Une D2 de très haut vol !

MVL Champion

Après plus d’un mois sans aucune compétition, j’ai participé au deuxième tournoi du Champions Chess Tour en ligne, du 8 au 14 mai. La formule est un peu complexe puisque après un tour préliminaire en forme d’open (le « Play In »), les meilleurs ont accès à un deuxième jour qui est consacré au « Placement en Division » permettant de répartir les joueurs en D1, D2, D3. Ensuite, chaque Division se dispute sur des confrontations directes, avec cependant ce nouveau principe d’un Tableau des Vainqueurs et d’un tableau des Perdants autorisant tous les joueurs à avoir une seconde vie.

J’ai bien joué dans le Play In, terminant juste derrière Caruana, mais j’ai complètement raté le Placement en Division, et j’ai dû me contenter de disputer la Division 2. Cela dit, avec la présence de joueurs comme Caruana, So, Aronian, Dominguez, pour ne citer qu’eux, celle-ci avait fière allure !

Je suis d’autant plus satisfait d’avoir remporté cette Division, après avoir battu successivement Van Foreest, Martinez, Dubov, Oparin et So, qu’elle m’offre une qualification directe pour la Division 1 du troisième et avant-dernier tournoi, en juillet.

Tout au long de ces huit journées, j’ai disputé de nombreuses parties à rallonge, et je vais en profiter pour revenir sur un certain nombre de position de finales intéressantes.

MVL-Vokhidov, Play-In Ronde 4 : 1/2

Dans une partie du tour préliminaire où j’ai dû donner ma Dame pour survivre, j’ai tout de même réussi à établir une forteresse.

Après 67...De4+

Ici, mon adversaire vient de donner échec en e4 ; pris de panique et en manque de temps, j’ai répondu 68.Rh2??. Le problème de ce coup est qu’après 68…Rg4, je ne peux plus jouer 69.Tf4+? Dxf4! 70.gxf4 Rxh4 71.f5 gxf5 puisque le Roi noir prend l’opposition ! Le seul coup était donc 68.Rg1! qui est un peu paradoxal car ça laisse faire 68…Rg4, mais maintenant il y aurait 69.Tf4+ Dxf4 70.gxf4 Rxh4 71.f5 gxf5 72.Rf2 récupérant l’opposition. Et sinon, au prochain coup je vais pouvoir rejouer Tf4 et conserver la forteresse, sachant que si les noirs jouent à un moment …g5, hxg5 Rxg5, avec la Tour en f4 et le pion en g3, c’est une position de nulle très connue, même si c’est un peu moins facile qu’avec le pion en g2 et la Tour en f3.

Dans la partie, mon adversaire a raté le gain par la suite et m’a laissé repartir avec le demi-point.

Van Foreest-MVL, 1/8e finale 2e partie : 1-0

J’avais gagné la 1re partie. J’avais envie d’assommer le match et par moments, j’ai pris des décisions un peu trop hasardeuses. Je voulais garder de l’activité et ne pas trop échanger, mais j’ai fini par le payer cher dans une finale où j’étais un petit peu moins bien.

Après 54.e6

Tout s’est cristallisé dans cette position. On n’avait plus beaucoup de temps, et la finale est un peu pénible à défendre. J’avais ici le choix entre 54…Rg7 et 54…Rg6. Le coup logique est 54…Rg7 mais j’ai voulu jouer 54…Rg6 pour avoir le Roi qui puisse monter en soutien du pion h. Le problème, c’est que sur 54…Rg6?, il y a le coup que j’ai raté 55.Te3!,qui est en plus très classique. Maintenant, le pion e file à Dame car je ne peux pas ramener le Roi en f8 ; j’ai perdu la partie quelques coups plus tard.

MVL-Van Foreest, 1/8e finale Armaggedon : 1-0

Après 57...c6

Une finale de Cavaliers assez difficile à gagner, où j’ai mis la pression comme j’ai pu, mais dans laquelle Jorden a vraiment très bien défendu jusqu’à ce point. Le nombre de pions est drastiquement réduit, d’autant qu’en plus il va en échanger un de plus en force. Donc il ne me reste virtuellement plus que 2 pions… Mais j’ai trouvé quelques idées, avec d’abord 58.Ce3!? ;il ne peut pas prendre en d5 tout de suite parce qu’il perdrait alors le pion f6, ou la finale de pions. Mais il a encore bien joué : 58…Rd6 59.dxc6 Rxc6.Là, le coup logique serait 60.Rc4 pour jouer b5 évidemment, mais je me suis dit que j’allais plutôt pêcher en eau trouble, en choisissant 60.Re4 Rb5 61.Cd5 Ch3 62.Rf3 Rc4. Ici, j’ai d’abord vérifié 63.Rg2 évidemment, mais 63…Rxd5 63.Rxh3 Rc4 et les noirs sont à temps, au tempo près. Mais il restait un dernier piège que j’avais calculé en amont quand même, pour ne pas lui laisser le temps de comprendre ! 63.Cxf6 et là, 63…Rxb4? perd sur le joli 64.Ch5! enfermant le Cavalier. Jorden a abandonné après 64…Cg1 (64…Rc5 65.Rg2 Cf4+ 66.Cxf4 exf4 67.Rf3 Rd6 68. Rxf4 Re6 69.Rg5 et on gagne l’opposition) 65.Rf2 Ch3+ 66.Rg2 1-0.

Au lieu de prendre le pion b4, 63…Cf4! était le seul coup, mais franchement après 64.Re4, on se dit que le pion b pourra maintenant être défendu (puisque 64…Rxb4? 65.Cd5+), et avec très peu de temps à la pendule, on aurait tendance à s’arrêter là. Or, c’était la ligne correcte pour s’en sortir parce qu’il y a ici 64…Cd3 65.Cd5 Cf2+ 66.Rf3 Cxg4 qui fait nulle !

Le « Villeneuve », la bible francophone des fins de partie, a été très utile à Maxime dans sa formation !
Le « Villeneuve », la bible francophone des fins de partie, a été très utile à Maxime dans sa formation !

Mvl-Dubov, ½ finale 1e partie : 1-0

Après avoir passé l’obstacle Martinez en ¼ de finale dans un match tendu, j’affrontais Dubov.

Après 45...Rd7


J’ai un pion de plus depuis le début de la finale. Mon cavalier vaut largement son Fou et mon Roi est au soutien du pion, mais on sent que c’est proche de la nulle avec tous les pions sur la même aile. J’avais du temps de réflexion mais je voulais le garder pour continuer à mettre la pression ; je pensais qu’ici, ce serait plus utile que de tenter de trouver un gain qui n’existait pas encore 😊. Au début, j’ai regardé 46.Cd4 f4 47.Ce2 pour garder le pion g, mais j’ai vu 47…f3 suivi de 48…Fxg3. J’ai alors pensé à 46.Cg7!? f4 47.Ch5 fxg3 48.fxg3. Là, je me doute que c’est encore nulle, mais il va suivre un plan erroné ; 48…Rd6 49.Rd4 Fa7+ 50.Re4 Ff2 (Dubov a dû croire que j’étais en zugzwang et que je perdrais un pion) 51.Cg7 (je dois dire que je n’avais pas vu cette ressource à l’avance 😊) 51…Fe1? (pas non plus 51…Rd7? 52.Cf5 suivi de 53.Rf4xg4. En fait, les noirs n’ont pas défendu de la façon la plus précise et étaient donc contraints ici de trouver une difficile série de seuls coups. 51…Re7! 52.Cf5+ [52.Rf4 Fxg3+!] 52…Rf6 53.Rf4 [53.d6 Re6 54.Rf4 Fe1! 55.Rxg4 Fd2 zugzwang, est une élégante façon d’annuler] 53…Fb6 seule case ! 54.Rxg4 [54.d6 Re6 55.Rxg4 Ff2 seule case ! 56.Rf4 Fe1 57.g4 Fd2+ 58.Re4 Fc1 59.Rd4 Fa3 et les blancs ne progressent plus. A noter que dans cette ligne, les cinq derniers coups de Fou des noirs sont des coups uniques !] 54…Re5 55.d6 Fd8! avec un zugzwang miroir [56.d7 Re6] très esthétique. Evidemment, tout cela n’est guère trouvable avec quelques poignées de sondes à la pendule) 52.Cf5+ (mon Cavalier protège maintenant g3 et permet aussi de couper le Roi noir du pion d5) 52…Rc5 53.Re5 et gain quelques coups plus tard, le Roi accompagnant le pion d tandis que le Cavalier est allé en h5 pour protéger g3 en n’étant jamais attaqué par le Roi adverse.

Dubov-MVL, ½ finale 2e partie : 1/2

Après 36...Rd7

Une finale de Fous de couleurs opposées où j’étais en très grande difficulté. Heureusement, j’avais finalement réussi à fixer ses pions sur cases blanches en poussant les miens à l’aile-Roi, anticipant un contre-jeu éventuel. Dans ces positions où il y a deux pions passés, si je n’ai pas d’objectif dans son camp, le Roi blanc va forcément s’infiltrer d’une manière ou d’une autre, et un des pions passés s’échappera. Là, tout mon contre-jeu est basé sur le fait que je peux attaquer le pion g2 avec mon Fou, tout en contrôlant la case a6. Cependant, la machine indique que les blancs pouvaient gagner en jouant 37.Re3! avec l’idée 38.f4. Son erreur 37.Rc5? est un moment marrant car après 37…Ff1 38.e6+ Re7 (je ne voulais pas de 38…Rxe6 39.Fd8, mais il s’avère que 39…Rd7! 40.Fxg5 Fxg2 est encore nul), on obtient une position où je ne peux pas prendre le pion g2 parce que le pion a va à Dame. Mais dès que son Roi bouge, soit il prend c6, auquel cas je prends maintenant en g2 et la grande diagonale est ouverte, soit il joue Rb6 et je réponds …c5 ; il va alors devoir prendre en c5 (ou il joue a6, peu importe) et je prends g2 puis f3 et après, j’ai mes propres pions passés à l’aile-Roi, et ça peut vite dégénérer côté blanc. Donc il se retrouve dans une situation où en fait il est forcé d’accepter la nulle par statu quo ; 39.Fc7 f4 40.Fe5 (40.Rb6 c5!) 40…Rxe6 et plus personne ne fait rien.

Dubov-MVL, 1/2 finale 4e partie : 1-0

Une partie de grandes aventures, dans laquelle j’ai subi une grosse pression la plupart du temps, avec au passage quelques gains ratés de sa part. Mais ensuite, grâce à une bonne défense réalisée avec très peu de temps au début de la finale, j’ai évité les gains forcés et j’ai réussi à replacer mes pièces un peu par miracle. Forcément, il y a encore eu quelques erreurs réciproques et à la fin, on s’est retrouvés dans une finale de Tours extrêmement difficile, probablement perdante d’ailleurs. Mais avec seulement 5 secondes pour lui aussi, il l’a mal négociée et nous avons atteint cette position objectivement nulle…

Après 82.Rc6

Au lieu de répéter la position une deuxième fois par 82…Tc4+, je me suis soudainement rappelé que j’avais mes pions g et h et que le plus simple était donc de ramener mon Roi par 82…Rf6?. Après 83.b7 Txb7 84.Rxb7+ Rf5,« je vais supporter l’avance des pions, le Roi blanc est trop loin », me suis-je dit. Sauf que la douche froide, c’est 83.Rc5! et je ne peux pas bouger ma Tour en b1 parce qu’il y a 84.b7 sur échec, puis 85.Tb6. Donc, je suis obligé de sacrifier ma Tour tout de suite par 83…Txb6 84.Txb6+ Rf5 mais maintenant 85.Rd4 et le Roi blanc revient. J’ai encore tenté 85…Rf4 86.Txg6 (86.Rd3 Rf3 87.Tf6+ était encore plus simple) 86…h4 mais 87.Th6 Rg3 88.Re3 h3 89.Tg6+ gagne aussi au temps près, mais c’est tout ce qu’il faut aux échecs !

Dubov-MVL, ½ finale Armaggedon : 1/2

Dans l’Armageddon je me suis encore retrouvé en énorme difficulté dans l’ouverture, la même que dans la 2e partie. Pour l’anecdote, je me suis une nouvelle fois trompé de coup par rapport à mes fichiers 😊, mais après je me suis bien défendu.

Après 35.e6

A la base, mon idée était 35…Tf6?, mais il y a 36.e7 Te6 et par exemple 37.Dd8 ; il y a sans doute 36 gains, mais 37.Dd8 Txd6 38.e8=D Txd8 39.De5 mat est convaincant ! Bref, j’ai compris que je ne pouvais pas jouer 35…Tf6 et je me suis donc replié sur 35…Tg7, avec l’idée que sur 36.e7?, il y a l’improbable 36…Re6!. J’ai pensé qu’il pourrait peut-être tomber dans le panneau, sachant que si les gains blancs existent, ils ne sont pas si faciles non plus. Et c’est exactement ce qui s’est passé 😊. Avec le Roi en e6, tout d’un coup mes pièces contrôlent les cases de sa Dame et dès qu’elle bouge, je peux maintenant prendre en e7 parce qu’il n’y a plus de Fxe7 Dxe7, Dxc6+.

Dubov va quand même bien réagir avec 37.Rg3. Là, j’avais très peur que la finale de pions soit perdante tout de suite donc j’ai pas mal réfléchi, quasiment une minute. J’ai joué 37…h5, qui est un bon coup parce que maintenant sur 38.Rf2, il y a 38…Db6+! (mais pas 38…Db2+? 39.Rg1! Db7 40.Dxg6+! Txg6 41.e8=D+ Rxd6 [41…Rf6 42.Fe5+ Rf5 43.Fd4! et c’est mat quelque part] 42.Dxg6+ Rc5 [42…Rc7 43.Df7+] 43.Dxh5+ avec une finale de Dames gagnante). Après le coup de Dubov 38.a5, j’ai pu jouer 38…Dd7! (et pas 38…Txe7? 39.Dxg6+). La finale de pions après 39.Dd8 Txe7 40.Fxe7 Dxe7 41.Dxe7+ Rxe7 42.Rf2 Re6 tient au temps près parce que sur 43.Re3, malheureusement pour lui, il y a 43…Rf5 44.g3 a6 et ce sont les blancs qui sont en zugzwang. Donc il a joué 43.g4 a6 44.Re3 hxg4 45.hxg4 Rd5 46.Rf2 (46.g5 c5 et pas de zugzwang !) 46…Re6 47.Re2 Rd6 et nulle juste après.

MVL-Oparin, Finale 1e partie : 1/2

Tout vient d’une offrande de ma part puisque j’ai gaffé une pièce dans une bonne position. J’ai quand même réussi à créer quelques problèmes dans cette finale gagnante pour les noirs, jusqu’à la position du diagramme…

Après 55.c6

La réalisation technique n’est pas si facile une fois que mon pion c a avancé. Je croyais donc avoir fait le plus dur, mais en réalité, les noirs avaient ici 55…Fe5! 56.c7 Tb4+! (très important) et je ne peux pas prendre, tandis que sur 57.Ra6 Tc4, le pion tombe.
Mais Oparin a joué 55…Tf1?,le coup a priori logique, qui tend en plus un piège : sur 56.c7 Tb1+ 57.Rc6? Tc1+ 58.Rb6 Txc7! avec la même idée. C’est ce que nous avons tous les deux cru pendant la partie, mais en réalité le « piège » ne fonctionne pas à cause de 57.Ra6! Tc1 58.Td7! (menace 59.Rb7) et les noirs ne parviennent pas à s’extirper sans s’auto-clouer par 58…Rg6 59.Td6+ Ff6 (59…Rf7 60.Td7+) 60.Rb7 et le pion va quand même coûter la Tour. Dans la partie, j’avais vu l’autre issue de secours, 56.Td5. La finale a encore l’air perdante mais après 56…Tb1+ 57.Ra6 Tc1 58.Rb7 Rg6 59.c7 Ff6 60.Td6 Txc7+ 61.Rxc7 f4, j’ai trouvé le seul coup 62.Td5!. Mais je n’avais pas calculé toute la ligne jusqu’au bout. Par la force des choses, je suis obligé de couper son Roi : car s’il joue …Rf5 puis …f3 mon Roi est trop loin. Donc l’idée c’est 62…f3 63.Td3 f2 64.Tf3 qui revient à la suite de la partie, 62…Fxh4 63.Rd6 f3 64.Td3 (surtout pas 64.Re5? Rg5 65.Re4 Rg4 66.Re3 Rg3 67.Re2 Rg2 suivi de …Fg3 et le pion h triomphe) 64…f2 65.Tf3 et j’annule au temps près après 65…Rg5 66.Re5 Rg4 67.Re4 Fg3 68.Re3 Rh3 suivi de 69.Txf2.

MVL-Oparin, Finale 3e partie : 1-0

Une partie plutôt sympa ! J’avais survécu à une attaque effrayante dans la deuxième partie, donc je voulais solidifier un peu mon jeu. Mais mon partenaire à Asnières a choisi de prendre pas mal de risques dans l’approche de cette partie. Au contraire, moi j’ai cherché dès que j’ai pu à garder un petit avantage stable. Je savais que j’avais des coups plus forts par moments, mais qui comportaient forcément une part de risque que je ne voulais pas assumer dans ce contexte précis.

Après 42...Txb5

Evidemment, on se doute que cette finale a des chances d’être nulle sur une défense noire parfaite, mais en pratique, la probabilité de gain n’est pas si faible du tout. Après le simple 43.Td2, je protège b2 et c’est mon Roi qui va se charger de gagner le pion d3 après 43…Rf7 44.Re3 Tb3 45.Rd4 Re6 46.Rc4. Après 46…Tb8, 47.b4! est un coup important, qui gagne beaucoup de temps par rapport à 47.Rxd3?. Je ne savais donc pas si cette finale était gagnante ou pas. Dans mon esprit elle était plutôt nulle, mais la machine indique qu’elle est gagnante ! Réflexion faite, ce n’est pas si surprenant, les noirs n’ont plus beaucoup de temps, mon Roi supporte l’avancée du pion b. Ma Tour pourra aussi se replacer derrière le pion si besoin. Pour moi, dans ce type de situation en partie rapide, l’important n’est pas de savoir si c’est gagnant ou nulle (c’est le contraire en partie longue bien sûr). Ce que je veux, c’est que la défense soit la plus compliquée possible. D’ailleurs, en quelques coups, Oparine a explosé, preuve de la difficulté de la tâche. Après 47…Th8 48.h3 Th4+ 49.Rc3 Rd5 50.Txd3+ Rc6, il a raté 51.Tg3! et maintenant sur 51…g5, il y a 52.Tf3 et sa Tour sera coupée d’une manière ou d’une autre, que ce soit en h6 ou en h7. Il a préféré jouer 51…Rb5 mais 52.Txg7, et il a abandonné puisqu’il n’a aucun moyen de récupérer le pion b4.

Classement du Champions Chess Tour 2024 après deux tournois sur 4 (Image : www.chess.com)
Classement du Champions Chess Tour 2024 après deux tournois sur 4 (Image : www.chess.com).

So-MVL, Grande Finale 1e partie : 0-1

Une partie pas très claire au début, dans laquelle j’ai préféré opter pour une ligne un peu plus solide que d’habitude et surtout, que je ne joue pas d’ordinaire…

Nous avons obtenu une finale au début de laquelle j’avais 5 minutes d’avance à la pendule. D’ailleurs, le fait de jouer rapidement m’a énormément aidé dans de nombreux matches ; certes, ce n’est pas sans risques, mais lorsque vous arrivez dans le money time avec plusieurs minutes d’avance, c’est un gros avantage…

Après 35...d4

Ici, il aurait dû jouer 36.Td8 pour contrôler tout de suite l’avance du pion d. Il s’est dit qu’il allait d’abord jouer 36.Rg2? parce que sur 36…d3, il aurait 37.c6 et comme il n’y a plus 37…Tb1 sur échec, il peut donc prendre en b7. Sauf que j’avais calculé tout ça et que j’ai continué ici par 37…d2!. La première idée, c’est 38.Fxb4 d1=D 39.cxb7 Dd5+! et 40…Dxb7. La deuxième idée, c’est 38.cxb7 d1=D 39.b8=D Tb1 ou 39…Dd5+ et les noirs matent. Le trivial 38…Cd6 gagne aussi, d’ailleurs, mais ça je ne l’avais pas vu 😊.

Du coup, il a joué 38.Td8.Là, j’ai fait une petite erreur, enfin j’ai calculé d’abord 38…Td4 39.Txd4 Cxd4 40.cxb7 d1=D? 41.b8=D et je ne trouvais pas le gain car la Dame protège g3 ! Par exemple 41…Df3+ 42.Rg1 Ce2+ 43.Rf1 et je n’ai plus 43…Cxg3+. Mais tout cela est un peu idiot, car le simple 40…Cc6 arrêtait le pion 😊. Je me suis alors dit que certes, c’était frustrant, mais qu’il fallait donc regarder l’autre coup candidat 38…Cd4. A noter que j’ai mis une minute à jouer 38…Cd4, donc tout ce que je décris est quand même allé assez vite ! 39.Fxb4 (39.c7 perd de la même façon) 39…d1=D 40.c7 Df3+ et là on voit tout de suite 41.Rf1 Dh1 mat ou 41.Rg1 Ce2+ 42.Rf1 Cxg3+ et c’est mat. Sur 41.Rh3, le mat est un peu différent : 41…Dh1+ 42.Rg4 f5+ 43.Rf4 (43.Rg5 Ce6#) 43…De4+ 44.Rg5 et les noirs ont le choix entre trois mats différents ! Dans la partie, il a joué 41.Rh2, et c’est mat aussi après 41…Dxf2+ 42.Rh3 Df1+ 43.Rh2 Cf3#.

Après beaucoup d’aventures dans ce match, notamment un Armageddon très bien maîtrisé par Wesley, j’ai dû m’incliner. Sauf que, ayant gagné le tableau des Vainqueurs, j’avais droit à une vie supplémentaire ! Dans le match Reset, j’ai pu à nouveau frapper avec les Noirs dans une belle Grunfeld.

J’avais donc les blancs dans la deuxième, et à nouveau, une nulle suffisait pour remporter le tournoi…

MVL-So, Grande Finale Reset 2e partie : 1-0

Wesley a choisi la Najdorf et j’ai trouvé les moyens d’échanger un maximum de pièces de la façon dont je souhaitais, c’est-à-dire tout en restant assez actif. C’est comme ça qu’on doit gérer une partie où il faut faire nulle avec les blancs 😊.

Après 37.Ce5

Ici, Wesley à joué 37…Cf5+. Vu la situation du match, sachant qu’une nulle était suffisante, je pouvais jouer 38.Fxf5 exf5 39.Cg6+ puis 40.Cf4. Je pouvais également jouer 38.Rf4 sans échanger en f5, suivi de Cc4-e3 ; je peux un peu tout faire en réalité, mais je me suis forcé à calculer quand même ! Et ce qui accroche tout de suite l’œil, c’est d’échanger en f5 puis 39.Cxc6 bxc6 pour jouer la finale de pions. J’ai mon pion passé en g5, j’ai un 3 contre 2 à l’aile-Dame, et mon Roi contrôle les deux pions passé liés adverses. Donc, on se dit intuitivement que ça doit être bon. Le coup le plus simple et le plus technique pour faire marcher tout ça, c’est 40.b4!, qui permet de contrôler a6 et c6, et les prochains coups seront c4, a4, et b5 ; surtout pas 40.c4? d’ailleurs, qui ne gagne pas à cause de 40…a5!, et la majorité blanche est maîtrisée.

Après 40…Re6, je n’étais pas obligé de commencer par 41.Rf4 mais il n’y a aucune raison d’autoriser 41.a4 Re5 42.c4 f4+, même si ça reste gagnant pour les blancs. Dans la partie, Wesley a abandonné ici, puisque sur 41…Rd5, j’ai le choix entre 42.c3 pour empêcher …Rd4, ou 42.g6 Re6 43.c4 Rf6 44.a4 Rxg6 45.b5 et le Roi noir n’est pas dans le carré.

C’est un peu le principe des deux faiblesses, mais adapté aux finales de pions : le Roi ne peut pas courir après les deux pions en même temps !

Grâce à cette victoire, la prochaine fois en Division 1, je retrouverai Firouzja (brillant vainqueur de la D1) et Carlsen (finaliste), ainsi que 5 autres joueurs qui seront issus des qualifications.

Les parties de Maxime :

Maxime est régulièrement sollicité pour se rendre sur des événements échiquéens, notamment en France, et quand son emploi du temps le permet, il accepte volontiers. Ainsi le 19 mai, il était présent dans les magnifiques salons de la Mairie du XVe arrondissement à Paris, où se déroulait la phase finale du Top Jeunes 2024, compétition phare par équipes des -16 ans. Un rassemblement annuel que Maxime a bien connu quand il était lui-même un de ces Espoirs, et qui est très populaire au sein des échecs français.

Maxime avec les jeunes de son propre club formateur, Créteil (Photo : Ligue IDF des Echecs).
Maxime avec les jeunes de son propre club formateur, Créteil (Photo : Ligue IDF des Echecs).

Rapide lent ou Classique rapide ?

Mvl - Grenke Chess

Le sponsor de mon club allemand de Baden-Baden m’avait envoyé il y a quelques semaines une invitation à un tournoi de prestige que je n’avais aucune raison de décliner !

Je suis donc arrivé à Karlsrühe la veille du tournoi en provenance directe d’Autriche, où j’avais disputé les dernières parties du Championnat d’Autriche par équipes avec mon club de Linz (4.5/5 pour Maxime et un nouveau titre de champion 😊).

Le tournoi Grenke était un « revival » puisque la dernière édition avait eu lieu en 2019. L’édition 2020 était prévue mais avait dû être annulée suite à l’épidémie de Covid. Le sponsor a également fait l’impasse sur les trois années suivantes. C’était cependant pour mieux revenir cette année, avec un festival qui restera dans les annales !

J’ai reçu mon invitation assez tardivement, mais pour du dernière minute, les organisateurs ont vraiment vu les choses en grand, avec près de 2800 joueurs dans les Opens, une vraie performance ! Évidemment, les 6 joueurs du tournoi Classic (Carlsen, Ding, Rapport, Keymer, Fridman et moi-même) avons été très sollicités pour des autographes ou des selfies, notamment parce qu’il y avait beaucoup de jeunes dans les Opens. La présence de Magnus forcément, et celle de Ding Liren également, ont apporté beaucoup de cachet au tournoi.

Sans surprise, tout ceci a généré des retards à chaque ronde. Mais c’était compréhensible et guère gênant en vérité. Et cette gigantesque réunion de joueurs d’échecs a permis de créer toute une ambiance autour du tournoi. C’est impressionnant d’avoir autant de joueurs à un seul et même endroit, et toute une ville qui « respire échecs » pendant une semaine. Je ne vais pas être hypocrite, ce n’est pas forcément hyper facile de jouer dans ces conditions parce qu’inévitablement, il y a du bruit ; mais c’est le revers de la médaille, on ne peut pas avoir en même temps la convivialité et un silence monacal 😊.

J’ajouterai qu’à titre personnel, j’ai pas mal d’amis ou de connaissances qui disputaient les Opens ; ce qui était très agréable dans le sens où ça amenait un peu de lien social auquel je ne suis pas habitué dans les tournois de très haut niveau.

Vue (incomplète !) de la salle de jeu (Photo : Grenke Chess)

Concernant la cadence (45+10), ce tournoi était une sorte de test, même si certains – dont je fais partie – avaient déjà pu la tester au Championnat du Monde par équipes à Jérusalem en 2022. L’idée de base, c’est de pouvoir jouer deux parties par jour. Mais la cadence reste assez rapide tout de même. Autant en partie longue je n’ai jamais de problème de temps, autant ici à Karlsrühe, j’ai parfois fini en zeitnot. Malgré tout, les parties ont été d’assez bonne qualité dans l’ensemble ; sauf peut-être dans les finales, où c’est bien souvent compliqué de jouer précisément, surtout à certains moments critiques (je pense par exemple à ma première partie contre Magnus, sur laquelle je reviendrai ci-dessous).

Pour ma part, j’ai tout de même trouvé dommage de ne pas disputer la double ronde contre le même adversaire en alternant les couleurs, ce qui m’aurait semblé plus logique.

Au final, je dirais que cette cadence de jeu est intéressante, même si c’est évidemment un rythme intense puisqu’il n’y a quasiment pas de pause entre les parties. Certes, on peut choisir de faire une préparation allégée le matin en compensation, mais même comme ça, on brûle de l’énergie. Une autre chose que je regrette un peu, c’est que les organisateurs avaient choisi de négocier un cachet avec les joueurs (ou leurs représentants), et de ne pas octroyer de dotation en prix. Pas de prix, pas de prise en compte pour le Elo de parties longues, il manquait un enjeu, même s’il restait évidemment celui d’ajouter un tournoi à son palmarès ! Mais si tu ne l’emportes pas, 3e ou 5e du tournoi, ce n’est pas pareil mais presque…

Le dernier jour, ce sont des mini-matches qui ont attribué les places définitives (1 vs 2, 3 vs 4, 5 vs 6). J’ai remporté mon match pour la 3e place contre Keymer. Certes, j’avais forcément à cœur de bien faire, mais en vrai, le match pour la 3ème place, ce n’est pas non plus comme une médaille de bronze aux Jeux Olympiques 😊.

Voici un retour sur quelques-unes de mes parties au Grenke Classic :

Mvl-Fridman, Ronde 3 : 0-1

Début de la partie contre Fridman (Photo : Grenke Chess)

Mon ouverture ne s’est pas très bien passée ; je n’étais pas hors prépa, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il maîtrise cette variante de la Française aussi bien. Du coup je n’étais pas sûr de ce que je faisais. A un moment, j’ai quand même décidé de varier un peu par rapport aux plans habituels de ce type de position, notamment lorsque j’ai décidé de reprendre le pion sacrifié dans l’ouverture alors qu’en général, on le laisse « pour la vie ».

Mais ce n’était pas une décision forcément terrible, et juste après, il y a eu le moment critique où il joue 16…Fe7, un coup légèrement imprécis, commencer par 16…h6 aurait été plus sécurisant. Après 17.Fg5, il aurait pu tenter de gagner la pièce par 17…Cb2 mais finalement il a décidé de ne pas le faire parce que ça semblait très dangereux après 18.De2 Dxc3 19.e6 fxe6 20.Tac1 Dxa3 21.Txc8+ Fxc8 22.Fxe7 Rxe7 22.De5. C’est en tout cas ce que j’avais vu et c’est plus ou moins la ligne de l’ordinateur ; il y a tout un tas de possibilités et je trouve ça plutôt effrayant pour les noirs !

J’ai finalement pris l’avantage petit à petit mais ça n’a jamais été facile, même si je pensais que ce le serait dans la position suivante :

Après 40.Cd5! Rf8 (40…Fxd5? 41.d7), mon erreur a été de ne pas jouer 40.Cf6! ; le Roi vient en f4, la Tour coulisse en g1 via a1, et le Roi noir est dans de sales draps tandis que le pion c aura du mal à faire diversion. Malheureusement, j’ai cru qu’avec 40.Tc3? Te2 41.Ce3,je prenais le pion c4, sauf qu’après 41…Ta2, sur 42.Cxc4? il y aurait 42…f4+! 43.Rxf4 Txa4 ou 43.Rh4 Th2 et je me fais mater.

Après ça, j’ai donc dû changer mes plans mais du coup la situation est devenue hors de contrôle. J’ai sans doute encore raté un gain, et la fin de la partie est une succession d’erreurs réciproques jouées avec peu de temps à la pendule, avant que je ne parte complètement en vrille pour craquer le dernier…

Nouveauté théorique à Karlsrühe : sur scène juste avant le lancement d’une ronde, le MI Ilya Schneider fait sa demande en mariage à sa compagne Olga ! (Photo : Grenke Chess)

Carlsen-Mvl, Ronde 4 : ½

Juste après cette défaite horrible, j’enchaînais avec les noirs contre Magnus ! Certes, il n’y a objectivement pas grand-chose à redouter quand Magnus joue 1.e4 c5 2.Cf3 d6 3.Cc3 Cf6 4.Fe2 e5 5.Fc4 😊.On sent qu’on ne va pas forcément être moins bien si on sait à peu près comment réagir, ce que j’ai fait, avec une ouverture plutôt bien maîtrisée.

Ici, j’aurais pu jouer simplement 14…Fe6, mais en fait j’étais parti sur l’idée qu’il fallait que j’essaie de pousser …f5 au plus vite, donc j’ai préféré 14…Rh8 15.Ce3 Dg6. Il a décidé d’empêcher drastiquement …f5 et a poussé 16.g4, sur quoi j’avais calculé que je ramenais mon Cavalier en f4 en commençant par 16…Cd8 mais c’est en fait un peu risqué ; 17.Df3! est bien joué, au moins d’un point de vue pratique, puisque si je joue 17…Ce6, il va échanger en e6 et je ne peux pas reprendre du pion, donc je me retrouve vraiment mal à l’aile-Roi : il continuera simplement Re2, Tag1 et g5, et je ne voulais pas laisser faire ça. Donc, j’ai préféré temporiser, même au prix de l’ouverture de la colonne g par 17…Fd7 18.g5 Ce6 19.gxh6 gxh6. A partir de là, c’est devenu hyper compliqué, avec une position à trois résultats.


Au lieu du normal 23…fxe4, je me suis vu un peu beau et j’ai commencé par 23…c4?, qui est une erreur ; j’aurais dû sentir qu’avec ma Dame en h7, il ne fallait pas trop en demander à la position ! Heureusement, Magnus n’a pas trouvé 24.dxc4 fxe4 25.De3! Tf3 26.Dd2 Cc5 (ce n’est pas forcément évident au premier abord, mais la position noire est trop disharmonieuse après 26…Td3 27.De1!) 26.Cf4! suivi de 27.Dxd6 et la position noire est au bord de l’écroulement.

Dans la partie, j’avais vu la position jusqu’à 24.Fc2?! fxe4 25.Dxe4 Dxe4 26.dxe4 Fe8 27.f4! (sinon, j’attaque f2 et je menace …Td8 suivi de …Cf4 à tout moment). Après 27…Fh5 (j’ai passé beaucoup de temps sur ce coup car je pensais qu’il voulait peut être jouer 28.f5 et je souhaitais vérifier que ça allait pour moi, ce qui est le cas après 28…Fxd1 29.Txd1 Cf4 ou 29.fxe6 Fxc2 30.Rxc2 Tf2+ 31.Rc1 Tg8!) 28.Td2 exf4? (28…Cxf4 29.Cxf4 Txf4 30.Txd6 Rh7 =)

Je savais que je parais 29.Ce7 (menaçant 30.Cg6+) à cause de 29…f3, mais en prenant en f4, j’ai réalisé que je laissais 29.Cc7!.

Et là, c’est la douche froide ! J’ai hésité à abandonner, mais j’ai vu que j’avais encore 29…Tg8 (la ligne forcée 29…Cxc7 30.Txd6 Tf7 [30…Rh7 31.e5+] 31.e5 Tg7 32.Txh6+ Rg8 33.Txg7+ Rxg7 34.Txh5 laisse une finale facilement gagnante aux blancs) 30.Txg8+ Rxg8 31.Cxe6 Tg1+ 32.Fd1 Tf1 (mais pas 32…f3? 33.Tf2) et mon pion f me laisse encore de vagues chances pratiques. Et c’est précisément ce qui s’est passé (certes avec un petit peu d’aide 😊). 33.Txd6 f3 34.Cf4

Ici, Magnus a paniqué, et a réfléchi pendant quasiment ses 2 minutes restantes. Il pensait que 34…Fg4 était impossible à cause de 35.Txh6+ Rg7 37.Tg6+ Rh7 38.Txg4, mais après 38…f2, aucune de ses pièces ne peut se sacrifier sur le pion f, qui va à Dame ; la position reste quand même nulle après 38.Cd5 Txd1+ 39.Rxd1 f1=D+ 40.Rc2, grâce à l’échec en f6. Cherchant le gain et ne le trouvant pas, il s’est replié sur 35.Cg6+? qui ne suffit pas. Pourtant, il avait deux façons de l’emporter. Une première, radicale, 35.Ch5! f2 (35…Fxh5 36.Txh6+ Rg7 37.Txh5 f2 38.Tf5 +-) 36.Td8+ Rh7 37.Cf6+ et 38.Cxg4. L’autre façon, plus lente, était de commencer par 35.Rc2 avant de donner l’échec en g6. Si 35…f2, maintenant 36.Cg6+ Rg7 37.Fxg4 Tc1+ 38.Rxc1 f1=D+ 39.Td1 suivi de 40.Ff5! ; tout est protégé et les blancs vont s’imposer.

Dans la partie, Magnus a été contraint de rendre la pièce et de se contenter d’une finale de Tours égale après 35…Rg7 36.Rc2 h5 37.Ce5 f2 38.Tg6+ Rh7 39.Tf6 Fxd1+ 40.Rd2 Fg4 41.Re3 Te1+ 42.Rxf2 Txe4 43.Cxg4 Txg4.

Malgré tout, j’aurais très bien pu perdre cette finale, car je me la suis rendue difficile en n’activant pas mon Roi quand c’était possible. Même à la fin, il pouvait encore me poser des problèmes…

Ok, c’est nulle avec les pions a et c. Tout le monde sait ça, mais la défendre en pratique avec seulement les 10 secondes d’incrément, c’est une autre histoire !

Au lieu de 68.Tf6, qui me permet d’annuler en force par 68…Ta5 gagnant un des deux pions, Magnus aurait pu tenter 68.Td6. Au début, j’avais raté que sur 68…Ta5 il y a maintenant 69.a7! qui gagne car 70.Td8 est imparable, et si 69…Txa7 70.Td7+. Mais ensuite j’ai compris quand il réfléchissait (il a quand même mis une minute pour jouer 68.Tf6) que j’avais la ressource 68…Te1+. Mais après 69.Te6, il aurait encore fallu éviter 69…Ta1? 70.Re8! et les blancs gagnent parce qu’ils laissent la case e7 à la Tour et menacent donc 71.a7. Par conséquent, le seul coup aurait été 69…Td1!, anticipant 70.a7 Rb7 ou 70.Re8 Td8+. C’était quand même limite – limite !

Maxime aux couleurs de son club allemand (Photo : Grenke Chess)

Mvl-Rapport, Ronde 5 : 1-0

Au début, je pensais que cette Française Winawer se passait plutôt bien, mais j’ai été imprécis dans mon positionnement de pièces parce que je dois dire qu’après 1.e4 e6 2.d4 d5 3.Cc3 Fb4 4.e5 c5 5.a3 Fxc3+ 6.bxc3 Ce7 7.Dg4 Dc7 8.Fd3, je ne me rappelais plus du tout de cette sous-variante 8…Da5!? 9.Fd2 c4. C’est plutôt intelligent, on obtient des positions que Richard aime bien, d’un genre que j’ai déjà eues contre lui et où ça ne s’est pas toujours bien passé pour moi.

Quelques jours plus tard, Magnus a montré face au même adversaire ce qu’il fallait faire : 10.Fe2 Tg8 11.a4 Cbc6, comme j’ai joué, est correct, mais maintenant 12.Dh3! h6 13.Fh5 Fd7 14.Ce2. Moi, j’ai joué un peu automatiquement 12.Cf3 Fd7 13.0-0 h6 14.Tfb1 et je me disais que j’allais être un petit peu mieux mais je me suis rapidement aperçu que ce ne serait pas le cas parce que les noirs sont très rapides à jouer …f6 ou …g5.

C’est donc pour ça qu’après 14…0-0-0, j’ai opté pour 15.Tb5 Dc7 16.Df4 et avec la Dame en c7, 16…f6 17.exf6 permettrait un échange des Dames qui me serait favorable. Et sur 16…Tdf8 17.h4! m’aurait permis de contrôler ce qui se passe à l’aile-Roi. En outre, dans cette position, je menace à tout moment la manœuvre thématique Fc1-a3.

Sauf que Richard a choisi une autre voie en sacrifiant un pion par 16…g5!, ce que j’avais vu, mais peut-être sous-estimé. Certes, il ne peut pas m’enfermer la Dame après 17.Dxf7 Cg6 18.Dh7. 17…Tdf8 ne me semblait pas problématique non plus après 18.Dh5 g4 19.Ch4 Fe8 20.Dxh6 Th8 car j’envisageais de donner la pièce par 21.Dxe6+ Fd7 22.Dd6 avec sans doute une belle compensation. Mais en fait il a simplement joué 17…Cf5 18.g4 Tdf8 (sur 18…Cg7 19.Df6, ma Dame ressortira toujours) 19.Dh5 Fe8 20.Dh3. Je pensais que le plus dur était passé, que j’avais un pion de plus et que ma position restait assez solide. L’ordinateur n’est pas du tout impressionné et préfère même les noirs après 20…Dg7, un coup un peu lunaire, avec l’idée de ramener ensuite le Cf5 en g6 via e7.

Richard a joué le plus humain 20…h5, un coup permettant d’avoir des compensations à long terme, et auquel je m’attendais. Pensant être beaucoup mieux que ce qu’il en était en réalité, j’ai voulu solidifier ma position alors qu’il aurait fallu essayer d’obtenir quelque chose à l’aile-Dame. Après pas mal de manœuvres, et notamment mon transfert précipité du Roi vers l’aile-Dame, nous avons obtenu la position suivante :

J’ai réfléchi assez longtemps, et j’ai tendu un piège sympathique, puisqu’ici 38…Ce3 est très tentant, mais perd ! 39.Fb4! Cxb4 40.cxb4 Db6 41.Dxe3 Dxb4 42.Fc2 Dc3 43.Ta2 +-. Mais 38…b5! est arrivé un peu comme un coup de massue. Sur 39.axb5 je ne craignais pas 39…Dxb5 40.Db2, mais je me suis aperçu que 39…Tb8 était fort (40.bxc6? Dxa3+!) ;il faut le dire, Richard est toujours assez créatif dans ces moments-là ! Cependant, après quelques minutes de réflexion, j’ai trouvé la solution 40.Fb2 Dxb5 41.Fa4 Db7 (ou 41…Db6, je n’étais pas sûr) 42.Rd1! (mon Roi repart dans l’autre sens !). L’idée, c’était 42…Ca5 43.Fa3 et il me semblait que je m’en sortais pas mal ; 43…Cb3 44.Fxb3 Dxb3+ 45.Re1 suivi de 46.Rf2 et tout à l’air sous contrôle. Sur 43…Da6! qui est en fait le meilleur coup, je pensais jouer 44.Fc5, car si 44…Cb3? j’ai 45.Fc6+!, mais la machine indique 44…Tg7! qui menace à nouveau 45…Cb3 puisque a7 est protégé ; ça menace aussi 45…Tgb7 et dans tous les cas, la position blanche s’avère extrêmement périlleuse.

Ouf, il a joué le spectaculaire mais erroné 43…Dh7?, ce qui m’a tout de même causé un choc pendant une dizaine de secondes! Effectivement, mon Roi ne peut plus se réfugier à l’aile-Roi, mais il y a un antidote ! 44.Fb4! etje vais pouvoir à nouveau ramener le Roi à l’aile-Dame ; quel zigzag royal ! Après 44…Dh5+ 45.Rc1 Txb4 (forcé, la Dame noire est maintenant trop loin de son propre Roi, et si 45…Cb7? 46.Fd1 ou 46.Fc6 suivi de 47.Da2 est terminal) 46.cxb4 Cxd4, j’ai calculé une variante complètement folle ! 47.bxa5 Ce2+ 48.Rb2 c3+ 49.Dxc3 Cxc3 50.Rxc3 Ff5? 51.Tab1! Fxb1 52.Txb1, les noirs n’ont pas d’échec, je menace mat, et si 52…a6 53.Fc6+ Ra7 54.Tb7+ Ra8 55.Th7+ ; mais je me suis dit que ça n’allait pas marcher et effectivement il y a 50…Txg5!, voire 50…De2. J’ai donc préféré jouer 47.Rb2 et sur 47…Ce2, regarder les alternatives à la prise en a5 (spoiler, il y en a pas mal !).

Mais finalement, Richard a joué 47…Cab3. Je n’ai pas été extrêmement précis parce que 48.Df2! était léthal, et pas mon choix de 48.Fxb3? Cxb3 49.Df2, qui autorisait 49…Cxa1 et les noirs résistent encore (alors que sur 48.Df2! Cxa1 49.Dxd4, ils restaient avec une Tour nette de moins). Au final, j’ai quand même accroché la victoire dans une finale de Tours où j’ai pu resserrer les boulons. Ça a un peu relancé le tournoi parce qu’auparavant, Richard était seul en tête avec un point d’avance…

Il y a eu beaucoup d’autographes signés cette semaine-là… (Photo : Grenke Chess)

Rapport-Mvl, Ronde 9 : 1/2

Avant cette avant-dernière ronde, la situation du tournoi était assez simple : Richard était 2e derrière Carlsen, avec un point d’avance sur moi. Afin de lui chiper cette place et de disputer le match final contre Magnus, il était donc quasi impératif que je l’emporte avec les noirs dans cette partie.

Bien au fait de la situation, Richard a joué en conséquence une variante extrêmement solide contre la Ragozine. J’ai quand même réussi à trouver une ligne qui conserve les pièces et un peu de jeu dans la position :

Après 13…dxe4, je dois dire qu’il m’a un peu soulagé en préférant 14.Fxe4 à 14.Cxe4 ; je n’étais pas sûr de quoi faire parce que le Cavalier arrive en d6 un peu quoi qu’il arrive, par exemple 14…f5 15.Cd6! Fxd6 16.cxd6 Dxd6 17.Te1 avec une belle compensation. Et si 14…e5, je pensais à 15.Te1 (il y a peut-être aussi 15.d5 cxd5 16.Cc3, mais ce n’est pas sûr) 15…exd4 16.Cd6. 14.Fxe4 m’a donc permis d’espérer obtenir une position à peu près jouable. Après 14…e5, Richard a pris énormément de temps pour 15.Te1, parce qu’il vérifiait 15…f5? 16.Fc2 e4 17.Cxe4! fxe4 18.Txe4 que, de mon côté, j’avais éliminé d’office ! En plus de perdre du temps, il n’a pas prévu ma réponse a tempo 15…Dd8, et c’est là qu’il a commencé à avoir un petit peu peur je pense.

Ici, j’ai complètement raté la possibilité 18…Ff4!?, laissant faire 19.Dxg6+ qui perdrait toutefois la qualité après 19…Rh8, même si ça restait pas clair du tout. A la base, je voulais plutôt 18…Rg7 mais après 19.Dxd4+ Ce5, je laissais la possibilité 20.Cd5! et je me suis dit que jamais ça n’allait passer. C’est pour ça que je me suis finalement décidé pour 18…Rh7. Je savais aussi que je perdais un temps précieux, mais heureusement, Richard ne l’a pas si bien utilisé.

Il a sacrifié un pion, ce qui ne semblait pas absolument nécessaire, et quelques coups plus tard, j’ai obtenu une position dans laquelle j’avais l’impression d’avoir des chances de gain.

Ici, j’ai joué 30…Tad8?!, mais ça s’est avéré insuffisant après 31.bxc5 bxc5 32.Txc5 Txd6 33.Tcc7 et les blancs ont pu sauver le demi-point. Pourtant au début, je voulais prendre en b4, mais ça ne m’a pas semblé assez sur le coup : 30…cxb4 31.axb4 Tad8 32.Tc6 Td7 33.Txd7 (33.Tc7! de suite est en fait beaucoup plus résistant) 33…Txd7 34.Tc7 Td8 35.Txa7 et là, j’ai raté 35…Fe8! gagnant le pion d6 et sans doute la partie.

J’ai attendu tranquillement de connaître l’identité de mon adversaire pour le match du lendemain qui attribuerait les places finales. C’est finalement Keymer qui a émergé d’un tie-break à trois avec Ding Liren et Fridman.

Classement final du tournoi fermé (Image : chess-results.com)

Dans l’ensemble, les noirs ont été plutôt forts dans mon ultime match, puisqu’ils ont pris l’avantage dans trois des quatre parties !

Keymer-Mvl, match pour la 3e place, Tie-beak (4) : 0-1

Après trois nulles, ce match s’est décidé dans la quatrième partie. Grâce à 1.d4 Cf6 2.Cf3 g6 3.Cbd2 d5 4.e3 a5!?, j’ai pu éviter qu’il ne joue 5.b4, contournant plus ou moins sa préparation. C’était en outre une position qui me paraissait assez jouable pour les noirs.

Après quelques péripéties et une imprécision de ma part, j’aurais largement pu me retrouver en difficulté…

Heureusement, Vincent avait déjà dépensé pas mal de temps, et ici il a raté le fort 20.c4!, qui mettait mon centre sous grosse pression. A la place, un autre coup neutre comme 20.De2 ou 20.Cd3 aurait été possible, mais pas 20.Df3?, qui permet 20…Fh6! 21.Tc2? (21.Dd3 était moins grave) 21…Ce4! 22.Cxe4 dxe4 23.Txe4 Fxb3 et les noirs ont un net avantage. Plutôt que de laisser 24.Tb2 Fd5, Vincent est allé all in avec 24.g5 Fxg5 25.c4, qui peut paraître attrayant, mais qui ne marche pas. J’avais calculé 24.c4 immédiatement, et après 24…Fxc2 25.Dxf7+ Rh8 27.d5, le plus précis était 27…Db6 qui empêche 28.Fb2 et il n’y a pas d’attaque (mais évidemment pas 27…Fxe4?? 28.Fb2! et c’est mat). Dans la partie, après 25…Fxc2 26.Dxf7+ Rh8, il a joué 27.Tg4 Tf8 28.Dd5 Ff6 mais a abandonné peu après.

Bravo à Magnus pour une nouvelle victoire, au terme d’un incroyable match final contre Rapport !

Les parties de Maxime en Autriche :

Les parties de Maxime au tournoi Grenke :

Une des émissions les plus populaires de France, « Envoyé Spécial » consacrera le jeudi 11 avril en fin de soirée un long reportage au boom que connaît le jeu d’échecs depuis quelques années. Diffusé sur France 2, celui-ci observera le phénomène sous deux angles. Celui d’une famille de joueurs d’échecs, dont on suivra le quotidien ; et sous l’angle d’un champion, en l’occurrence Maxime, que les équipes de France 2 ont accompagné à l’entraînement, en visite au championnat de France Jeunes à Agen, ainsi que sur un tournoi du circuit professionnel à Bucarest.

https://www.france.tv/france-2/envoye-special

Maxime passé au crible

Mvl, ce sont les autres qui en parlent le mieux…

Profitant de l’actualité un peu creuse de ce début d’année, nous avons demandé à cinq de ses compatriotes, personnalités des échecs français, de nous livrer un éclairage un peu personnel sur Maxime.

Voici donc 5 thèmes, présentés par :

Eric BIRMINGHAM (MF, premier entraîneur de Maxime)

Eric Birmingham

Eloi RELANGE (GMI, Président de la Fédération Française des Echecs)

Eloi Relange

Pauline GUICHARD (GMIF, coéquipière de Maxime en club et en équipe de France – médecin gynécologue)

Pauline Guichard

Marc LLARI (CM, champion du monde U8 en 2022)

Marc Llari

Manuel AESCHLIMANN (Maire d’Asnières, ville du club de Maxime)

Manuel Aeschlimann

Ton tout premier souvenir personnel de Maxime :

Eric BIRMINGHAM

Un petit bout de chou suit pour la première fois mon cours collectif pour les jeunes à Créteil. Il lève le doigt, il propose un coup et une variante. Il a trouvé ! « Damn », me dis-je, il voit à peine au-dessus de sa table ! Le gamin n’a que cinq ans. Je lui demande son prénom ; « je m’appelle Maxime »…

Eloi RELANGE

Quand Maxime était très jeune, je ne jouais pas les mêmes compétitions que lui, donc je n’ai pas eu l’occasion de le rencontrer à ce moment-là. Mais bien sûr, j’avais entendu parler de ce petit gamin à la réputation grandissante, que la légende urbaine présentait comme un potentiel champion du monde. Quand on ne le voit pas de ses yeux, ce genre de prédiction fait toujours un peu sourire, mais elle s’est finalement avérée tout à fait juste !

Quant à la première fois où j’ai vu Maxime, c’était bien plus tard…

Pauline GUICHARD

La première fois qu’on a fait le même championnat de France Jeunes, c’était je pense en 1999. Mais mon premier véritable souvenir de lui, c’était en 2002 au championnat de France Jeunes à Hyères. Il avait 11 ans et jouait en minimes (U16) ; il était largement surclassé et il a quand même gagné cette année-là.

Maxime en 2002

Je me souviens surtout qu’il était tout petit, c’était assez marrant par rapport aux garçons de 16 ans… Et c’est là où je me suis dit : « c’est impressionnant, il est vraiment, vraiment bon ! ».

Marc LLARI

Au championnat de France Jeunes en avril 2023, alors que je me dirigeais vers l’estrade pour jouer, Maxime était en pleine séance photo dédicace juste devant l’escalier, alors on a fait une photo ensemble avant la ronde.

Manuel AESCHLIMANN

Quand nous avons demandé à Maxime de jouer pour le club d’échecs d’Asnières. Pour un si jeune club, cela paraissait un peu prétentieux de solliciter un joueur de ce niveau. Au contraire, Maxime m’a répondu avec gentillesse et humilité. J’ai compris que ça allait bien se passer.

Une anecdote personnelle avec Maxime :

Eric BIRMINGHAM

A l’occasion d’une remise de trophées à Cannes, dans le sud de la France, Maxime et moi nous baladons dans la ville ; Maxime a sept ou huit ans.


Nous nous retrouvons dans une rue commerçante plutôt chic. Je m’arrête devant une vitrine où des montres de luxe sont exposées. Le petit garçon et moi regardons les prix, et nous éclatons de rire. Malgré son très jeune âge, Maxime a les pieds bien sur terre ; il a parfaitement conscience de la valeur des choses de la vie courante. Pendant une bonne heure, nous avons regardé des bijoux, des montres, des robes etc… qui coûtaient plus cher que la voiture de son père ! (et Patrick, son papa, avait une bonne bagnole !). Pendant cette heure, malgré notre immense différence d’âge, nous étions en symbiose face à ces bizarreries de la société de consommation, et nous avons beaucoup ri.

Maxime en 2000

Eloi RELANGE

J’ai eu l’occasion de jouer plusieurs fois en blitz contre Maxime ces dernières années, et à chaque fois, j’étais archi gagnant dans la première partie ; mais je les ai évidemment toutes perdues ! J’ai le souvenir qu’il était vraiment en difficulté dans l’ouverture, contre la Philidor notamment. Mais systématiquement, il a remonté ces positions franchement désespérées. Bon ok, c’était dans un bar une fois, une autre fois chez un élu de la FFE, et une troisième fois encore ailleurs. Et puis je dois avouer que, comme toujours quand il y a un gros écart de niveau, tu donnes tout sur la première partie, lui n’est pas chaud, donc tu résistes plutôt pas mal, mais les parties suivantes, ce n’est plus du tout la même histoire !

Quant à la seule fois où j’ai joué contre Maxime en partie classique, j’avais les blancs et je m’étais préparé contre la Grünfeld, puisqu’à l’époque, il ne jouait que ça (Championnat de France par équipes 2012). Donc j’avais cherché des variantes particulièrement solides et au final, il m’avait joué une Ouest-Indienne ! J’étais très content, je me disais qu’il ne connaîtrait pas si bien ce genre de position et en plus, j’avais de bons résultats dans cette variante. Mais en fait, il a gratté petit à petit l’avantage et je n’ai rien pu faire. Bilan, l’ouverture blanche solide et anodine m’a donné une position complètement désespérée au 36e coup, dans laquelle j’ai perdu au temps.

La partie :

Pauline GUICHARD

En fait, les rares fois où j’ai joué contre Maxime, c’était lors de soirées ! Mais je me souviens de l’avoir battu dans la première, ou une des toutes premières parties, même si je dois avouer qu’il jouait toujours avec 30 secondes et moi 3 minutes ! Mais je préfère garder le simple souvenir d’avoir déjà battu Maxime une fois…

Marc LLARI

Durant le championnat du monde rapide par équipes à Düsseldorf (août 2023), le dernier jour, nous sommes allés au restaurant avec toute l’équipe.


J’étais en face de Maxime et il m’a proposé une énigme avec un lapin caché dans une boîte contenant 6 cages. Je devais proposer la cage où se cachait le lapin et le trouver en un minimum de coups. Ca m’a fait réfléchir pendant tout le repas !

Manuel AESCHLIMANN

A chaque fois que Maxime participe à un événement sur Asnières et qu’il y a de la presse, les médias me demandent toujours de jouer quelques coups contre lui sur un échiquier, histoire de filmer l’échange. C’est frustrant de s’arrêter une fois la prise faite, au bout d’une dizaine de coups. Cela doit faire la sixième ou septième partie inachevée que nous jouons ainsi. Cela dit, j’ai une petite idée de la façon dont ça se terminerait si nous allions au bout…

Une partie ou un moment de sa carrière qui t’a marqué :

Eric BIRMINGHAM

En 2009, Maxime a joué une Najdorf à Bienne face à Alexander Morozevitch. Cette partie est folle. Je n’ai rien compris à l’époque (ça ne m’a pas empêché de la montrer en cours à mes élèves… Mon Dieu, je suis un escroc !). J’ai revu la partie avant d’écrire ces lignes. Je ne comprends toujours rien. (ce jeu est vraiment trop difficile). Je n’ai jamais demandé à Maxime : « S’il y avait eu un contrôle anti-dopage après cette partie, aurait-il été positif ? ».

La partie :

Eloi RELANGE

J’ai deux moments marquants qui me viennent à l’esprit. Le premier, c’est quand il a battu Naiditsch dans un match de Championnat de France par équipes Evry-Clichy, en 2009. Je ne jouais pas ce match et j’ai pu assister à cette Najdorf fantastique remportée contre un Naiditsch au top de sa forme à cette époque, et très dur à jouer avec les blancs (2700, #31 mondial en 2009). Et Maxime le bat avec les noirs comme si c’était un touriste !

La partie :

Comme sans doute beaucoup, j’ai aussi en mémoire la finale du championnat du monde de Blitz 2021 contre Duda, que j’ai regardée en famille à la maison !

La partie :


Avec mes trois enfants qui sautaient en criant « Maxime, Maxime ! » ; donc, mis à part la performance exceptionnelle de ce premier titre de champion du monde pour un français, ça a été aussi pour moi un moment familial extrêmement sympa !

Pauline GUICHARD

Sans hésiter pour moi, c’est son titre de champion du monde de Blitz en 2021 à Varsovie. Je n’étais pas présente en Pologne cette année-là parce que j’avais trop de travail au cabinet à l’époque. Mais je me souviens très bien que je n’avais pas pu suivre la fin du tournoi car j’étais au cinéma avec des amis à ce moment-là ; il restait 5 ou 6 rondes et j’avais dû couper mon téléphone. En le rallumant à la fin du film, j’ai vu qu’il venait juste de battre Carlsen, et qu’il était en train de commencer les blitz de départage contre Duda !

La partie :

Je les ai donc suivis avec mes amis qui n’étaient pas du tout joueurs d’échecs, et qui ne comprenaient pas trop mon excitation du moment ! Je ne me souviens plus du tout du film que j’ai vu, mais je me rappelle avoir ressenti une grosse émotion quand Maxime a gagné ; j’étais vraiment super contente pour lui…

Marc LLARI

Sa victoire en Blitz contre Magnus Carlsen au Championnat du monde de Blitz 2023, quand Maxime a envoyé 5 pions contre 2 sur l’aile-Dame en finale !

La partie :

Manuel AESCHLIMANN

Je ne suis pas très original, mais je dirai que c’est son titre de champion du monde de Blitz. Au-delà des analyses échiquéennes relatant son remarquable parcours, c’est surtout la reconnaissance et les retombées médiatiques auprès du grand public qui m’ont marqué. Le jeu d’échecs est soudain redevenu populaire dans notre pays. Une consécration bien méritée. 

Imagine ce que fera Maxime après sa carrière :

Eric BIRMINGHAM

MVL est un immense champion, il est peut-être le plus fabuleux calculateur sur notre planète. Mais Maxime est aussi un chic type, très sociable, il a bon cœur. Je l’imagine patron d’un grand restaurant (il aime la bonne bouffe), il irait de table en table avec un mot gentil pour chacun. De temps à autre, un client lui parlerait de Carlsen ou de Nakamura. Et notre Tartarin des 64 cases raconterait une histoire ou deux. Mais, à la différence du héros de Daudet, tout ce que dirait le vieux champion serait vrai !

Eloi RELANGE

Déjà, j’imagine qu’il ne fera pas ce que fait Kramnik, à savoir se focaliser sur la triche aux échecs avec des statistiques discutables !

Je ne le vois pas non plus président de la fédération, car ça ne me paraît pas être très prometteur pour lui ; même si je pense qu’il ferait un très bon président parce qu’il a quand même une bonne lecture des choses, ainsi qu’une incarnation très forte. Et j’ai du mal à l’imaginer en dehors des échecs… Peut-être dans le conseil en stratégie pour des cabinets, mais je ne suis pas convaincu qu’il s’y plairait.

Pauline GUICHARD

Maxime est un grand fan de jeux et de sports, donc je le verrais bien commentateur sportif, plutôt spécialisé en basket NBA. Ou alors, dans le domaine du foot, speaker de l’Olympique Lyonnais au Groupama Stadium 😊.

Groupama Stadium – Lyon

Marc LLARI

Chasseur de sangliers – Tailleur de pierres – Eleveur de coccinelles ?

Ou alors programmeur en Intelligence Artificielle pour les moteurs d’analyse d’échecs !

Manuel AESCHLIMANN

D’abord, j’imagine et j’espère que l’« après-carrière » n’est pas près d’être à l’ordre du jour. Maxime a encore plein de victoires à décrocher, et de beaux challenges l’attendent pour de longues années.

Toutefois, un jour, je le vois bien influenceur web sur les nouvelles technologies, avec son flegme et son humour à froid. Il ferait merveille. 

Bonus :

Dévoile une facette méconnue de la personnalité de Maxime ou trouve une blague qui pourrait le faire rire

Eric BIRMINGHAM

Les gens ont oublié : adolescent, Maxime était terriblement timide. Il a réussi à gommer ce défaut relativement vite. Sous une apparence quelque peu débonnaire, le gentil garçon possède une volonté d’acier.

Eloi RELANGE

Une facette intéressante de la personnalité de Maxime, c’est le fait qu’il soit extrêmement souriant, sympa, accessible mais qu’en réalité, dans les discussions, il marque toujours un temps d’arrêt pour livrer une réponse en profondeur. En fait, il va vraiment chercher plus loin que la petite réplique évidente, et c’est ce qui tranche avec son côté super chaleureux que voient et ressentent tous ceux qui l’approchent. Je trouve ce paradoxe assez marrant.

Pauline GUICHARD

Je ne sais pas si c’est un aspect méconnu de sa personnalité et peut-être les gens s’en doutent-ils ?

Les échecs sont plutôt perçus comme un sport individuel, mais en réalité, il y a beaucoup de compétitions par équipes. Et ce que je trouve impressionnant chez Maxime, c’est son esprit d’équipe. Parmi les Top joueurs que je connais, et notamment les Français, c’est le seul qui ait autant cet état d’esprit. Il est toujours à fond, que ce soit en équipe de France ou avec Asnières. C’est vraiment un leader et un moteur. Et ce que je trouve bien, c’est que souvent il a une grosse pression parce qu’on attend des résultats de sa part et que, pour autant que je me souvienne, il répond quasiment toujours présent !

Marc LLARI

Je n’ai pas de blague mais j’ai une devinette pour me venger de l’énigme qu’il m’a posée à Düsseldorf !

Pourquoi les lapins ne jouent-ils qu’avec 39 cartes, et non 52 ?
Parce qu’ils mangent les trèfles !


L’énigme posée par Maxime : un lapin se déplace le long d’un couloir de 6 pièces, qui ont chacune leur porte. A chaque tour, vous avez le droit d’ouvrir une porte pour découvrir le lapin. Si vous ne l’avez pas découvert, et une fois la porte refermée, le lapin se déplace d’une pièce, vers la droite ou vers la gauche (bien entendu, s’il est est au bout du couloir, il ne peut plus se déplacer que dans une seule direction au prochain tour). En combien de tours au minimum pouvez-vous découvrir de façon certaine le lapin ?

Manuel AESCHLIMANN

Blague nulle :

J’ai offert un frigo en cadeau à ma fille pour son anniversaire. J’ai hâte de voir son visage s’illuminer quand elle l’ouvrira.

MVL homme de parole(s)

Mvl chez Blitzstream

En ce début d’année 2024, Maxime a eu l’occasion de revenir longuement sur certains sujets d’actualité du monde des échecs.

En français sur la chaîne Blitzstream, et en anglais dans le podcast de Fabiano Caruana. Le format du cycle de championnat du monde, le Champions Chess Tour, l’avenir des parties classiques, la proposition de nulle, la gestion des nerfs et de la pendule à haut niveau, ainsi que de nombreux autres sujets et anecdotes sont au programme de ces deux (longues) émissions.

En français :

En anglais :

40 jours en Amérique du Nordl

North america

Je suis arrivé en avance aux Etats-Unis, où j’ai passé quelques jours à donner des simultanées dans la région de New-York, avant de rejoindre Saint Louis, où j’ai eu le temps de prendre mes marques avant le traditionnel Rapide et Blitz et la Sinquefield Cup qui lui succède. Le plateau était assez familier, à ceci près que dans le rapide et blitz il y avait quelques joueurs américains qui n’ont pas tellement l’occasion de disputer ce type de tournoi, notamment Sam Sevian, Ray Robson et Le Quang Liem (qui est vietnamien, mais qui habite aux États Unis). C’était sympa, le plateau était un peu plus varié que d’habitude, il ressemblait plutôt à celui du championnat US.

Dans le tournoi rapide, j’ai terminé invaincu (8 nulles et une victoire), ce qui est peut-être une première pour moi sur un rapide en 9 rondes ! Malgré tout, il y a eu quelques occasions ratées, et des parties un peu chaudes qui auraient pu tourner d’un côté ou de l’autre.

En blitz, j’ai réalisé une très bonne première journée et une très mauvaise seconde, pour finalement terminer 2e derrière Caruana. Cette 2e place ne me satisfaisait pas sur le moment, mais c’était malgré tout une bonne opération comptable dans l’optique de la qualification pour le Grand Chess Tour de l’année prochaine (les trois premiers sont automatiquement qualifiés). Opération validée ensuite lors de la Sinquefield Cup avec 8 nulles (suite au forfait de Duda après la 1re ronde). Un tournoi un peu sans relief, je l’avoue, mais il était important d’assurer la qualification avant toute chose, et chaque nulle m’en rapprochait un peu plus.

Grâce à un bon concours de circonstances et des résultats favorables, j’ai même pris la deuxième place au classement final du Grand Chess Tour.

Après quelques jours de repos en Floride, direction Toronto pour la finale du Champions Chess Tour, avec un plateau de huit joueurs très impressionnant et très relevé. Le format était de 2 parties rapides avec un éventuel Armageddon, qui ne laissait guère de place à l’erreur. Pour schématiser, ma prestation d’ensemble a été assez horrible, renforcée par le fait que sur les Armageddon, j’ai cumulé un total famélique de 1/6, pour une 6e place finale (sur 8).

Voici quelques séquences intéressantes dans mes parties sur le continent américain :

Rapide et blitz St-Louis

Mvl – So (Blitz, ronde 7) : 1-0

Une anti-Marshall que j’avais jouée au Grand Swiss contre Durarbayli, avec l’idée 16.h4 qui était un peu nouvelle. Ce n’est pas forcément le meilleur coup, mais c’est du blitz et ça pose des questions aux noirs.

L’important pour moi était de conserver l’initiative, ce que j’ai réussi à faire à l’aile-Roi.

L’ordinateur n’est pas convaincu, car les noirs ont un pion de plus, la paire de Fous et le pion c4 passé, mais en pratique ce n’est vraiment pas facile.

Certes, les noirs ont objectivement l’ascendant, avec de meilleures possibilités, mais j’étais en confiance car ça reste très complexe et que je jouais bien ce jour-là. Donc, j’étais prêt à prendre plus de risques et ça s’est vu dans le jeu.

Ici, 28…Td8? laisse aux blancs la possibilité de jouer 29.Cf5 Ff8 30.Dc1. Après 30…Fc8 31.Dg5 f6, j’ai senti qu’il y avait quelque chose mais je n’ai vu que le perpétuel pendant un moment, puis au bout de 30 secondes, j’ai eu l’éclair ! 32.Ch6+ Rh8 33.Ce5! Td7 (la meilleure défense) 34.Cef7+ Txf7 35.Cxf7+ Rg8 36.Ch6+ (j’ai hésité un moment avec 36.Dh4 Rxf7 37.e5 qui était tentant également) 36…Rh8 37.Df4! gxh6 38.Dxf6+.

Ici, Wesley a joué le normal 38…Fg7? 39.Dd8+ Df8 40.Dxc7 Fg4 et j’aurais pu conclure par 41.f3! Fd4+ 42.Rh1 sans craindre 42…Fxf3+ 43.gxf3 Dxf3+ 44.Tg2 et la Dame noire n’aura qu’un ou deux échecs de consolation. Mais j’ai joué 41.Te3? qui autorisait 41…Fd4! 42.e5 Cd7 43.e6 Fxe3 44.fxe3 Cf6 que j’avais évalué comme gagnant dans ma tête, mais qui en réalité dilapide l’avantage, comme l’indique le 0.00 de la machine ! Heureusement dans la partie, j’ai pu avancer mon pion e après 41…Cd7? 42.e5 Df4 43.Dd8+ Cf8 44.e6 Fh5 45.e7 1-0, et enregistrer une victoire de haut vol pour un blitz !

Mais l’histoire n’est pas terminée car il y avait une nulle sortie de nulle part pour les noirs après dans la position du diagramme : après 38…Rg8 39.Te3 Fg4! et je n’aurais pas pu utiliser la colonne g car il y a toujours …h5.

Dans la 2e journée de blitz, je n’ai remporté qu’une seule victoire, contre Alireza, et j’ai même tremblé malgré une pièce de plus et 2 minutes contre 10 secondes à la pendule ! Avant la dernière ronde, un peu par miracle j’avoue, je me trouvais juste un demi-point derrière Fabiano ; les calculs étaient donc faciles 😊.

En mode décontracté avec les copains ! (Image : GCT).
En mode décontracté avec les copains ! (Image : GCT).

Caruana – Mvl (Blitz, ronde 18) : ½

Il fallait que je gagne avec les noirs pour remporter le tournoi (et une nulle suffisait évidemment à Fabiano) ; mais je devais aussi faire attention à ne pas perdre, pour ne pas risquer ma place sur le podium du Grand Chess Tour ! Donc, rester à tout moment en capacité de faire nulle. Dans un Gambit Dame accepté obtenu après un drôle d’ordre de coups, il n’a pas échangé les Dames, ce qu’il aurait pu faire assez tôt et lui aurait peut-être évité quelques soucis. J’ai réussi à implanter mes pièces, mais je n’avais pas de façon évidente de progresser. Malgré tout, j’ai bien poussé et réussi à gagner un pion. Mais dans cette finale, jouant quasiment sur l’incrément, nous avons tous les deux commis des erreurs, mais c’est moi qui ai fait la dernière !

Ici, 56.Ta7+ Rg6 57.Te7 conservait le pion et devait permettre d’annuler, mais Fabiano a paniqué et a joué 56.e5? fxe5 57.Fd2. Ici, je voulais jouer 57…Th3, mais pour une raison qui m’échappe j’ai décidé d’aller en e2 et au moment où j’ai lâché la pièce, je me suis rendu compte que ma Tour était enfermée après 57…Te2? 58.Rd3.

Du coup, Fabiano a annulé cette partie et remporté le tournoi.

Sinquefield Cup

Giri – Mvl (ronde 4) : ½

Anish réussit à me surprendre sur une variante spécifique (7.Te1) du Gambit Dame accepté. Comme il me l’a dit après la partie, il a passé énormément de temps sur cette position sans espérer qu’elle arrive sur l’échiquier, mais en se disant que dans l’éventualité où elle surviendrait, il puisse mettre le maximum de pression.

Il espérait que je ne trouve pas 18…Tc7, qui était un coup vraiment important pour reprendre le contrôle de la colonne c, sans quoi à terme son cavalier arrivait en c5. Avec la Tour blanche en c1, ma Ta7 n’aurait pas trop eu d’avenir, par exemple 18…Td8?! 19.Fe4 Rf7 20.Tac1 suivi de 21.Cb3 et ça devient très compliqué à défendre.

Anish était toujours dans sa préparation après 19.h3 Ch6 20.Fxe6 Fxe6 21.Cd4 Tc6 22.Cxc6+ Cxc6 23.Tac1 Tc8. La difficulté dans ces préparations monstres, on le sait, c’est de se souvenir de tout. Ici il savait qu’il y avait f4. Il a regardé superficiellement le coup 24.f4? sur l’échiquier, il n’a pas vu de problème et il l’a joué ; certes, ça semble empêcher 24…Cf5 à cause de 25.g4 et 26.f5. Il s’est dit que je devrais alors bouger mon Roi, mais en f7 il y a 25.Ce4 qui vise d6, et si je dois jouer 24…f5, alors car mon Ch6 se retrouve hors-jeu. Sauf que j’avais prévu que 24…Cf5! est en fait possible car si 25.g4 Cfd4 26.f5, j’ai la contre-pointe 26…Ce5! et sur 27.fxe6? Txc1!.

Ce dont il ne s’est pas souvenu, c’est qu’il fallait faire précéder f4 de 24.Tc5! Cf7 et seulement maintenant 25.f4, avec un bel avantage blanc.

Par la suite, j’ai vu toutes les possibilités qu’il avait de faire nulle et il n’en a choisi aucune. Je crois qu’il continuait à penser qu’il était mieux, et voulait accroître la pression. Assez surpris, je joue ce qui me semble être les coups logiques, et je commence à me dire que j’ai pas mal d’initiative !

J’ai vu qu’il pouvait encore forcer la nulle (par exemple par 30.Cf3 qui doit suffire), mais il ne l’a pas fait pas et a choisi 30.Ce4. Je commençais à me dire que j’allais peut-être avoir de vraies chances de gain 😊.

Après 30…C8c6 31.Txa6?, j’ai vu que 31…Fd5 était un coup, mais je me suis dit que j’avais le temps et j’ai préféré 31…Txb2?. Après 31…Fd5!, je savais que j’étais mieux mais je ne pensais pas du tout être gagnant. Pour moi, Anish cherchait encore le gain puisqu’il aurait déjà pu forcer la nulle à trois ou quatre reprises. En fait, comme il était passé à côté de beaucoup de mes coups depuis 24…Cf5, il était terrorisé de voir toutes mes pièces débouler et mon attaque devenir hyper forte. De mon côté, je voyais bien que j’avais une attaque, mais qu’il ne me restait que deux pions sur l’échiquier 😊. Certes de mes pièces se coordonnent bien, certes, mais je me disais qu’au pire, il pourrait donner une pièce et faire nulle ; donc autant prendre d’abord le pion b2… Mais en fait, je n’ai compris qu’après la partie à quel point le coup 31…Fd5! était crucial, et permettait à l’attaque de percer en force ; je menace 32…Ce2+, mais aussi …f5 ou …Rf5 selon les cas.

Après 31…Txb2?, Anish a beaucoup réfléchi et a trouvé la séquence 32.f5+! Fxf5 33.Cd6, et au lieu de continuer à mettre la pression par 33…Fd3 ou 33…Fd7, j’ai joué 33…Fxh3+?! un peu vite. Mon idée était qu’après 34.gxh3 Cf3+ 35.Rf1 Ch2+ 36.Rg1, je jouais 36…Cd4. Malheureusement, je me suis rendu compte trop tard qu’après 37.Te3 Cdf3+ 38.Rh1, il n’y avait plus rien ! Du coup, j’ai répété la position et accepté la nulle.

Une partie en queue de poisson, ce qui est encore plus évident après l’avoir analysée en détail…

Classement final du Grand Chess Tour 2023 (image : GCT).
Classement final du Grand Chess Tour 2023 (image : GCT).

Toronto, Finale du Champions Chess Tour 2023

Mvl – So (Armageddon, ronde 3) : ½

Entre les parties, on n’avait pas de temps, et de toute façon pas d’accès aux ordinateurs, donc la préparation était très limitée 😊. Dans ce départage, j’ai décidé de jouer 1.c4 au feeling. Je pense avoir plutôt bien négocié l’ouverture et avoir obtenu une position jouable. De plus, Wesley n’avait pas beaucoup de temps à la pendule (il avait enchéri moins de 9’ contre 15), donc je pensais avoir de bonnes chances. Puis j’ai oublié une séquence de deux coups pour les noirs après quoi je me suis immédiatement retrouvé en difficulté. Malgré tout j’ai trouvé des ressources et suis parvenu à la position suivante :

Ici, j’étais assez content car je menace 25.Fxg7 ainsi que 25.a4. Et là, il joue 24…f6? et je passe tout mon temps sur 25.Fxf6 gxf6 26.Cf4, que je n’arrive pas à faire marcher. Et j’oublie que 25.a4! est une possibilité ; option qui était quasi gagnante d’ailleurs après 25…Dc4 (25…Db3 26.Cc5) 26.Cf4 Db3 et maintenant 27.Fxf6!. Je suis alors reparti sur 25.Fxf6? gxf6 26.Dxf6 après une assez longue réflexion, et j’ai finalement joué cette ligne. Malheureusement, j’ai oublié qu’après 26…Df5 27.Dxh6, il y a 27…Fc3! qui colmate tout, et mon attaque patauge.

Un peu par miracle, Wesley m’a laissé quelques petites chances pratiques avec Tour, Cavalier et 3 pions contre Dame et Tour, qui est évidemment complètement perdant objectivement.

Mais c’est un Armaggedon et il n’y a aucun rajout de temps avant le 61e coup, et c’est seulement une seconde à partir de là. Petit à petit je suis parvenu à m’organiser, à lâcher mes pions. Je les ai poussés aussi loin que possible, même si mon Roi est devenu un peu vulnérable. J’ai senti qu’il n’était pas très serein. Mais c’est trop dur de créer des vraies menaces avec ce matériel, et j’ai fait vraiment ce que j’ai pu au vu des circonstances.

Ici, il a trouvé 73…Txg4 74.Rxg4 Dg6+ pour arrêter mon avalanche de pions et garantir la nulle.

Cette partie, et encore plus celle d’avant que j’ai perdue avec les blancs alors qu’il me suffisait de faire nulle, m’ont mis un coup sur la tête, et sans doute été un tournant dans le tournoi.

Mvl – Nakamura (Armageddon, tableau des perdants)

Ensuite, j’ai eu ma dernière chance contre Nakamura. On a répété ce qu’on avait joué dans le premier Armageddon dans la phase de poules. Je ne me rappelais malheureusement plus des détails, car je pensais qu’il se reporterait sur une autre ligne. Le début de partie a été raté de ma part…

Ici, j’ai pensé à 21.b3, qui ne me satisfaisait pas. Du coup j’ai joué 21.a4, mais j’ai vu immédiatement que 21…c6! pouvait être très fort. Après 22.b3, il avait le coup 22…Fb4+! 23.c3 Dxb3 24.cxb4 Fc8!. Une pointe pas si cachée objectivement, même si ce genre de coup de retrait diagonal est toujours difficile ; en tout cas, ça a été raté par nous deux 😊.
Après 22…Fg7? 23.Tb1? (23.c3 d’abord était impératif, il ne faut pas laisser la case d4 au Fou noir) 23…The8 24.Dc4, par miracle, il a joué 24…Da5+? un peu vite, qui me laisse une énorme chance (24…Fd4! était extrêmement fort, avec l’idée 25…Fe3+). Après 25.b4!, je me suis retrouvé soudainement mieux. Ensuite j’ai raté quelques options sans doute supérieures, mais tout de même obtenu la belle position suivante :

J’ai joué ici 30.Ta1? a tempo parce que c’était le coup que j’avais prévu. Evidemment, sur 30…Dxe4? j’ai 31.Txb5+ Ra8 32.Txa7+ et je mate L’idée était également que s’il échangeait en c3, je reprenais du Cavalier et récupérais b5. Mais j’ai raté son excellent 30…Td5! 31.Da5?? et même si on a tous les deux raté le mat en 6 qui suit 31…Txd3+!, il a joué 31…Td7, a tout maîtrisé et forcé la nulle depuis une position de force. Dommage que je n’ai pas pris le temps de trouver le simple 30.Dxe5+! Txe5 31.Cf6 Txe1 32.Txb5+ Rc7 33.Rxe1 suivi de 34.Txg5 avec une finale complètement gagnante, ce qui m’aurait permis d’avoir une autre chance dans le tournoi…

De toute façon, vu mon niveau de jeu, même si j’avais gagné cette partie, ça aurait été plus un sursis qu’autre chose (même si on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise 😊). Mais ça fait mal quand même. Cette partie est à l’image de ma performance dans le tournoi, une assez mauvaise gestion du temps pendant tout le tournoi, où j’ai vraiment joué trop vite, et des difficultés dans les parties Armageddon qui étaient flagrantes.

Cette année 2023 a été mauvaise d’un point de vue comptable car j’espérais un rebond au classement Elo qui ne s’est pas concrétisé.

Du point de vue des titres, j’ai remporté l’AI Cup et le Tata Steel India en rapide, ce qui constitue quand même une assez grosse performance, tout comme mes 3 victoires contre Magnus Carlsen.

Pour le reste, en parties longues, ça a manqué de tournoi référence ; la coupe du Monde s’est arrêtée trop tôt. Et concernant les 2 tournois classiques du Grand Chess Tour (Bucarest et Sinquefield Cup), le bilan est assez neutre dans l’ensemble, avec beaucoup de nulles (+1, -1, =15).

Mais pas mal de choses ont été faites en 2023, et si ça a parfois mal tourné, je suis assez optimiste pour l’année prochaine malgré tout. En dehors des Ligues, je vais avoir du temps sans tournoi majeur entre janvier et avril, ce qui me permettra de travailler sur ce que je dois encore améliorer afin d’être vraiment fin prêt pour une grosse saison 2024.

Prochaine échéance, le championnat du monde Rapide & Blitz, qui se déroulera du 26 au 30 décembre à Samarcande (Ouzbékistan). Je compte encore beaucoup sur ce dernier événement de l’année 2023, alors rendez-vous dans le prochain épisode 😊.

Les parties de Maxime à la Sinquefield Cup :

Les parties de Maxime en rapide à St Louis :

Les parties de Maxime en blitz à St Louis :

Les parties de Maxime au Champions Chess Tour :


Communiqué de Maxime Vachier-Lagrave :

Disons-le franchement : la série de mini-matches organisés à Chartres à la dernière minute, sur mesure, pour Alireza (Firoujza), dans l’objectif avoué de le qualifier aux Candidats, ne correspond pas à mes valeurs sportives. Cependant, je m’interroge sur le tollé que cela provoque alors que des tournois similaires ont été mis sur pied afin de favoriser la qualification d’autres joueurs aux Candidats – et parfois avec succès – sans provoquer de tels remous, et même sans aucune réaction des plus hautes instances. Des suspicions de parties arrangées ont même éclaté, mais comme pour les accusations de triche, il faudrait disposer d’éléments probants pour les étayer. Bien sûr, je compte sur Laurent Freyd, l’arbitre sur place, et sur les différentes instances, pour vérifier que les parties disputées à Chartres respectent l’intégrité du jeu.
A mon sens, cette situation désagréable résulte avant tout d’une grave erreur de la FIDE dans la construction et le libellé de ses règlements. Ce sont ces lacunes qui offrent aux joueurs la possibilité d’exploiter des failles, et il conviendra de résoudre au plus vite ce problème dans la perspective du prochain cycle de championnat du monde.

Sans revenir sur les voies de qualification aux Candidats, il ferait sens de prendre en compte la performance Elo de l’année plutôt que le classement Elo à un instant T, ou que la moyenne Elo de l’année qui est mathématiquement injuste ; j’étais déjà intervenu en ce sens par le passé. Bien sûr, il conviendrait alors d’imposer des règles claires permettant aux tournois d’être pris en compte pour le calcul de cette performance Elo annuelle, qui serait par exemple un calendrier de tournois fixé au début de l’année ; avec peut-être la possibilité d’ajouter des compétitions jusqu’à 3 mois avant la fin de l’année, sur dérogation.

A noter que ceci n’affecterait en rien le calcul du classement Elo en vigueur.

Depuis de nombreuses années, à chaque cycle de qualification, nous voyons les règles modifiées et les polémiques s’accumuler. Cela doit cesser et à mon avis, la création d’une commission spéciale qui examinerait de très près les méthodes de qualification pour les Candidats ne serait certainement pas un luxe, mais bien plutôt une nécessité imposée par les circonstances.

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