Grand Prix FIDE de Sharjah – Le bilan

Maxime Vachier-Lagrave à Sharjah

Je suis rentré ce mardi des Emirats Arabes, et malgré une légère fatigue, je vous livre tout de suite mes impressions des rondes 4 à 9 !

Après le sauvetage inespéré contre Mamedyarov, je me suis retrouvé à jouer contre Hikaru Nakamura avec les noirs… Pas vraiment un cadeau ! Mon objectif premier consistait à ne pas répéter les mêmes erreurs qu’à Londres en décembre, où j’avais perdu la partie dans l’ouverture. La Najdorf « réparée », je suis arrivé relativement confiant à la partie, mais j’ai été accueilli par 3.Fb5+. Raté ! J’avais cependant revu cette variante récemment, et j’ai réagi avec une ligne analysée en détail par mon coach Etienne Bacrot, qui s’était retrouvé du côté blanc de cette position l’année dernière. J’ai ainsi résolu mes problèmes sans souci. Quand Hikaru propose nulle, les pièces vont fatalement s’échanger sur la suite logique ; certes, je n’aurais pas eu de difficultés à continuer la partie quelques coups s’il l’avait fallu, mais je n’en ai vraiment pas vu l’utilité une fois la proposition de nulle reçue.

Echecs – Football – Basket

Le soir, au diable la préparation ! C’est en effet un alléchant Manchester City-Monaco de Ligue des champions qui était au programme. Et les amateurs de foot reconnaîtront qu’il eût été dommage de rater un tel match d’anthologie…

La partie suivante était la dernière avant la journée de repos. Je n’ai cependant pas réussi à poser suffisamment de problèmes à Levon Aronian sur sa Marshall favorite. J’ai eu l’impression à un moment d’avoir des opportunités pour pousser un peu, mais après quelques coups précis de sa part, j’ai compris que la nulle serait inéluctable.

Un match de basket fut improvisé le soir même, avant la journée de repos. Plusieurs joueurs russes et le Chinois Ding Liren participèrent à ces deux heures de ballon.

Après le repos, j’optais pour une solution radicale contre le plan nouveau de Michaël Adams dans l’Anglaise, Cc3-e4. J’aurais pu être moins bien s’il avait opté pour 17.Ch4!, mais ce ne fut pas le cas, et je pris dès lors un léger ascendant avec les noirs. Malheureusement, l’oubli ultérieur d’un détail tactique important me perturba, et vu la tournure des événements, je lui retournai la proposition de nulle qu’il m’avait faite quelques coups plus tôt.
Lors de la Ronde 7 contre le Russe, mais néanmoins collègue clichois, Dmitry Jakovenko, je n’obtins pas le setup que je souhaitais contre la Berlinoise. Du coup, n’ayant strictement aucune perspective au moment de la répétition des coups, je me résolus au partage précoce du point ; une partie guère satisfaisante, je le concède volontiers…

L’enjeu prend le pas sur le jeu

Le lendemain contre Ian Nepomniachtchi, j’ai bien réagi dans l’ouverture, face à une idée que j’avais déjà anticipée. Plus tard, avec le sobre 23…Fe6, j’ai pu transposer de force dans une finale de Tours avec 3 pions contre 4 sur la même aile, qu’une défense attentive suffit en général à sauver.

Arriva alors l’heure de la dernière ronde, avec la confrontation entre les deux leaders, Sacha Gischuk et moi-même… Je m’attendais à une Najdorf ; zut, une Berlinoise ! Du coup, j’ai choisi la suite la plus solide car clairement, à ce moment, j’avais plus à perdre qu’à gagner à prendre des risques : et dans ces cas-là, c’est vrai que l’enjeu prend le pas sur le jeu. Sacha n’eut qu’à trouver le bon enchaînement …Da5! et …Te8, pour résoudre d’un seul coup les maigres problèmes qui lui étaient posés. Cette 7e nulle d’affilée me garantissait la première place ex-aequo dans le tournoi, ce qui correspondait à mon objectif de départ.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire sur les réseaux sociaux, je ne suis pas entièrement satisfait du jeu que j’ai produit dans le tournoi, mais étant donné les enjeux – essentiellement les 2 places offertes par le Grand Prix pour le Tournoi des Candidats 2018 – il est clair que tout le monde joue très « serré », et que le résultat prime sur les autres considérations. Même si, je dois bien l’avouer, le tournoi de Sharjah n’a certainement pas fait une très bonne publicité aux tournois à cadence classique…

Grand Prix FIDE de Sharjah – Après 3 rondes…

Centro Hotel

Depuis le petit Emirat Arabe où il est arrivé, via l’aéroport international
de Dubaï, dans la nuit de jeudi à vendredi dernier (au Centro Hotel
ci-dessus), Maxime a pris connaissance des nombreux messages d’encouragement
et de félicitations qui lui sont parvenus par le formulaire du site. Il
tient donc tout d’abord à remercier chaleureusement ses supporters pour leur
enthousiasme et leur gentillesse.

Après une courte nuit, le vendredi 17 était consacré à la réunion technique,
aux rendez-vous avec les medias, et à la cérémonie d’ouverture et de tirage
au sort. Mais un joueur d’échecs reste un joueur d’échecs, et Maxime conclut
cette journée par quelques petits blitz amicaux, par exemple ici contre
Levon Aronian…

Bltz MVL contre Levon Aronian
Bltz MVL contre Levon Aronian

2 places pour le Tournoi des Candidats de 2018

Vint alors le moment de commencer ce Grand Prix FIDE 2017, réparti sur 4
tournois et concernant 24 joueurs (chaque tournoi comporte 18 joueurs, et
chaque joueur dispute 3 tournois). Ce n’est pas un secret, le principal
intérêt du Grand Prix FIDE est qu’il octroie 2 places qualificatives pour le
Tournoi des Candidats de mars 2018.

Au premier tiers de ce tournoi inaugural du Grand Prix à Sharjah (après 3
rondes sur 9 donc), le constat est forcément positif pour Maxime. Seul en
tête avec 2.5/3, il a pris un départ idéal…

Ses deux victoires, contre Li Chao et Rapport, ont d’ailleurs été
accueillies avec beaucoup d’enthousiasme par les commentateurs, tant
français qu’internationaux. Mais notre n°1 national a tenu à tempérer ces
analyses ; « ce n’était pas parfait, mais c’est vrai, assez propre dans
l’ensemble ». C’est tout d’abord la défense Petroff de Li Chao, ouverture
qu’affectionnent particulièrement les joueurs chinois, qui a été mise à
rude épreuve ; Maxime a trouvé une manœuvre originale (Fc2-d3) incluant un
sacrifice de pion, puis a converti l’avantage de la paire de Fous et d’une
8e rangée faible, grâce à une technique implacable. Puis, face au fantasque
hongrois Richard Rapport, Maxime a sans doute fait un choix judicieux pour
contrer le rarissime début Larsen (1.b3), initiant des complications
stratégiques d’emblée. Une option payante, qui lui permit de s’assurer
l’avantage grâce à un échange de Dames en g4. Retenez ce coup, on en
reparlera plus loin…

 

Avec 2/2, toujours scotché à l’échiquier n°1, il était temps de se frotter à
un adversaire qui ne lui réussit pas tellement dans l’ensemble, l’Azéri
Mamedyarov. Malgré l’avantage théorique des pièces blanches, Maxime perdit
la bataille de l’ouverture, à cause d’une nouveauté sous forme de sacrifice
de pion, qui eût été profitable… si les noirs n’avaient eu l’option de
refuser ce cadeau empoisonné ! Etre en difficulté avec les blancs alors que
la partie commence à peine, voilà un scénario pour le moins désagréable.
D’autant que Mamedyarov, très précis, confirma son avantage par… devinez
quoi !

…Dg4+! bien sûr !

Vintage MVL !

La suite, c’est une défense vintage MVL, en version « au bord du gouffre »
pendant 25 coups. Mais une résistance active, et un sacrifice de pièces
compliquant les choses ont permis de dérégler la machine de l’Azéri ; Maxime
n’hésita pas à lui dire, en conférence de presse, qu’il avait certainement
joué « beaucoup trop vite » juste après le contrôle de temps, au moment où
des choix compliqués et cruciaux restaient à faire. A la fin, malgré sa
pièce de plus, « Mamed » ne pouvait plus rien faire, dans une position que
l’on qualifiera d’insolite. « Ce n’est pas une position normale »,
s’amusa-t-il… « Mais nous ne sommes pas des joueurs normaux ! », répliqua
Maxime du tac au tac.

Pour la ronde 4 de ce mardi 21 février, ce sera la tête de série n°2, Hikaru
Nakamura, au programme ; avec les noirs malheureusement, puisque un des deux joueurs devait doubler les blancs…

De belles heures de préparation en perspective, sur le petit bureau de
circonstance aménagé au bord du lit (photo envoyée par MVL !)

 

Bureau imrpovisé
Bureau imrpovisé

Gibraltar, un roc pour les échecs !

MVL à Gibraltar

Après la traditionnelle coupure de début d’année, il était temps de reprendre la route… Et quelle meilleure destination que Gibraltar, une escale devenue traditionnelle pour moi puisque c’est la cinquième fois que je m’y rends sur les six dernières années ! L’hôtel Caleta, propriété de l’organisateur du tournoi Brian Callaghan, devient donc pour une dizaine de jours un lieu incontournable pour les joueurs d’échecs, « the place to be ». Et le plateau réuni pour la quinzième édition (24 janvier-2 février) en imposait vraiment, avec la présence de trois membres du top 10 mondial, et de douze joueurs au-dessus des 2700 Elo.

En ce qui me concerne, le plus important était la présence de nombreux autres français puisqu’une quinzaine d’entre eux avaient fait le déplacement, dans un esprit de franche camaraderie et surtout de saines engueulades au détour des parties de tarot du soir ! Si la première moitié de tournoi ne permet généralement pas de s’assurer la victoire finale, elle peut la faire perdre, à l’instar de la première semaine du Tour de France. Par ailleurs, avec l’épopée d’un certain Roger Federer à l’Open d’Australie, ponctuée de matchs haletants, mes premières matinées s’avérèrent chargées, le match de tennis du jour se terminant parfois quinze minutes avant d’aller jouer ! Dans l’ensemble, j’ai évité les écueils sur mon chemin, malgré une grosse frayeur ronde 2 contre un jeune joueur israëlien, Nitzan Steinberg, qui réalisera une norme de Grand-Maître ; heureusement, il força la nulle alors que des possibilités plus prometteuses s’offraient à lui ! Après avoir bien rebondi avec les pièces noires, puis remporté un thriller contre le Polonais Kacper Piorun, je me suis retrouvé avec 3.5/4, une marque confortable.

Le rocher de Gibraltar
Le rocher de Gibraltar / Par RedCoat — Travail personnel, CC BY-SA 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3010043

Suite à une nulle tranquille contre l’Anglais David Howell avec les noirs, j’ai profité de deux blancs consécutifs pour passer l’accélérateur. D’abord contre l’Indien Abhijeet Gupta, puis contre le n°1 britannique Michael Adams, contre lequel j’ai produit sans conteste ma meilleure partie du tournoi ; à noter que ces deux victoires ont été acquises contre la défense Berlinoise, qui pose tant de soucis aux pièces blanches ces derniers temps… Me voilà donc partageant la tête du tournoi avec le jeune espagnol David Anton, le très dangereux Chinois Yu Yangyi, et la terreur de Gibraltar, l’Américain Hikaru Nakamura, double vainqueur du tournoi en titre. La tête de série numéro 1 Fabiano Caruana n’étant quant à elle plus dans la course au titre, après être tombée ronde 6 face à Nigel Short.

La fin de tournoi se profilait, et il me fallait à l’évidence une victoire sur les trois dernières parties pour être quasiment garanti d’accéder aux tiebreaks pour la victoire ; mais avec la perspective d’avoir deux fois les pièces noires, la tâche ne s’annonçait pas aisée. En effet, dès la première partie de ce sprint final, contre David Anton, je n’obtins jamais la moindre chance de gain, et dût donc me contenter d’une nulle logique. Arrivèrent alors les caméras de Canal +, venues filmer la fin du tournoi, dans le cadre d’un reportage sur ma vie de sportif qui sera diffusé dans les semaines à venir.

La ronde 9 contre Yu Yangyi allait clairement être décisive puisqu’avec les blancs pour la dernière fois, je me devais de mettre une pression maximale. Cependant, surpris par son choix d’ouverture, je ne réussis pas à prendre un réel ascendant et après une réaction précise de sa part, dût me contenter du partage du point. La dernière ronde contre le très expérimenté Boris Gelfand, parmi les meilleurs joueurs du monde depuis 25 ans, ne me permit pas de lui poser de problèmes, et c’est au contraire moi qui ai été contraint de fournir l’effort défensif très précis pour résoudre ceux posés par le vétéran israélien.

Au final, je suis certes déçu de ne pas m’être mêlé aux tie-breaks pour le titre, contrairement à l’année passée ou à 2013, et de devoir me contenter de la 4e place. Le départage sera d’ailleurs  remporté par Hikaru Nakamura, qui réalise donc une impressionnante passe de trois à Gibraltar !

Mais j’ai réalisé malgré tout un tournoi solide, qui me permet de reprendre ma marche en avant au classement mondial, après une fin d’année 2016 en demi-teinte.

Ci-dessous, mes parties dans ce tournoi.

Bienvenue sur le site mvlchess.com

Mvl interview video

MVL, c’est l’acronyme de mon nom, Maxime Vachier-Lagrave. Je suis joueur d’échecs professionnel, et connu aux quatre coins du monde sous ces trois
lettres, MVL.

Je suis avant tout un passionné du jeu d’échecs. Grand-Maître international à 14 ans, j’ai décidé de devenir professionnel après mon titre de champion du monde junior, à 19 ans. Installé dans le Top 5 mondial depuis mars 2016, j’ai même eu l’honneur d’occuper pendant deux mois la 2e place, derrière le champion du monde Magnus Carlsen.

Tout au long de ces pages, vous pourrez suivre mon actualité de joueur d’échecs professionnel, et même parfois connaître mon avis sur d’autres sujets ! Vous pourrez accéder à des photos et des vidéos, et également m’interpeller à travers le formulaire de contact.

Je remercie tous mes supporters, en France et à l’étranger, et je leur garantis que je ferai tout pour ne pas les décevoir !

Il a beau être l’un des tout meilleurs joueurs d’échecs du monde, et avoir eu depuis quelques mois une couverture médiatique très importante, MVL reste un champion à découvrir.

C’est tout l’intérêt de cette interview de 12 minutes proposée par son site officiel, mvlchess.com, qui permet à Maxime de se présenter à tous. Le grand
public découvrira le personnage, tandis que les amateurs d’échecs y trouveront des informations intéressantes sur son parcours, son approche du
jeu, ses concurrents, ou encore la vie quotidienne d’un Grand-Maître de premier plan.

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