En dépit du début de tournoi raté à Karlsruhe, j’ai tout de même profité du dernier soir avec les joueurs français présents dans l’open pour faire un peu la fête et recharger les batteries. Puis, je me suis bien reposé le jour du transfert à Baden-Baden. Accueilli à mon arrivée dans la chambre d’hôtel par un verre de vodka – que je n’ai cependant pas bu avant la fin du tournoi – , et quelques donnes de pineapple Chinese poker (le deuxième meilleur jeu de cartes du monde), j’étais prêt à en découdre le lendemain avec Hou Yifan, qui menait jusqu’alors le tournoi.
Sur l’inévitable Berlinoise, j’ai tenté un coup de bluff en espérant que mon adversaire ne se souviendrait pas de la bonne ligne et c’est ce qui s’est passé, me permettant d’obtenir une finale clairement avantageuse. Mais suite à une bonne résistance, je n’ai pas réussi à progresser jusqu’au contrôle du temps, puis au moment où j’ai finalement réussi à la faire craquer, la finale est soudainement devenue très concrète et très intéressante :
1… Ce4 2.Txf5+ Re6 3.Ta5 Txa5 4.Fxa5 Rf6 5.b3 laisse échapper le gain.
(5.Fb4 c5 6.Fe1 c4 =)
(5.Fd8+!! Rg7 6.Fe7 cette méthode de gain s’appuie sur la domination du fou contre le cavalier, particulièrement quand le fou est à 3 cases de distance puisqu’il contrôle alors la moitié de la rosace du cavalier. 6…Rh6 7.b3 Cc3+
(7…Rxh5 8.bxa4 Rg6 9.a5 Rf7 a6 10.a6 Cc3+ 11.Rb3 Cb5 12.Fd8 Re8 13.a4 Ca7 14.Fb6 Cc8 15.a5 Rd7 16.a7 Cxa7 17.Fxa7 Rc7 18.a6 c5 19.Rc4)
8.Rb2 Cd1+
(8…Cd5 9.Fd8 axb3 10.Rxb3)
9.Rc1 Cc3 10.Rc2 )
5…Rg5
(5…Cc5!! et seulement sur 6.bxa4
(6.Fd8+ Rg7 7.Fg5
(7.b4 Ce6)
7…Cxb3 8.Rb2 Cd4 9.Rc3 c5=)
6…Rg5)
6.Fb4! Le cavalier est a nouveau dominé
6…Rxh5
(6…c5 7.bxa4 cxb4 8.axb4 Rxh5 9.a5)
(6…axb3 7.Rxb3 c5 8.Fe1)
7.bxa4 Cf6 8.a5 Cd5 9.a6 Cc7 10.a7 Rg6 11.Fa5 Ca8 12.Rb3 Rf7 13.Rc4 Re6 14.Rc5 Rd7 15.Fb6 Rc8 16.Rxc6 Cc7 17.Fg1 Ca8 18.Fh2 Cc7 19.Rb6 et il était important de laisser le pion en a3 puisque
19…Ca8+
(19…Cd5+ 20.Ra6 Cb4+ n’est plus possible)
20.Ra6 un nouveau zugzwang, fatal celui-là.
Après cette victoire à l’arraché, place à la détente avec une belle affiche de Ligue des Champions, le match retour de ¼ finale Barca-Juve…
Le lendemain, un challenge de choix m’attendait contre Fabiano Caruana avec les noirs. Bien que presque certain qu’il chercherait le débat sur la Najdorf et probablement sur la variante du pion empoisonné, je n’ai pas réussi à me souvenir de toutes les nuances de la position après sa quasi nouveauté 14.h4. Après avoir passé presque une heure sur la position, je réussis tout de même à résoudre les problèmes posés et même à prendre l’initiative suite à quelques imprécisions de sa part. Si la position me semblait très agréable à jouer, j’ai complètement raté son très fort coup 26.Cb3, lui permettant de consolider la position. Après quelques tours de passe-passe de part et d’autre et une petite frayeur dans la finale, la partie se termina sur un bon match nul, pour ce qui aura probablement constitué ma meilleure prestation du tournoi.
Nul doute que Magnus chercherait à me battre
La partie suivante contre Georg Meier, qui sortait d’une défaite douloureuse face à Magnus Carlsen, devait me permettre idéalement de repasser au-dessus de la barre des 50%. Mais tous les joueurs dans ce tournoi étaient coriaces, et c’est ainsi que mon adversaire du jour m’a surpris dans le début avec la très forte nouveauté 12…Fc5!. Il s’est avéré dans la partie, ainsi que dans les analyses qui ont suivi, que ce coup égalisait complètement et j’ai même presque dû me sentir heureux de faire nulle à la fin de la partie !
La dernière partie m’opposait donc à Magnus, qui n’était également pas satisfait de son tournoi jusqu’à présent. Même s’il n’avait plus aucune chance de remporter le tournoi, Levon Aronian ayant déjà un point et demi d’avance sur ses poursuivants, nul doute qu’il chercherait quand même à me battre. Sur une ligne positionnelle de la Najdorf, j’ai mal réagi à sa nouvelle idée en cherchant le combat à l’aile-dame où toutes ses pièces étaient placées. Heureusement, comme moi au moment où j’avais décidé d’engager les hostilités sur l’aile-dame, Magnus oublia la meilleure réaction avec 19.Ca5! puisque à terme, je n’aurais pas été en mesure de prévenir Cc6 et b4. Dans la partie, quelques difficultés subsistaient, mais je réussis sans trop de mal à obtenir une forteresse imprenable.
Comme à Karlsruhe, le dernier soir a été l’opportunité de jouer quelques blitz à 4, sous l’impulsion de Fabiano et de son coach Kasim. J’ai dû cette fois me débrouiller tant bien que mal en l’absence de mon invincible coéquipier Jules Moussard !
Le Grand Prix de Moscou dans le viseur
Bien évidemment, ce tournoi constitue une certaine déception puisque mon niveau de jeu n’a pas vraiment été à la hauteur de l’événement et des adversaires proposés, mais j’espère me servir de ce qui n’a pas été pour la prochaine échéance capitale, le Grand Prix Fide de Moscou. Il me reste à remercier mes parents, ainsi que Gilles Betthaeuser, pour leur soutien et leur présence durant le tournoi, ainsi qu’à féliciter Levon pour sa performance et sa victoire finale !
(photo de couverture: Georgios Souleidis)