Dortmund : le bilan

MVL Dortmund

Après mes nulles des rondes 1 et 2, et une première journée de repos bien remplie (voir encadré ci-dessous), j’avais évidemment dans l’idée de profiter des deux blancs de suite qui m’attendaient. Contre la défense Française de Bluebaum, je dois gérer une situation pleine de subtilités dans les ordres de coups. Je ne la maîtrise pas au mieux, et je me retrouve à jouer g4, pas spécialement une bonne idée ; je suis rapidement neutralisé, et mon adversaire annule sans difficulté. Le lendemain contre Wang Yue, pas de surprise, c’est une Petroff, la nouvelle marotte des Chinois ! Je suis bien dans ma prépa, et au 9e coup, je sais que je peux garantir un très léger avantage avec 9.Cc3 ; mais je choisis quand même 9.Df3, qui permet certes aux noirs d’égaliser, mais uniquement en choisissant une suite très précise de coups. Pas de chance, Wang la déroule, et transpose dans une finale égale…

Kramnik résiste

Le surlendemain, c’est avec les noirs face à Kramnik que j’aborde le sprint final des 3 dernières rondes. Je savais que je pouvais m’attendre à n’importe quoi dans n’importe quelle position, et je n’ai donc quasiment pas préparé cette partie (voir encadré ci-dessous – bis !). Je pense que j’ai bien joué l’ouverture, notamment avec …a5, puis …Te8 et …Cc6, obtenant une position dynamique. Malheureusement, je n’ai jamais pu menacer de prendre son Fou enfermé en f4 dans des conditions idéales. Je ne pensais pas pouvoir gagner malgré la pièce en plus pour deux pions, le centre de pions blancs étant trop solide. Du coup, j’ai sacrifié la Tour en e3, sachant que je ne prenais pas le risque de perdre. Mais Vladimir a trouvé la bonne série de coups de défense et après le 40e, la partie s’est orientée vers une nulle forcée. Juste après, j’avais le sentiment d’avoir raté quelque chose, mais l’analyse a montré qu’il n’en était rien.

Une petite séance d’autographes avec « big Vlad »
Une petite séance d’autographes avec « big Vlad » | Photo : Georgios Souleidis [ Dortmund Sparkassen
Ronde 6 : contre la Caro-Kann de Fedoseev, l’ouverture semble bizarre, mais il y a énormément de subtilités qui restent immergées. Le jeune russe était d’ailleurs accompagné du théoricien et ancien champion du monde FIDE Alexander Khalifman, qui aurait tout aussi bien pu passer incognito, tant son visage imberbe le rendait méconnaissable ! J’obtiens tout de même une position un peu plus agréable à jouer dans le milieu de jeu, jusqu’à ce qu’il commette la faute 24…e5?. Je pensais gagner en ligne après le gain du pion e5 et la longue suite tactique en conséquence. J’aurais peut-être dû prendre le temps de comprendre clairement qu’au lieu de 39.Fc5?, l’entrée en jeu du Roi par h2-g3 aurait sans doute garanti le gain. J’avais vu sa petite astuce tactique 39…Fe5+!, mais j’avais cru à tort que je gagnerais le pion c6 en force. La suite de la finale reste supérieure pour moi, mais pas suffisamment pour espérer gagner sur un jeu précis.

Il a fallu resserrer les boulons

6 nulles de suite et la perspective d’une dernière ronde avec les noirs… Que faire ? Heureusement, Andreikin avait préparé une suite baroque, mais agressive, contre ma Sicilienne. J’ai joué le jeu et j’ai immédiatement choisi de prendre des risques et de sacrifier un pion. Risque payant puisqu’après que mon pion arrive en d3, j’étais sûr d’avoir assez de contre-jeu. Du coup, j’ai pu mettre une pression continue, au temps comme sur l’échiquier, jusqu’à ce qu’il craque avec le coup perdant 31.g4?. A la fin avec une tour en plus, il a quand même fallu resserrer les boulons car les pions blancs étaient avancés et accompagnés du Roi ! Ce n’était pas aussi trivial que ça en avait l’air…
Mon bilan du tournoi est mitigé, avec tout de même une bonne deuxième moitié. Il y aura quelques corrections à apporter sur certaines ouvertures blanches, car dans quelques jours à Saint-Louis, pour la Sinquefield Cup, il est clair que les participants la joueront plus serré…
Départ pour les USA dimanche 30 juillet, première ronde le mercredi 2 août à 20h, heure française !

[otw_shortcode_quote border= »bordered » border_style= »bordered » background_pattern= »otw-pattern-1″]D’allemagne (https://www.youtube.com/watch?v=PaBoKBMTnHA)
Dortmund n’est pas une ville particulièrement animée pour les visiteurs, et les organisateurs avaient prévu 2 journées de repos pour seulement 7 rondes. Et contrairement à d’autres tournois, à Dortmund, repos, c’est repos ! Pas d’exhibition, pas de visite touristique, pas de de jeux fermiers, rien… Du coup, binge watching dans la chambre d’hôtel : les 21 épisodes de la série Designated survivor, saison 1, soit 14 heures de visionnage en 2 journées ![/otw_shortcode_quote]

Site officiel : https://www.sparkassen-chess-meeting.de
Les parties de Maxime :

Dortmund : Ca démarre en douceur

Dortmund Sparkassen

Au moment même où démarrait le Sparkassen Chess Meeting de Dortmund, le 3e tournoi du Grand-Prix FIDE 2017 s’achevait à Genève. Concentré sur sa difficile partie de la première ronde contre le Polonais Wojtaszek, Maxime n’a pas pu suivre les évolutions en tête de classement à Genève, et notamment les parties décisives Nepo-Radjabov et Giri-Grischuk. De toute façon, ce n’est pas avec un échiquier, mais plutôt avec une calculette qu’il fallait aborder le problème ! Et même armé de ce matériel, et une fois les parties terminées, rien n’apparaît encore clairement, hormis les points suivants ; avant le dernier tournoi de Palma de Majorque (novembre), seuls 5 des 24 participants peuvent encore mathématiquement prétendre à une des deux places qualificatives pour le Tournoi des Candidats. Le débat est donc circonscrit aux seuls Mamedyarov, Grischuk, Radjabov, Ding Liren et Maxime. Les autres sont out, y compris les Top Ten que sont Nakamura, Giri ou Aronian.

Il faudra faire 1 ou 2…

Pour Maxime, les choses sont également clarifiées ; il lui faudra gagner le tournoi de Palma pour garantir sa qualification. Une deuxième place seul le qualifierait à 99%. En cas de deuxième place ex-aequo, on revient à la variante calculette ! Et au-delà, les carottes sont cuites…En d’autres termes, il faudra vraisemblablement faire +3, ou +2 sous conditions. Evidemment, tout serait encore plus simple si Maxime se hissait en finale de la Coupe du Monde (Tbilissi, septembre), car il pourrait alors remiser sa calculette au placard et partir pour les Baléares l’esprit libéré ! Mais avant de pouvoir se livrer à toutes ces considérations sur son avenir dans la soirée du samedi 15 juillet, Maxime aura dû passer son après-midi à sauver cette position compromise face au redoutable théoricien Wojtaszek ; et ce après avoir été contraint de sacrifier un pion dès l’ouverture, dans des conditions pas forcément optimales.
Au plus haut niveau, il n’est jamais facile de s’imposer avec les noirs, y compris contre un adversaire moins bien classé qui a décidé qu’une nulle lui convenait. C’était clairement l’état d’esprit de l’Allemand Nisipeanu lors de la 2e ronde contre Maxime.

Federer encore plus expéditif

Certes, le GMI d’origine roumaine eut la délicatesse d’imposer cette nulle le jour où Roger Federer jouait, pour l’Histoire, un 8e titre à Wimbledon. Une finale sur gazon programmée exactement à la même heure que la partie. A n’en pas douter, Maxime aurait bien fait contre mauvaise fortune, bon coeur… Malheureusement, le tennisman suisse s’est montré encore plus expéditif que lui dans cette finale, l’emportant en trois sets sec. Et Maxime est donc arrivé devant son écran juste après la fin !
Il n’y a que 7 rondes à Dortmund, mais deux journées de repos sont programmées après les rondes 2 et 4.
Lors de la 3e ronde, qui aura donc lieu ce mardi 18 juillet, Maxime aura les blancs contre l’Allemand Matthias Bluebaum.

Roger Federer
Roger Federer | Photo Glyn Kirk /AFP

[otw_shortcode_quote border= »bordered » border_style= »bordered » background_pattern= »otw-pattern-1″]Tombé du ciel (https://www.youtube.com/watch?v=uVjEcIANv1o)
A 46 ans, Vladimir Kramnik pouvait caresser l’espoir de combler le petit écart qui le sépare de Magnus Carlsen (10 points), en démarrant en trombe le tournoi de Dortmund. Sans doute la dernière occasion de sa carrière de gravir sur la première marche du classement mondial. Avec les blancs contre Fedoseev lors de la première ronde, Big Vlad a donc tout donné… au sens propre comme au sens figuré ! Malheureusement, son double sacrifice de pièce n’a pas fonctionné et l’a durablement éloigné de l’objectif…[/otw_shortcode_quote]

Site officiel : https://www.sparkassen-chess-meeting.de
Les parties de Maxime des rondes 1 et 2 :

Candidats, mode d’emploi

Les candidats

Pour tous les joueurs du Top mondial, l’échéance majeure est le fameux « Tournoi des Candidats », ce passeport qui permet d’accéder au Graal, le mythique match de championnat du monde contre le tenant du titre. Dans le cycle actuel de deux ans, le Tournoi des Candidats se déroule en mars les années paires, et le match pour le titre en novembre.

Gagner le Tournoi des Candidats, c’est s’assurer une place à part dans l’histoire des Echecs, parmi les rares joueurs ayant disputé un match de championnat du monde. Mais participer au Tournoi des Candidats constitue déjà une performance en soi, puisque l’on fait partie des 8 heureux élus appelés à s’entretuer pour l’honneur d’aller défier le King en personne, Magnus Carlsen.

Anand et Topalov zappent le GP FIDE

Mais comment se qualifie-t-on pour le Tournoi des Candidats ? C’est là que ça se complique un peu… Tentative de clarification !
Voici comment sont distribuées les 8 places, par ordre de priorité :
1. Perdant du match 2016 (Karjakin)
2. Vainqueur de la Coupe du Monde 2017 (en septembre à Tbilissi)
3. Finaliste de la Coupe du Monde 2017
4. Vainqueur du Grand Prix FIDE 2017
5. 2e du Grand Prix FIDE 2017
6. Meilleure moyenne Elo 2017
7. 2e meilleure moyenne Elo 2017
8. Wild-card organisateurs
A ce jour donc, seul Karjakin a une place garantie. Les deux finalistes de la Coupe du monde seront les suivants sur la liste ; mais dans un tournoi à élimination directe, il est très hasardeux de miser sur cette seule épreuve. C’est pourtant le choix qu’ont fait des joueurs comme Anand ou Topalov, en zappant délibérément le Grand Prix FIDE. Rendez-vous en Géorgie en septembre pour voir s’il s’agissait d’un pari gagnant.
Puisqu’on en parle, le Grand-Prix FIDE, donc… Il offre les places 4 et 5. Chacun des 24 participants prend part à 3 des 4 tournois programmés. On dispute en ce moment même le 3e, à Genève, où s’achève la 5e ronde.
Et là, il est impossible d’y voir autre chose que des tendances, tout le monde n’ayant pas le même nombre de tournois au compteur. Tout juste peut-on dire que Mamedyarov, Grischuk, Ding Liren, Radjabov et Maxime sont aujourd’hui les mieux placés. Que Svidler, Giri et Nakamura sont en embuscade. Qu’Aronian est mal embarqué. Et que tous les autres sont virtuellement hors course.

La route complexe vers le Tournoi des Candidats (photo Pixabay)
La route complexe vers le Tournoi des Candidats (photo Pixabay)

Restent deux places à la moyenne Elo 2017. Et pour le coup, les choses y sont plus claires. Car sauf cataclysme sur les listes FIDE d’ici la fin de l’année, ça se jouera entre Kramnik, Wesley So et Caruana.
Mais ce serait trop simple si ça s’arrêtait là…

Il y aura toujours un ultime espoir !

Car si un, voire deux des joueurs qualifiés par le Elo au soir du Nouvel An, se trouvaient avoir déjà été adoubés par la Coupe du monde de septembre, que se passerait-il donc ? Et bien, on irait alors chercher le 3e Elo, voire le 4e. Vous suivez toujours ?
Concernant Maxime, sur les trois voies d’accès aux Candidats, une semble très compromise, celle qui passe par le Elo. Il faudrait en effet que les 2 meilleurs Elos 2017 (parmi Kramnik, So et Caruana), se retrouvent précisément en finale de Coupe du Monde : une belle cote !
La voie par la Coupe du monde, on l’a déjà dit, est aléatoire par nature. Rappelons qu’en 2013, Maxime avait été éliminé par Kramnik en demi-finales, et qu’en 2015, c’est Giri qui l’avait sorti en ¼ de finale.
Pour le Grand Prix FIDE, Maxime reste maître de son destin, et aura l’avantage de disputer le dernier tournoi à Palma de Majorque (16-25 novembre), en sachant précisément ce qu’il lui faudra accomplir pour se qualifier.
Et enfin, pour tous les malheureux qui n’auront pas franchi l’obstacle, il y aura toujours un ultime espoir. Espérer obtenir la wild card de l’organisateur (à ce jour, Dieu seul sait où se déroulera le Tournoi des Candidats…), qui privilégie en général un « local » (le règlement stipule toutefois qu’il doit avoir +2725 Elo).
La qualif pour les Candidats, un feuilleton qui continue, à suivre pendant tout le 2e semestre 2017 !

[otw_shortcode_quote border= »bordered » border_style= »bordered » background_pattern= »otw-pattern-1″]Against all odds (https://www.youtube.com/watch?v=uVjEcIANv1o)
Les sites de paris sportifs proposent déjà de miser sur le futur vainqueur du championnat du monde. Voici les cotes actuelles. Magnus Carlsen, assuré de défendre son titre, bénéficie d’une cote très faible.
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Louvain GCT : la suite du marathon

Louvain GCT

Je suis parti à Louvain dès le lendemain du tournoi de Paris, le lundi 3 juillet. Les 3 joueurs qui enchaînaient les deux tournois, à savoir Wesley, Magnus (accompagné de sa famille), et moi-même, avons pris position dans le Thalys de 12h25 à la Gare du Nord. Sur place, nous étions logés au Fourth Hotel, sur la Place centrale de Louvain, à quelques mètres de l’Hôtel de Ville où se déroulait le tournoi. Le Fourth Hotel est un établissement flambant neuf, qui vient tout juste d’ouvrir ses portes. Après la traditionnelle réunion technique de préparation à 17h, nous avons dîné au restaurant de l’hôtel, le Tafelrond, qui vient de recevoir une étoile au Guide Michelin, ce qui ne m’a guère étonné au vu de la grande qualité de la nourriture, et des petites proportions ! Pas plus mal pour moi cependant, puisque ça m’a permis d’être dans une bonne dynamique, et de reperdre en Belgique le petit surpoids que j’avais accumulé à Paris…

Une partie de dingue contre Kramnik

Le mardi était consacré aux médias et aux exhibitions. Nous avons donné une simultanée collective contre les espoirs belges ; tous les joueurs se relayaient et jouaient un coup chacun. La difficulté de l’exercice est de reprendre une position 10 coups après l’avoir laissée, et de comprendre ce qu’ont voulu faire les autres. Dans l’euphorie, on peut également se laisser aller à quelques coups fantaisistes… Mais dans l’ensemble, on a été plus pros que l’an dernier, où nous avions perdu un nombre indécent de parties, sans doute 6 ou 7 !

Qu’est-ce qui vous fait croire qu’on est en Belgique ??
Qu’est-ce qui vous fait croire qu’on est en Belgique ?? (Photo: Lennart Ootes / Grand Chess Tour)

Concernant le tournoi lui-même, comme je l’ai déjà écrit, les jours se suivent mais ne se ressemblent pas forcément, en cadence rapide. Le premier jour des rapides, j’ai réalisé un bon 2/3, avec une excellente partie d’ouverture contre Ivanchuk, une nulle solide contre Wesley So, puis une partie de dingue contre Kramnik, où j’ai sauvé par miracle une position totalement désespérée.
2/3 également le deuxième jour, avec tout d’abord une nulle contre Carlsen après avoir plutôt dominé. Ensuite, j’ai rajouté un zéro à la longue liste de défaites de Jobava, après qu’il eût failli plusieurs fois perdre en un coup, par exemple quand il a posé sa Dame en g4 au 28e coup, réalisant juste avant de la lâcher qu’il perdrait alors une Tour ! Par la suite, j’ai fini par gagner une finale de Tours supérieure, mais loin d’être simple à concrétiser. La journée s’est conclue par une nulle difficile avec les blancs contre Giri, mes expérimentations avec l’Italienne finissant par ne plus porter leurs fruits, après l’avertissement de la veille contre Kramnik.

J’enchaîne 3 parties horribles

La dernière journée des rapides a débuté par cette partie contre Anand, sur laquelle je ne sais même plus trop quoi dire, tellement j’ai honte de mon ouverture ! Sur la Najdorf avec 6.h3, j’ai décidé de changer de variante à la dernière minute, acceptant une position où j’allais être un peu moins bien, et même en réalité nettement moins bien assez rapidement ! La suite est surréaliste, comme une réplique de mon sauvetage contre Kramnik, avec cette fois le bonus du point entier ! Ce qui me satisfait au moins sur un point ; même quand ça tourne mal, je parviens souvent à poser le maximum de problèmes pratiques… La ronde suivante contre Nepo, j’ai fait n’importe quoi dans l’ouverture, il a fait encore plus n’importe quoi derrière, avant de revenir dans la partie et de gaffer dans une position compliquée, oubliant le joli gain avec 39.e7!. Malheureusement, j’ai fini ce tournoi rapide par une défaite contre Aronian. J’ai perdu prise dans le milieu de jeu, pourtant j’ai bien résisté par la suite, pour finalement lâcher en toute de fin de partie sur une malencontreuse gaffe.
Trois journées à 2/3 chacune, malgré un contenu assez différent, le tempo était le bon !
Malheureusement, dès le début du blitz le lendemain, je sens tout de suite que les choses ne se passent pas aussi bien. Pourtant, les résultats sont corrects au début, mais je perçois quand même que ce n’est pas la grande forme. Je rate la nulle en finale contre Carlsen, même si ce n’était pas trivial à cette cadence, et avec le fameux système de delay. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’évite toujours soigneusement de me retrouver avec seulement une poignée de secondes à la pendule… Ensuite, j’enchaîne trois parties horribles contre So, Anand et Kramnik. Je remporte la première car Wesley me laisse inexplicablement remonter la pente, mais je ne peux sauver les deux autres.

Plus en état de calculer correctement

Du coup, comme je suis obligé de constater que ça ne va pas fort, je décide de revenir à des positions plus simples, et de jouer sur la technique pure. Ce choix s’avère judicieux puisque j’encaisse 2 points consécutifs en doublant les blancs contre Jobava et Ivanchuk. Mais la première journée de blitz sera finalement un peu gâchée par un trou noir contre Nepo pour la conclure ; paradoxalement, j’avais plutôt bien joué et même obtenu un avantage décisif, mais j’ai raté une ou deux suites après, et j’ai fini par la perdre, finissant la journée avec un 50% très moyen.

Devant 3 champions du monde, pendant le money time contre Magnus ! (photo Grand Chess Tour)
Devant 3 champions du monde, pendant le money time contre Magnus ! (photo Grand Chess Tour) (Photo: Lennart Ootes / Grand Chess Tour)

Le dernier jour, ça se passe pas mal au début, et je sens que je calcule mieux. Evidemment, la partie contre Carlsen est un tournant. J’ai quelques regrets de ne pas avoir trouvé quelque chose de plus simple contre son choix d’ouverture, que je qualifierais poliment de « baroque ». Je dois toutefois avouer qu’il a joué de manière vraiment impressionnante par la suite…
J’enchaîne ensuite avec deux victoires contre So et Anand, avant d’affronter un Kramnik en grande difficulté depuis le début de la journée. C’est le moment que je choisis pour faire n’importe quoi, en perdant toute objectivité. A ma décharge, je sentais que je puisais dans mes dernières cartouches d’énergie. C’est donc à l’arraché que j’ai fini les 3 dernières rondes du tournoi, remportant une partie horrible contre Jobava, mais perdant quasiment sans jouer contre Ivanchuk. A la dernière, heureusement que Nepo m’a bien aidé, car je ne contrôlais plus grand-chose ; même dans la position clairement gagnante, j’ai cherché à chaque coup le moyen le plus sûr et le moins risqué de continuer, tant je ne me sentais plus en état de calculer correctement.

Venir taquiner Magnus ?

A l’heure du bilan, je retiens ma bonne gestion du temps dans l’ensemble, sans doute supérieure à la plupart des autres joueurs. La contrepartie de jouer plus rapidement, c’est de devoir défendre plus de positions inférieures, voire perdantes ; on ne peut pas tout avoir ! Mais heureusement, mon niveau de résistance s’est avéré bon lui aussi. Je suis également satisfait de mon traitement des positions simples, surtout dans les blitz ou j’ai pu faire parler la technique.

La première remise des prix « 0 cravate » de l’histoire ?
La première remise des prix « 0 cravate » de l’histoire ? (Photo: Lennart Ootes / Grand Chess Tour)

Sur le plan purement comptable, je suis installé à la 2e place du Grand Chess Tour. C’est satisfaisant, même si je n’oublie pas que parmi les leaders, Nakamura a encore un tournoi rapide à disputer (Saint-Louis). L’objectif est maintenant de bien préparer le tournoi classique de Saint-Louis, afin de conforter ma 2e place, voire de venir taquiner Magnus ! Car aujourd’hui, le champion du monde est clairement plus dominateur en parties rapides, et surtout en blitz, qu’en cadence classique.

En attendant, je pars à Dortmund le 13 juillet, afin d’aller défendre mon titre au Sparkassen Chess Meeting 2017, qui se dispute du 15 au 23. J’y retrouverai notamment le tout nouveau n°2 mondial, Vladimir Kramnik !

[otw_shortcode_quote border= »bordered » border_style= »bordered » background_pattern= »otw-pattern-1″]Noir c’est noir
Le fantasque GMI georgien Baadur Jobava, qui disposait d’une wild card à Louvain, a souffert le martyre dans ce tournoi, totalisant 0.5/9 dans le rapide, et 2.5/18 dans le blitz. Interviewé après son unique victoire (contre Kramnik), il a avoué s’être consolé en visitant les bars de la ville, à la découverte des « magnifiques bières de Belgique ».
Une découverte sans doute plus précoce encore qu’il ne l’avoue, puisque dès le deuxième jour, face à Maxime, il est arrivé sur l’échiquier avec 3 minutes de retard, et une haleine fraichement houblonnée !
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Site officiel : http://grandchesstour.org/2017-grand-chess-tour/YourNextMove

Mes parties de ce tournoi :

Paris GCT : au coude-à-coude avec Magnus !

(photo Grand Chess Tour)

Voici donc le début de ce Grand Chess Tour 2017, que j’ai eu le plaisir de disputer à domicile, cette fois dans le cadre feutré des studios de Canal Plus à Boulogne. Au programme du Grand chess Tour 2017 : 3 tournois rapides (Paris, Louvain et Saint Louis), ainsi que 2 tournois classiques (Saint Louis et Londres). Les 9 joueurs du Grand Chess Tour disputent 2 des 3 tournois rapides (Paris, Louvain et Saint-Louis). Dans chacun de ces tournois, il y a 4 wild cards. Les 9 participent également à 2 tournois classiques (Saint-Louis et Londres), avec une wild card dans chaque.

Les deux premiers jours des rapides ne se sont pas forcément très bien passés. J’ai beaucoup souffert de la chaleur la nuit pendant cet épisode caniculaire, dans mon appartement parisien sans climatisation… Finalement, j’aurais peut-être dû rester à l’hôtel des joueurs sur Boulogne !
Au final, je me suis quand même senti bien dans le rythme, avec un jeu globalement cohérent, malgré les quelques erreurs évitables qui ont émaillé certaines parties. De plus, j’ai assez bien géré le système de « delay *», importé des USA et auquel nous ne sommes guère habitués en Europe, où l’incrément prédomine largement. La différence essentielle est que l’on ne peut jamais récupérer de temps en jouant vite, ce qui met parfois une pression terrible en fin de partie.

*Lorsqu’un joueur effectue son coup, la pendule de son adversaire ne se déclenche qu’après un temps de latence prédéfini, ici 10 secondes après chaque coup dans les parties rapides, et 3 secondes dans les blitz.

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas

4e ex-aequo après les 3 jours de parties rapides, je comptais évidemment sur le blitz pour remonter au classement et m’infiltrer sur le podium. Honnêtement, avec 3 points de retard sur Magnus, je n’imaginais quand même pas pouvoir me mêler à la lutte pour le titre. Malgré tout, l’enjeu restait de taille et le plus important en blitz, c’est d’arriver frais, en forme, et de savoir capitaliser sur les bonnes séries. Car, comme on l’a encore bien vu à Paris pour nombre de joueurs, les journées de blitz se suivent, mais ne se ressemblent pas !

Un peu de réconfort après les parties ! Avec JB Mullon, E Bacrot et L Fressinet. (photo Yannick Pelletier)
Un peu de réconfort après les parties ! Avec JB Mullon, E Bacrot et L Fressinet. (photo Yannick Pelletier)

Le blitz commençait pour moi avec les 3 américains d’affilée, et un premier tournant est survenu à la ronde 3. En effet, après avoir annulé Nakamura et battu So, j’ai réussi à perdre une position complètement gagnante contre Caruana ! Dans ce cas, on craint toujours de voir une bonne série enrayée : mais heureusement, après cette défaite cruelle, j’ai enchaîné 4 gains, dont un chanceux contre Mamedyarov, une sorte de sympathique compensation de la part de Caïssa ! Une série qui s’est achevée sur une victoire importante contre Magnus, dans une finale d’une grande complexité. Malgré une défaite et une nulle dans les deux dernières, je terminais cette première journée de blitz avec le score raisonnable de 6/9, insuffisant toutefois pour décoller de la 4e place…

La remontada !

Après un bon resto et une bonne nuit de sommeil, la deuxième journée de blitz a bien débuté, avec deux gains contre Nakamura et So, ce dernier m’ayant grandement facilité la tâche. Léger trou d’air par la suite, ponctué de deux nulles difficiles avec les noirs, contre Caruana et Topalov. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’à la faveur des autres résultats, je grillais la politesse à Grischuk et Nakamura pour prendre la 2e place, à 4 rondes de la fin ! La remontada commençait à se profiler…
Ronde 15, je bats Mamedyarov dans une finale plutôt égale, mais avec la paire de Fous ; je ne suis plus qu’à un point de Magnus, qui entame une mauvaise passe de 3 défaites consécutives ! Je me retrouve dans la position du chasseur (c’est la plus agréable), et je fais face à Magnus lors de la ronde suivante ! Nous nous livrons un farouche combat, d’une grande complexité, et c’est lui qui commet l’irréparable dans le zeitnot, avec une gaffe qui perd immédiatement (57.b4??).
L’avant-dernière ronde me permet de prendre seul la tête, puisque Magnus perd encore, cette fois contre Nakamura ; une partie à laquelle j’assiste en direct depuis le studio, puisque j’avais moi-même fait une nulle rapide contre Karjakine, suite à une erreur dans l’ouverture m’obligeant à forcer un perpétuel précoce.

N°2 mondial en blitz !

J’aborde donc la dernière ronde avec un demi-point d’avance, mais j’ai les noirs contre Grischuk, et Magnus a les blancs contre un So en grande difficulté. Ma partie reste toujours très équilibrée, tandis que Magnus atomise l’Américain. Le champion du monde et moi terminons tous deux avec 24 points sur 36, un point devant Nakamura.
Un tie-break en 2 parties est donc organisé dans la foulée pour nous départager, et l’essentiel se joue dans la première partie. Avec les noirs, je souffre mais je tiens bien le coup ; malheureusement je perds le fil dans la finale et je dois m’incliner. Dans la 2e il me surprend avec le Gambit Marshall, une ouverture avec haute probabilité de nulle en partie classique, mais qui me semblait très risquée en rapide. Cependant, je ne suis pas assez précis, et Magnus n’a aucun problème pour égaliser et s’adjuger la victoire dans ce Paris Grand Chess Tour.
Au final, même si c’est la déception qui prédomine sur le coup, je suis satisfait du résultat et de mon niveau de jeu. J’ai fait jeu égal avec Magnus (1er ex-aequo et 2.5/5 dans nos confrontations directes), je prends la 2e place du Grand Chess Tour, et la 2e place également du classement mondial de blitz, très près de Magnus et des 2900 points Elo !).

Avec les enfants lors des manifestations périphériques, au Château d’Asnières (photo Ligue IDF Echecs)
Avec les enfants lors des manifestations périphériques, au Château d’Asnières (photo Ligue IDF Echecs)

Maintenant, il est temps d’enchaîner…
Place donc à la deuxième étape du Grand Chess Tour, qui se déroule à Louvain, à côté de Bruxelles. Je suis dans la petite bourgade belge depuis ce lundi après-midi, prêt à recommencer le rituel de 5 journées d’échecs rapides et intenses !
Début des hostilités mercredi 28 juin à 14h00

Mes parties de ce tournoi :

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