh6! est très fort. L’alternative 15…Fc4+ 16.Rg1 Fxb3 laisse également l’avantage aux blancs après 17.Ce4! (mais pas 17.axb3?? Dc5+), mais c’est loin d’être évident de prime abord. Erigaisi a préféré 15.Ce4 Cc6 16.Cxg3 Dxg317.Fxc6 (là, il y a encore 17.Fe3!, mais c’est trop dur) 17…bxc6 18.Dd4 (la suite logique) 18…f6. Juste après avoir joué ce coup, je me suis aperçu que le spectaculaire 18…Fd5! était peut-être jouable ! Plus je regardais les lignes, plus je me disais que ça aurait été intéressant puisque 19.Dxh8+? Cf8 ne marchait pas à cause de la double menace …Fc4# et …Dxg2+. Mais mes regrets ont été limités car j’ai rapidement compris que 19.De3+ était possible et que je n’aurais pas été mieux après l’échange des Dames. Après 19.Ff4 Dg4, j’ai regardé 20.Cc5 avec attention. Je voulais d’abord 19…Fd5?!, mais ce n’est en fait pas très bon à cause de 20.De3+ Ce5 21.Dg3!, et la construction Cc5/Pd6 est surpuissante. 19…0-0 est le petit coup sûr que j’aurais sans doute choisi. Mais il a fini par jouer 20.Fd2 qui m’a semblé un peu bizarre, je dois dire. Après 20…Ce5, je regardais 21.Th4 qui est le meilleur coup, mais il n’a sans doute pas voulu de 21…Fc4+ 22.Rf2 De2+ 23.Rg1 Fd5, et il a joué 21.Dxg4Fxg4 22.Fa5. J’avais vu cela en avance, avec le transfert du Fou en c7 pour soutenir le pion d6. S’il a le Fou en c7 et que ma Tour reste en a8, ça peut devenir un peu désagréable, d’où l’immédiat 22…Tb8!. Je pensais que ça commençait à bien se présenter pour moi avec la Tour qui arrive en b5, le Cb3 qui est un peu dominé, et pas trop de possibilité de jouer c4…
Après le sacrifice de qualité 30…Txb3!31.cxb3 Fd5!, je me disais que ça allait être très difficile pour lui, mais l’ordinateur rigole à l’avance 😊. Et notre futur membre du club +2800 a trouvé les coups ! 32.Td4 est le plus simple car ça empêche 32…Cf3+ à cause de 33.Txf3 Fxf3 34.Tf4 et 35.Txf6. 32…g5 33.Rf1 Th1+ 34.Re2 Th2+ 35.Rd1. Maintenant, sur 35…Txb2, il y a 36.Tb4, voire 36.Th3, d’où 35…Ff3+ 36.Rc1 c5. En amont, je pensais être nettement mieux ici, mais je me suis aperçu au fur et à mesure que 37.Tc4! était possible (37.Td2? Th1+ 38.Rc2 g4! perdait) et nulle après 37…Cxc4 38.bxc4 Fg4. Une nulle de combat où chacun a eu l’impression d’avoir sa chance, mais surtout moi en fait ! Bizarrement, on n’a rien raté, c’était une partie de grande qualité en fait.
Ne restait donc qu’un ultime Armageddon pour la gagne du tournoi…
Je ne savais pas du tout ce qu’il allait me jouer, je ne pensais pas qu’il choisirait la Petroff, mais j’avais quand même une idée sur la variante qu’il a choisie, sauf que je l’ai mal gérée.
J’ai joué 22.Fe6? trop vite. J’aurais dû commencer par 22.Tb5 Da3 23.Txd5, car après 22…Cc6, sur 23.Tb5? il y a maintenant 23…Cd4 24.Fxf7+ Rf8! (le coup que j’ai raté). Pendant la partie, je pensais que 24…Rh8? gagnait pour les noirs, mais non ! 25.De8+! Txe8 26.Txa5 +-. J’ai donc été forcé de prendre en f7 et après 23.Fxf7+ Rxf7, jouer 24.Tb5. Mais maintenant, certes il n’y a qu’un seul coup pour les noirs, mais il n’est pas très dur à trouver car il faut protéger le Cc6, c’est donc 24…Dc3. Après 25.Dh5+ Rf8 26.Txd5 Td8 27.Tfd1 Ce7, les noirs ont deux pièces pour la Tour, ont consolidé leur position et mon attaque est moribonde. J’ai remarqué quand j’ai joué 28.Tb5? que 28.T5d2 aurait tendu le piège 28…Fxh2+? 29.Dxh2 Txd2 30.Df4+. Mais je l’ai vu une demi-seconde trop tard, alors que j’avais pourtant pris pas mal de temps sur ce coup ; en fait, 12 secondes, ce qui en Armageddon est une éternité 😊.
J’ai quand même réussi à trouver des ressources plus tard dans la partie.
J’ai commencé à y croire ici, car sur 35…Cd4? 36.De8+ Rh7 37.Tf8 Dc1+ 38.Rg2 Dc6+ 39.Dxc6 Cxc6 40.Tc8 gagne. J’ai senti qu’il l’avait vu à temps, il a paniqué et il est revenu par 35…Ce7. Mauvaise nouvelle pour lui, la position est redevenue égale, bonne nouvelle ce n’est « que » égal et j’ai l’obligation de gagner avec les blancs ! 36.Tf8+ Rh7 37.De4+ Cg6 38.Te8 Fe5 39.Te6 Ff6 40.h4 Dd4 41.Df5 Dc5. Malheureusement, je n’ai pas vu ma dernière possibilité de tenter quelque chose par 42.Dxc5 bxc5 43.Ta6, même si je ne suis pas très optimiste sur mes chances objectives dans cette finale. Mais avec moins de 2 minutes à la pendule, ce n’aurait pas été si simple en pratique pour les noirs.
Dans la partie, j’ai tenté de forcer un peu les événements en gardant les Dames par 42.Db1, mais j’ai même fini par la perdre !
Félicitations à Arjun Erigaisi pour sa victoire finale dans le tournoi, qui fait suite à son titre olympique avec l’Inde ; sur ce qu’il produit depuis 1 an, il mérite ces récompenses !
Les parties de Maxime à la Global Chess League :
Les parties de Maxime au WR Chess Master :
Pour tous les joueurs d’échecs qui, à l’instar d’une certain A Karpov, ont un faible pour la philatélie, sachez qu’il existe 10 timbres à l’effigie de Maxime, tous émis entre 2012 et 2019, et issus de pays africains !
Du Togo aux Maldives, de la Guinée-Bissau à la République Centrafricaine, du Niger à la Guinée, jusque sur la petite île de Sao Tomé-et-Principe, on trouve des émissions spéciales Echecs dans le cadre de collections sur le sport ou d’autres thématiques plus originales dans lesquelles le noble jeu est inclus.
Bien qu’ayant eu assez peu de repos au retour de la tournée US, j’étais content à la perspective de retrouver l’équipe de France et mes coéquipiers, d’autant que j’avais quand même manqué les Olympiades de Chennai (Inde) en 2022. Dommage qu’Alireza n’en ait pas été présent parce que ça aurait pu faire une très belle équipe face aux armadas qui étaient annoncées…
Après quelques inévitables péripéties pendant le voyage de l’équipe et lors de l’installation, nous avons rapidement pris nos marques à Budapest, avec notre QG dans un restaurant le midi, et une routine globale avant et après les matches.
Dès ma deuxième partie (Ronde 3 contre Kadric, Montenegro), j’ai eu un problème de lunettes qui m’a bien perturbé. Je les ai retrouvées avec une branche cassée le matin (ne me demandez pas pourquoi !). Avec le capitaine de l’équipe, Sébastien Mazé, on s’est dit qu’on allait les faire réparer et nous sommes partis pour une tournée des opticiens de la capitale hongroise. Bien sûr, j’aurais préféré préparer ma partie, mais je ne peux décemment pas fonctionner dans la vie courante sans lunettes 😊. Malheureusement, tous les professionnels visités nous ont dit qu’il leur faudrait au moins 4 jours. Le problème c’était que certes, j’avais une paire de rechange, mais c’était une paire de lunettes de soleil ! (Spoiler, le règlement Fide interdit de les porter pendant les parties). Donc on a fait les malins et on a essayé de les réparer nous-même, à l’aide de super glue. Ah, c’est sûr, cette colle est super efficace, mais malheureusement pas assez pour recoller la branche, mais suffisamment pour tâcher le verre ! Ce qui fait qu’on a empiré les choses, comme souvent dans ces cas-là. Donc ma solution pendant tout le tournoi, ça a été de garder les lunettes sans branche droite pendant les parties, et de porter les lunettes de soleil le reste du temps. Même quand il pleuvait ou qu’il faisait nuit dans Budapest, on pouvait apercevoir un drôle de gugus en lunettes de soleil 😊.
Certes, je m’y suis fait et pendant les parties, ça ne m’a finalement pas tant gêné que ça. Ca ne perturbait pas mon champ de vision, les verres étaient bien placés, et la position naturelle des lunettes restait à peu près stable. J’avais juste besoin de les réajuster régulièrement, et de faire un petit peu attention qu’elles ne tombent pas.
Après cet intermède optique, revenons aux échecs ! En ce qui concerne l’équipe, alors que j’ai rapidement annulé en ce « jour des lunettes », nous avons perdu le match contre le Monténégro. Mais nous sommes bien remontés par la suite pour finir en embuscade avant la journée de repos. On est repartis ronde 7 contre la Géorgie, un match piège contre des joueurs qui ne sont pas très bien classés, mais qui sont assez expérimentés ; certes, c’est une équipe assez vieillissante, malgré l’apport d’un petit nouveau (Kacharava), mais qui ne jouait pas contre nous.
J’ai disputé une belle partie, mais nous avons tout de même été tenus en échec 2-2.
Mvl – Mchedlishvili (2574) 1-0
J’avais repéré que sur 1.c4, le joueur géorgien avait beaucoup varié pendant le tournoi, et qu’il avait l’air assez indécis. Pendant la journée de repos, j’ai donc décidé d’approfondir ça, surtout après avoir vu qu’il jouait parfois une variante de la Slave dont il ne semblait pas au fait des derniers développements. En plus, j’avais déjà essayé cette ligne avec les noirs dans les tournois en ligne de 2020-2021. Je l’avais pas mal travaillée et je savais que c’était dangereux, notamment après le sacrifice de pion dans la position suivante :
Malgré cette bonne base, je me suis un peu planté parce que je me souvenais de 15…Cxd5 en coup principal, et sur 15…exd5 j’avais en mémoire 16.Fc1 Db6!. Je savais donc que 16…Cb6?! n’était pas bon, mais je ne savais pas pourquoi ! Après 17.g4 b4, je n’ai pas du tout pensé à 18.Ca4!, un coup difficile qui constituait la vraie réfutation. En effet, après 18.Cxd5 Cfxd5 19.e4 Cc3+ 20.bxc3 Dc8, j’ai joué 21.cxb4? un peu par dépit parce que je sentais que je n’avais pas optimisé. J’avais envisagé 21.h4, qui était le coup pour prendre l’avantage en dissuadant notamment les noirs de roquer, mais je n’y ai pas cru. Dans la partie, alors qu’il avait des compensations pour les deux pions sacrifiés, il m’a laissé consolider progressivement ma position.
A partir de ce moment-là j’ai très bien joué. Il y avait un petit semblant d’attaque pour les noirs, mais en réalité pas suffisamment… 28.Db3! (en route vers c3, d’où la Dame contrôlera à peu près tout) 28…Df4 29.Dc3Tac8 30.Fd1! Tc7 31.Fb3 (une manœuvre de Fou plutôt bien vue ; le Fb3 est idéalement placé en défense, mais il lorgne également vers f7, ce qui portera ses fruits plus tard) 31…Tdc8 32.Dd4! Dxf3 33.The1 et certes j’ai rendu les pions, mais mes pièces sont maintenant idéalement coordonnées pour conclure.
Malheureusement, on n’a pas gagné ce match alors qu’il était complètement maîtrisé. On a donc été punis tout de suite puisque nous avons été appariés contre les États-Unis et ses cinq joueurs à 2700+ à la ronde suivante, alors que si on l’avait emporté, on jouait la Hongrie…
Pour ma part, j’ai déjà joué les 4 membres principaux de l’équipe US au moins une vingtaine de fois chacun, si ce n’est beaucoup plus pour certains parce que Levon (Aronian) et Fabiano (Caruana), je pense que (en comptant toutes les cadences), ce serait plutôt entre 150 et 200 fois !
Caruana (2798) – Mvl 1/2
Au premier échiquier, j’avais donc les noirs contre Fabiano, et nous sommes rapidement arrivés dans la position suivante, issue de la variante 3.Fb5+ contre la Sicilienne.
J’avais regardé ce coup 11.a3 il y a longtemps,sans doute plus de 3 ans. Mais pendant le stage avec l’équipe de France à Vichy, juste avant les Olympiades, nous avions discuté pendant quelques minutes de cette idée, mais je ne me suis pas souvenu des détails et j’ai donc improvisé 😊. De plus, dans la stratégie de match, comme on avait décidé qu’Étienne jouerait hyper solide avec les blancs contre Wesley (So), l’idée c’était évidemment que pour moi, nulle serait un très bon résultat avec les noirs ; mais que néanmoins, si je pouvais éviter de tout neutraliser et garder quelques options ouvertes, ce ne serait pas plus mal.
Donc j’ai joué dans cet esprit, en essayant de ne pas me retrouver un petit peu moins bien à défendre un truc sans perspective, et de me réserver quelques possibilités de contre-jeu.
Un moment critique car ici Fabiano m’a laissé faire 19…Dc2 calculant qu’il pourrait profiter de la Tour noire encerclée en c2, mais ce n’était pas le cas ! Après 20.Dxc2 Txc2 21.Fc3 Cc6, il a joué 22.Ted1. Son idée de base, c’était 22.Tb1, mais il y a 22…Te2! (l’ordi dit que 22…Fg5 va aussi, mais ça laisse 23.Tdd1, ou même 23.Cxg5 hxg5 24.Fd2, et d’ailleurs je pensais qu’il jouerait ça) 23.Cd2 (pour jouer 25.Rf1 ; si 23.Rf1 de suite, alors 23…Te4 24.Ch2 f6, ma Tour arrive en f4, et même si c’est un peu acrobatique, elle ressortira !) 23…Fh4 et si 24.Tf3? Cxd4.
Avec la Tour en d1, j’ai joué 22…Fg5 puisque 22…Te2? ne marche plus à cause de 23.Cd2 Fh4 24.Cf3 et la prise en d4 n’est plus possible, la Cd2 étant protégé.
Après 23.Ce1 Tc1 24.Txc1 Fxc1, en dépit de son apparente symétrie, cette finale n’est pas complètement évidente parce que les noirs manquent quand même d’espace et que si les blancs arrivent à jouer f4-f5 ça peut vite devenir compliqué à l’aile-Roi. Toutefois, j’ai plutôt bien géré cette situation et j’ai même obtenu quelques petites chances vers le 40e coup quand il manquait de temps ; mais il a très bien défendu et tout s’est simplifié vers la nulle.
Finalement, on a perdu ce match car Maxime (Lagarde) a gaffé dans une position assez prometteuse contre Levon, et nos adversaires ont sécurisé le reste du match.
Contre l’Italie, partie insipide de ma part, où je me suis fait totalement neutraliser avec les blancs par Vocaturo ; mais on a fini par remporter un match qui était pourtant assez mal engagé. Ensuite, on a plutôt bien maîtrisé les choses contre l’Angleterre (je me suis imposé contre Vitiugov), et nous avons abordé la dernière ronde contre les jeunes champions en titre d’Ouzbékistan, avec en jeu au moins une 5e place.
Malheureusement, nous avons fini par perdre ce match, mais on aura eu toutes nos chances parce qu’encore une fois, c’est Maxime (Lagarde), en crise de temps, qui a perdu une position pourtant très prometteuse. On peut regretter aussi la nulle d’Étienne (Bacrot), plus ou moins sans jouer avec les blancs contre Yakubboev, parce qu’autant contre So, on s’était dit collectivement que c’était le bon choix stratégique, autant là, sur une dernière ronde, on aurait préféré qu’il joue…
De mon côté, j’avais les noirs contre Abdusattorov, et c’était une ronde du matin, où par la force des choses, les révisions sont moins poussées.
Abdussatorov (2766) – Mvl 1/2
Voici la position que nous avons obtenue après 20 coups d’une Najdorf très complexe.
Pour la petite histoire, Vladimir Kramnik, qui était le capitaine de l’équipe d’Ouzbekistan, m’a dit juste après la partie, avec son optimisme légendaire 😊 : « mais tu étais complètement perdant s’il jouait ceci… ». Sur le coup, je croyais qu’il me disait que j’étais complètement gagnant parce qu’effectivement, plus tard dans la partie ça avait l’air plus prometteur pour moi. Mais bon, « gagnant », je ne comprenais pas non plus ! En fait, il parlait de la position du diagramme, estimant que si les blancs avaient joué 21.Cxe6 fxe6 22.Dd3 (au lieu de 21.Dd3 tout de suite, autorisant 21…Fd7!) « [ils] auraient été gagnants ».
Pour le coup, il n’a pas complètement tort dans le sens où je suis effectivement moins bien dans cette variante, mais certainement pas perdant ! C’est une position certes un peu délicate, mais qui n’a quand même pas l’air si grave et surtout, qui laissait pas mal de jeu aux deux camps.
Finalement, j’ai plutôt bien négocié la suite de la partie, et obtenu pas mal de jeu en donnant un pion. Mais ce n’était pas suffisant pour espérer gagner.
Le bilan des Olympiades est assez décevant en termes de résultat final, puisque nous terminons à la 15e place. Comme on n’avait pas une des meilleures équipes sur la grille de départ, il aurait fallu que tout le monde surperforme pour espérer un podium. Or, il est clair que personne dans l’équipe de France n’était dans une forme exceptionnelle. Il y a certes eu de bonnes choses. Laurent (Fressinet) sur la fin, Marc’Andria (Maurizzi) sur une grosse partie de tournoi (hormis sa défaite contre l’Angleterre qui était un peu dommageable) ; de son côté, Maxime (Lagarde) a mis un peu le feu, même si ça s’est retourné contre lui dans les deux matches qu’on perd à la fin. Mais dans d’autres circonstances ça aurait pu être un très bon tournoi, et en tout cas, il a le bon état d’esprit.
A titre personnel, 7/10 c’est bien, mais pas non plus prodigieux. En fait, c’est surtout un résultat qui pâtit de la comparaison avec d’autres titulaires du 1er échiquier, comme Gukesh ou Abdusattorov, qui ont réalisé des perfs stratosphériques à Budapest !
D’ailleurs, j’en profite pour saluer comme il se doit la double médaille d’or des Indiens, qui ne souffre vraiment aucune contestation…
Champions Chess Tour
Trois jours après le retour de Budapest, j’ai disputé le dernier tournoi du Champions Chess Tour, au sein de la Division 1. Etant déjà qualifié parmi le Top 8 du circuit, qui disputera la finale en présentiel à Oslo du 17 au 21 décembre, j’avais surtout à coeur de m’appliquer dans mon jeu dans cette cadence que j’aime bien (10+2). Le résultat est mitigé puisque j’ai remporté mes matches contre Nepo et Grischuk, mais perdu deux fois contre Aronian, et que je termine à la 4e place au classement final. Mais je retiendrai surtout que c’est le deuxième tournoi consécutif de ce circuit où l’on me décerne le prix de beauté ! Cette fois, pour mon attaque de mat contre Nepo…
Ici, ma Tour est attaquée, mais un coup de retraite comme 29.Te2 ne laisserait quasiment aucun avantage aux blancs. J’ai passé pas mal de temps (2 minutes) sur 29.Cg5! parce que même si c’est un coup qui est assez évident, je voulais vérifiais que je n’avais oublié aucune défense. Bien sûr, si 29…fxe6 30.Dxg6 gagne instantanément. Si 29…Fe7, c’est facile, la réponse est 30.Cxf7. J’ai aussi calculé 29…Te7 30.Dg3, même si dans celle-là, il aurait encore fallu trouver la punition de 30…f6, à savoir 31.Fxf6! gxf6 32.Txf6 et si l’attaque blanche n’est pas instantanément gagnante, elle sera quand même dévastatrice. Reste 29…Td6. J’avais prévu 30.Df3 comme réponse la plus simple car il ne peut toujours pas prendre en e6, et si 30…Dd7, j’ai 31.Txd6 Fxd6 32.Dxd5. Quant à 30…Dxe6, ça ne laisse aucune chance de forteresse aux noirs. Mais comme j’ai aussi vu 30.Dg3, je ne me suis pas privé de le calculer ! Si 30…fxe6 31.Dh4 c’est mat. Idem sur 30…Dxe6 31.Dh4. Du coup, ça n’a pas été si dur de comprendre que sur 30…Dd8, 31.Te8! était si fort. Ca a un côté spectaculaire mais honnêtement, c’est extrêmement facile… 31…Dxe8 32.Dh4 De4+ et maintenant, 33.Rg3!, la cerise sur le gâteau ! J’aurais pu jouer 33.Rg1 ou même 31.f3, mais j’ai choisi le plus esthétique 😊 ; on utilise le fait que la Td6 bloque l’échec du Fou en d6 !
Pour l’anecdote, pendant que je jouais, j’ai pensé à ma partie de 2011 contre Wang Hao (à Wijk aan zee), pas du tout sur cette ouverture mais où j’avais eu ce même thème d’attaque.
Dans cette position complètement gagnante, je n’ai que l’embarras du choix. 32.Cd2 suivi de 33.Th3 fait l’affaire, tout comme l’esthétique 32.Ff6, suivi de 33.Cg5. Mais j’ai choisi 32.Fe7??, pensant que la menace 33.Cg5 forçait l’abandon, puisque si 32…Cd3 33.Txd3 (33.Cg5?? Cf4+ 35.Rg3 Dxb3+ et si 36.Rxf4? Fd2#) ; mais maintenant, les noirs ont une défense venue d’ailleurs, 33…g5!! et si 34.Cxg5? Dxd3 contrôle h7. Par miracle, les blancs resteraient vivants grâce à 34.Tc3! gxh4 35.Txc8+ Rh7 36.Fxh4, mais dans la partie, j’ai préféré absorber le choc par 33.Txb5 Cf4+ 34.Rg3 (34.Rh1 Tc1+ 35.Cg1 Ce2 aurait été jouer avec le feu !) 34…Ce2+ 35.Rh3 Cf4+ et perpétuel.
Prochaine étape pour moi, Londres. J’y dispute deux tournois de suite, la Global Chess League du 3 au 12 octobre, un tournoi par équipes avec des parties de 20’ sans incrément ! Puis le WR Masters à partir du 14 octobre qui, lui aura la particularité de proposer une formule nouvelle et originale. Un tableau de 16 joueurs avec un système au KO, et la cadence la plus rapide pour être homologuée en classique (1h/30c, 30’/20c + 30’ ko). Cerise sur le gâteau, les deux parties d’un match auront lieu le même jour, avec un éventuel départage en Armaggedon le soir ! Un programme particulièrement chargé nous attend 😊.
Les parties de Budapest :
Les parties du Champions Chess Tour :
La partie de Maxime contre Wang Hao :
Tous les ans au début du mois de septembre, l’immense foire de Châlons-en-Champagne est the place to be. Passage obligé pour les principales personnalités politiques du pays, c’est également un lieu de convivialité et de fête, avec notamment des concerts tous les soirs. En clôture le dimanche 8 septembre, c’est Patrick Bruel, l’un des artistes français les plus connus, chanteur et comédien, qui donnait un concert. L’Echiquier Chalonnais, très actif dans le Grand Est et dirigé par l’ancien Président de la Fédération Française Diego Salazar, avait proposé au chanteur, en tant que bon amateur d’échecs, de disputer une partie amicale contre Maxime. Une initiative similaire avait eu lieu avec Garry Kasparov en 2013. La partie a donc eu lieu dans les loges juste avant le concert. Malgré l’aide de la GM française Marie Sebag, Patrick Bruel s’est incliné avec le sourire, avant de foncer se produire devant les quelque 18.000 spectateurs qui l’attendaient !
C’est au forceps que j’ai obtenu ma qualification pour mon 10e Grand Chess Tour consécutif, en 2025. Il aura en effet fallu attendre la dernière ronde du dernier tournoi pour qu’une ultime victoire (contre le champion du monde Ding Liren) vienne valider mon ticket. Un soulagement d’autant plus grand que cette victoire mettait fin à une série de 25 nulles consécutives en parties classiques, et même de 29 dans les tournois du Grand Chess Tour ! Ne pas goûter à la victoire pendant si longtemps, surtout quand on a eu plusieurs belles occasions que l’on a gâchées, finit quand même par vous taper sur le système !
Évidemment, je suis content de cette solidité retrouvée, mais aussi du fait que la seule série toujours en cours est désormais une série plus sympathique, à savoir mon nombre de parties consécutives sans défaite, aujourd’hui à 52.
Retour sur la partie US du Grand Chess Tour 2024, toujours dans le temple du Saint-Louis Chess Club. Et un grand bravo à Alireza pour son nouveau triplé, après celui de 2022… Rapide & Blitz de Saint-Louis, Sinquefield Cup et Grand Chess Tour 2024. Impressionnant !
Tournoi Rapide et Blitz
Depuis 2014, j’ai eu le temps de prendre mes habitudes dans cette ville du Missouri ! J’ai toujours les mêmes routines, je sais quand me lever, quand faire du sport, quand et où aller manger etc…
Arrivé sur place 4 jours avant le début du tournoi, j’ai eu le temps de digérer le décalage horaire et de me préparer à un tournoi extrêmement relevé, tous les membres de l’élite (sauf Magnus) étant présents. Dans ce contexte ultra compétitif, les joueurs en méforme ont été lourdement sanctionnés au score… Évidemment, je pense avant tout à Prag, qui a gâché pas mal de positions – dont une contre moi d’ailleurs -.
Pour ma part, j’étais plutôt en forme au début, mais celle-ci s’est avérée ensuite un peu plus incertaine. J’ai notamment perdu une partie contre Nepo lors de la ronde 7 à partir d’une position dominante ; ça m’a un peu contrarié pour la fin du Rapide, même si j’ai eu un bon final grâce à ma victoire de la dernière contre Dominguez (dans une finale de la Berlinoise !).
En blitz par contre, ça a été beaucoup moins convaincant qu’à Zagreb (13/18 en Croatie, et 8/18 ici, la comparaison est vite faite !). Je sais bien cependant que le blitz est par nature un peu plus aléatoire, surtout à mon âge très avancé 😊. C’est aussi une question de « flow », de rythme, et à Saint-Louis, je n’ai pas pu le trouver, notamment le 2e jour, qui était décisif. Certes, la 1e place commençait à être loin car Alireza avait fait une très bonne première journée. Mais j’étais tout de même à égalité à la 2e place.
Malheureusement, j’ai perdu la première partie contre Hikaru (Nakamura) avec un pion de plus net en finale, pour finalement m’incliner dans Tour-Fou contre Tour 10 coups avant la règle des 50 coups !
Ca m’a fait mal, et après je n’ai pas pu ou su revenir. En tout cas, pas suffisamment pour prétendre réaliser une bonne journée ; surtout après une ultime défaite contre Alireza. J’ai finalement terminé à la 4-5e place du tournoi, ce qui n’était pas terrible et m’a mis dans une situation délicate avant d’entamer la Sinquefield Cup, où je devais impérativement faire mieux que Wesley So tout en gardant un œil dans mon rétro sur Nepo et surtout Prag. C’était la condition pour attraper la 3e place et me qualifier pour le Grand Chess Tour 2025.
Sinquefield Cup
J’ai commencé par deux parties sans histoire. Contre Nepo avec les noirs, j’ai joué pour une des premières fois au top niveau 1.e4 e5 sans opter pour la Petroff. Ça s’est bien passé, j’ai pu neutraliser Ian dans l’ouverture. Ensuite, nulle contre Prag sans trop de vagues, avec quelques petits regrets sur mon traitement de l’Italienne ; mais c’est l’histoire de nos vies de joueurs d’échecs 😊.
Ensuite, premier tournant contre Alireza (Firoujza), qui avait connu un début de tournoi sur les chapeaux de roue, bien aidé cependant par une partie contre Fabiano qui était extrêmement tendue et qu’il avait fini par remporter dans un zeitnot mutuel. L’ouverture était un système de Londres, que j’avais un peu préparé en amont pour diversifier mes options ; celle-ci était plus agressive impliquant un sacrifice de pion, et menait à des positions avec peu de points de repère, ce que je peux apprécier également. Le traitement de la position était donc extrêmement complexe.
J’avais vu la ligne où il rate l’avantage par 21.h5!, au lieu de son 21.Txg4? gxf5 qui fait basculer la position en faveur des noirs. Mais j’avais vu sans vraiment comprendre ! Certes, j’avais réalisé que l’idée de transférer son Cavalier en d4 me permettait d’être mieux, par exemple 21.Cb3 gxf5 22.Cd4 Fh6. Sauf que s’il commence par 21.h5! gxf5 22.h6 Fh8 23.h7+, mon Fou en h8 ne revient pas en h6 et c’est une énorme différence pour l’évaluation de la position. Ça n’en a peut-être pas l’air au premier abord mais ça se comprend à l’analyse. Cela dit, c’est tellement difficile que ça n’a été vu ni par Alireza, ni par moi…
Dans la partie, je me suis donc retrouvé mieux, mais dans une position complètement irrationnelle. Je savais bien qu’elle demanderait énormément de consolidation de ma part. La partie avançait, je sentais que je jouais les bons coups, mais sans trop savoir où j’en étais en termes d’évaluation. A un moment, quand j’ai dû rendre le contrôle de la colonne g, certes en allant chercher le pion h5 des blancs, je sentais que je commençais à perdre le contrôle car ses Cavaliers pouvaient toujours créer des menaces, et sa Tour sur la colonne g était assez insupportable.
Le tournant, il a eu lieu dans cette position : mon idée était 36…Fxd4. Mais tout d’un coup, j’ai vu 37.Cxd5!? et 37…cxd5 38.Dxd5 Fg7 (seul coup) 39.Df7 De5 (seul coup) 40.Dxh5+ Rg8 ne m’a pas satisfait ; certes, la machine donne l’avantage aux noirs, mais j’étais loin d’être convaincu de ça pendant la partie ! Ensuite, j’ai calculé 37…Fe6 38.Cf6+ Fxf6 39.Dxe6 Tg5 (seul coup) 40.Txg5 Fxg5 41.Dxf5+ Rh6 42.De6+ (42.Dxe4? Dh7! avec un échange de Dames gagnant) 42…Rg7 42.Dxe4 et je me suis arrêté, oubliant complètement 42…Df7! suivi de 43…Fh4 et mon pion f fera la différence. Je suis donc revenu à la position du diagramme et j’ai regardé les autres options qui me paraissaient possibles. 36…Dc8 ne m’a pas plu non plus et j’ai finalement opté pour 36…Db8, qui est un autre bon coup et qui ne gâche rien. Après avoir répété une fois la position par 37.Da4 Dc7 38.Db3 Db8 39.Da4, en dépit de mes 40 minutes et de ma demi-heure d’avance à la pendule, j’ai complètement paniqué et perdu toute objectivité. Je n’ai pas vu le gain le plus simple qui était 39…Th2, forçant soit un piteux repli comme 40.Cd1, 40.Tf1 ou 40.Dc2, soit 40.Cxd5 que l’on peut superbement ignorer par 40…Txf2 et avec la Dame en a4, les blancs n’ont aucun contre-jeu sur mon Roi. A la place, j’ai bêtement répété une troisième fois par 39…Dc7?, une décision qui n’est pas été comprise par les commentateurs et dont j’avoue qu’elle ne répond effectivement pas à une logique rationnelle !
Contre Abdusattorov, rien à signaler; j’étais encore marqué par la partie précédente et je n’ai rien obtenu avec les blancs.
Contre Fabiano (Caruana), juste avant la journée de repos, j’ai repris mes esprits et joué une partie plutôt correcte. L’équilibre n’a jamais vraiment été rompu même si à la fin je commençais à me prendre d’ambition. Mais je me suis dit qu’objectivement je n’avais vraiment pas grand-chose, et qu’en plus, si je déclinais la nulle après ce que j’avais fait contre Alireza… 😊.
J’affrontais ensuite Gukesh en doublant les noirs. Une autre Najdorf après celle contre Fabiano, cette fois avec 6.Fd3. Je n’ai pas trop compris son idée dans l’ouverture, parce que je n’ai pas dévié de ce que je joue habituellement, et qu’il semblait ne savait pas trop savoir quel plan adopter. Ça a mené à un milieu de jeu extrêmement compliqué où j’ai donné le pion a6 en me disant que j’allais certainement avoir des compensations sur le plan tactique, dans une position qui restait extrêmement compliquée.
Après 18.Fxa6, j’ai rejeté le sacrifice 18…bxa6 19.Fxe5 Fb5 20.Tf2 dxe5 21.Txd8 Texd8 qui me semblait insuffisant pour les noirs. J’ai préféré jouer pour les compensations positionnelles avec 18…Cfd7 19.Fd3 Fh4. Peu après, il a commencé à manquer de temps, et il y a eu quelques imprécisions de part et d’autre quand la situation s’est décantée au centre. Finalement, Gukesh, qui ne jouait déjà quasiment plus que sur l’incrément, a décidé d’échanger les Dames, ce qui nous a amené à la finale suivante :
Maintenant, c’est la course, et je pense qu’il n’avait pas anticipé que je puisse être rapide moi aussi avec mes pions à l’aile-Roi !
La longue séquence suivante est quasi forcée. J’ai cherché si je n’avais pas d’autres options mais je n’ai pas trouvé. 39…g5 40.a4 h5 41.a5 g4 42.hxg4?! (meilleur était 42.a6! pour garder les pions h car ça tendait un piège diabolique aux noirs ! Si ils continuent comme dans la partie par 42…f3 43.gxf3 gxf3 44.Cc3 Th2 45.Rg1 Fg3? [seul 45…Tg2+ 46.Rh1 Ff2! permet de survivre dans cette ligne : 47.Tf1 Fd4 48.Txf3 Txc2 et les noirs s’accrochent] 46.a7 f2+ 47.Rf1 Th1+ 48.Rg2 Txc1 49.a8=D+ Rg7 50.Db7+ Rg6 51.Dxc6+ Rg5, la grosse nuance est 52.Rxg3! et les blancs gagnent puisque avec la présence des pions h3/h5, la menace 53.h4 mat est létale) 42…hxg4 43.a6 f3 44.gxf3 gxf3 45.Cc3 Th2 46.Rg1 Fg3 (le plus simple, et ce sont maintenant les blancs qui doivent trouver le chemin de la nulle) 47.a7 (et pas 47.Cd1 Te2!) 47…f2+ 48.Rf1 Th1+ 49.Rg2 Txc1 50.a8=D+ Rg7 51.Db7+ Rg6 52.Dxc6+ Rg5 et maintenant que 53.Rxg3? f1=D n’est plus possible puisqu’il manque la possibilité de h4 mat et que par ailleurs, la Dame blanche n’a pas d’échec, Gukesh est obligé de trouver une série de seuls coups pour s’en sortir. 53.Dc4 Tg1+ 54.Rh3! (et surtout pas 54.Rf3? Rh4!) 54…f1=D+ 55.Dxf1 Txf1 56.Rxg3 Tc1
Ici, Gukesh a trouvé le chemin le plus simple vers la nulle, en abandonnant ses deux pions de l’aile-Dame pour obtenir une forteresse avec le Cavalier en d3. 57.Rf3! Txc2 58.Cd1 Td2 59.Cf2! (et pas 59.Ce3? qui ne serait pas une forteresse car après 59…Txb2, les blancs ne seraient pas en mesure d’empêcher le passage du Roi noir vers la case-clé f4) 59…Txb2 60.Cd3 Tb5 61.Re3 Rg4 62.Re2 et les blancs ont le setup défensif parfait.
Une excellente performance défensive de Gukesh, surtout avec si peu de temps à la pendule.
Ensuite contre Anish (Giri) avec les blancs, je me suis fait neutraliser par la fameuse Berlinoise, avant de me créer des difficultés tout seul dans l’avant-dernière ronde contre Wesley (So), même si ça s’est fini par un nouveau partage du point.
Finalement, contre Ding pour la dernière ronde, je connaissais ma mission, car entretemps Wesley, qui avait un demi-point d’avance, avait perdu contre Abdusattorov. Nous étions donc à égalité et il fallait que je fasse mieux que lui pour le devancer au classement final du Grand Chess Tour et prendre cette fameuse 3e place qualificative pour 2025. Pour cette mission, j’avais donc les blancs contre le champion du monde, tandis que lui avait les noirs contre Gukesh. Je savais qu’il fallait garder une position compliquée, d’autant que Ding avait perdu deux jours plus tôt contre Alireza justement sur ce type de position. D’où le choix de la prépa spécifique contre l’Espagnole concocté avec mon entraîneur, et de la gestion du temps également.
Ça a marché au-delà de mes espérances car il s’est très vite mélangé les pinceaux avec 19…Cg6?, qui certes se regarde, mais qui est tellement risqué au regard de la position. Tu sens que si les blancs gagnent un ou deux temps, ça va vite devenir catastrophique pour les noirs. Je crois que mon coup 20.De1! réfute sa conception. Si 20…Cxh4 21.f4! Cg6 22.f5 h4 23.Fh2 et la position noire est au bord de l’implosion. 20…c4!? était la seule façon d’essayer de pêcher en eaux troubles, mais après son choix de 20…Rf8? 21.f3, il n’a jamais pu opposer de vraie résistance tant il semblait un peu ailleurs.
Dans la perspective de son match de championnat du monde qui débutera le 25 novembre contre Gukesh, il peut se prévaloir de quelques points positifs. Au Championnat du monde Rapide et Blitz par équipes en août à Astana, son niveau de jeu était plutôt encourageant, je pense que le fait de jouer en équipe l’a aidé. D’ailleurs, ça va être intéressant de le voir jouer aux Olympiades à Budapest. Mais dans ce type de tournoi comme la Sinquefield Cup, tout le monde est à fond, le couteau entre les dents. Et lui, quand il avait une position prometteuse, il ne la poussait pas au bout. Forcément, ça joue des tours quand finalement il faut commencer à défendre. Sur la fin de tournoi, contre Alireza d’abord puis contre moi, on a senti qu’il retombait un peu dans ses travers. Il lui reste quelques mois et une préparation à peaufiner, mais le temps presse pour retrouver le Ding « prime » qu’on a connu et qui nous manque ! Si le match avait lieu demain, Gukesh serait clairement favori. Mais attendons un peu, car les choses peuvent évoluer très vite : il reste presque 3 mois, il y a d’autres tournois qui vont être joués mais il est vrai que la charge est sur Ding et son équipe, qui doivent trouver les solutions pour le remettre sur les rails.
Avec cette qualification pour le Grand Chess Tour 2025, l’objectif important de cette année est accompli. Mais d’ici décembre, il reste quelques autres échéances. La première, ce sont les Olympiades, où je vais signer mon retour en équipe de France. On a une équipe qui certes est amputée d’Alireza mais qui a quand même fière allure. C’est sûr qu’on va tenter de faire quelque chose de grand ! Au programme ensuite le dernier tournoi du Champions Chess Tour, même si je suis déjà virtuellement qualifié pour la finale en présentiel de décembre.
Il y aura également en octobre la 2e édition de la Global Chess League à Londres, suivie de la WR Masters Cup, dans la capitale britannique également.
Les parties rapides de Maxime :
Les parties blitz :
Les parties longues :
A peine revenu des Etats-Unis le 31 août, Maxime est reparti pour Vichy. En effet, le CREPS (Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive) installé dans cette ville du centre de la France accueillait les équipes de France pour un stage de préparation avant les Olympiades de Budapest. Très réputé, le CREPS de Vichy est régulièrement choisi par des athlètes ou des équipes internationales avant une compétition majeure. Le staff d’aide à la performance a donc pris en charge les 10 joueurs et joueuses ainsi que les 2 capitaines pendant 5 jours. Au programme, des séances axées sur le sport, la récupération et le sommeil, sur la base de journées-type assez rythmées. Sans oublier de laisser un peu de temps pour la préparation purement échiquéenne, soit 3 ou 4 heures par jour. Une initiative qui semble très satisfaisante et qui mériterait d’être installée dans la durée.
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