A peine revenu de quelques jours de vacances dans le sud (on vous en dit un petit peu plus ci-dessous !), Maxime a choisi de replonger immédiatement dans le bain. Et ce n’est pas le gros rhume attrapé quelque part entre Riyad et l’Aquitaine qui allait l’arrêter ! Il faut dire que le challenge était sympathique, tout en n’étant guère engageant. Pas de points Elo à gagner, pas de classement mondial à préserver, pas de titre en jeu, et aucune qualification en perspective ! Juste le plaisir de disputer quelques parties online pas comme les autres…
Ce jeudi 4 janvier, le site www.chess.com organisait en effet son tout premier championnat de Chess 960 (ou Fischerandom). Cette forme de jeu est particulièrement appréciée de ceux qui veulent se libérer du fardeau de la théorie des ouvertures. Mais c’est aussi un nouveau défi à chaque partie, surtout à la cadence de 4’+2’’/coup !
Favori sur le papier
En 2017, Maxime avait connu des fortunes diverses en 960, à l’occasion justement du Speed Chess Championship organisé par ce même site chess.com. En 1/8e de finale, il avait remporté le match de blitz face au jeune américain Jeffery Xiong, mais perdu les trois parties de 960 ! Il s’était certes vengé en ¼ de finale contre Grischuk, scorant 2.5/3 dans le 960, mais perdant cette fois le match !
L’Open de 9 rondes était réservé aux joueurs titrés, et comptait 108 joueurs sur la grille de départ, même si au final, 48 d’entre eux auront abandonné le tournoi en cours de route, ne laissant que 60 noms sur le classement.
Favori, Maxime (aka LyonBeast) l’était sur le papier, même si la hiérarchie des échecs classiques n’est peut-être pas fiable à 100% en Chess 960. Surtout dans un open de blitz, avec quand même la présence du n°8 mondial de la spécialité, le Russe Dmitry Andreikin, ainsi que des deux Top 50 Salem Saleh et Hrant Melkumyan ; sans oublier les nombreux autres GMI présents…
Tant pis pour Reykjavik
Le moins que l’on puisse dire est que le tournoi a très bien débuté pour Maxime, avec six victoires de rang, dont deux jolies et expéditives, d’abord contre le Polonais Bartosz Socko (2659), puis contre la tête de série n°2 Dmitry Andreikin (2828). Seul Sergey Grigoriants (2626) suivait le rythme d’enfer imposé par Maxime, un demi-point derrière lui. La partie de la 7e ronde qui les a opposés aura d’ailleurs tenu toutes ses promesses, se concluant par une spectaculaire passe d’armes tactique débouchant sur un échec perpétuel.
En dépit de son demi-point d’avance conservé, Maxime eut la bonne idée de finir par deux nouvelles victoires, contre Salem Saleh (2743) puis Andrey Deviatkin (2431), concluant ainsi sa soirée devant l’écran sur le score impressionnant de 8.5/9 ; en effet, Grigoriants l’aura menacé jusqu’au bout, terminant pour sa part à 8/9. Le vainqueur du tournoi remportait une invitation tous frais payés au tournoi de Chess 960/Fischerandom organisé le 9 mars dans le cadre de l’Open de Reykjavik, le jour du 75e anniversaire de Bobby Fischer. Maxime ne pouvant pas s’y rendre, c’est son dauphin Grigoriants qui fera le déplacement !
Même si l’absence d’enjeu véritable vient tempérer le résultat final, cette victoire n’en constitue pas moins une excellente façon d’entamer 2018 pour Maxime !
[otw_shortcode_quote border=”bordered” border_style=”bordered” background_pattern=”otw-pattern-1″]Red red wine Passant le Nouvel An et quelques jours de vacances avec des amis à Bordeaux, Maxime en a profité pour répondre favorablement à l’invitation qui lui avait été lancée par le sommelier du château Lafite Rothschild à Pauillac. L’occasion de découvrir un domaine viticole mythique, avec son fameux chai circulaire conçu par Ricardo Bofill, puis de goûter à l’un des vins les plus prestigieux du monde. Comme vous pourrez le constater sur la photo, étaient également présents les locaux de l’étape, Laurent Fressinet et Matthieu Cornette, heureux bénéficiaires d’un tirage au sort effectué parmi les convives du Nouvel An, pour déterminer qui accompagnerait Maxime ![/otw_shortcode_quote]
J’étais venu à Riyad avec la ferme intention d’être dans la course pour un des titres mondiaux en jeu, le rapide les trois premiers jours, le blitz les deux suivants.
Malheureusement, dans le tournoi rapide, j’ai très mal joué dans l’ensemble, à l’exception d’une ou deux parties correctes. En tout cas, sur 15 parties, je n’étais clairement pas au niveau des meilleurs. Tout avait trop mal commencé dès la première journée, avec trois défaites en cinq parties. Je suis revenu ensuite à un classement plus décent avec une bonne série de huit parties (+4, =4), mais il y a alors eu cette défaite avec les blancs contre Alekseev (2681) lors de l’avant-dernière ronde, qui a mis un terme à tout espoir de remontada vers les 10 premières places. En effet, j’ai pris le risque de refuser la nulle par répétition avec 28.g3, afin de conserver une chance de passer de +3 à +5 dans le tournoi. Mais les noirs obtiennent trop de jeu après 28…f5!, et même un clair avantage après 33…b5!, me renvoyant de facto plus bas au classement.
Un tournoi à oublier…
Vu mes difficultés à calculer dans le tournoi rapide, je n’étais pas forcément très en confiance au moment d’aborder les deux jours de blitz. Je n’étais pas sûr d’être à 100% de mes moyens, mais le début de tournoi m’a rassuré, avec une bonne série de 4 victoires me positionnant en tête du tournoi après 5 rondes. Ensuite, j’ai alterné les nulles et les victoires jusqu’à la fin de ce qui s’avérera être une très bonne première journée, au terme de laquelle je termine à 8.5/11, seul deuxième à un demi-point de Karjakin. Je suis donc placé en pole-position, et sans ressentir de frustration, puisque je n’ai pas raté d’opportunités, ce qui est toujours important pour le moral Ce soir-là, je passe une très bonne nuit, satisfait d’avoir pu retrouver mon niveau de calcul et de pouvoir joueur le podium, voire le titre mondial, le lendemain.
Malheureusement, les choses ne se passent pas toujours comme prévu, et si je me sens frais et dispos au début de cette deuxième journée de blitz, je comprends vite que les circonstances ne sont pas aussi favorables. J’enchaîne cinq nouvelles nulles de suite, qui font suite aux deux dernières de la veille. Au passage, je gâche une position clairement gagnante contre Mamedyarov. C’est ce qui arrive quand on essaye de se simplifier la tâche en voulant éviter des calculs inutiles. En blitz, ce genre de stratégie a souvent un effet contraire ! Même si on le sait, parfois on ne l’évite pas…
Magnus impose un rythme infernal
De plus, c’était la troisième nulle consécutive où j’avais un pion de plus, ce qui est toujours un peu frustrant. La nulle suivante, c’est clairement Ding Liren qui refuse le jeu avec les blancs, et qui répète les coups dans l’ouverture. Ensuite, première grosse frayeur contre son compatriote Wang Hao, qui rate le gain d’une pièce par 19…f5! (au lieu de 19…Dd7?). Après 15 rondes et cette série de nulles, je suis toujours deuxième, mais plus seul puisque nous sommes désormais six à talonner Magnus à un demi-point ! Lequel Magnus me fait face pour la ronde 16, sur le premier échiquier qu’il ne quitte pas, par contrat entre les organisateurs et la télévision norvégienne. Il vient d’enchaîner une impressionnante série de quatre victoires consécutives, notamment contre Grischuk, Mamedyarov et Karjakin. La partie se passe plutôt bien pour moi, et il ne prend aucun avantage avec les blancs. Peut-être est-ce même moi qui obtient un très léger plus, ce n’est pas facile à juger en blitz. Au final, j’ai préféré initier l’échange des quatre Tours par 24…Txd1, ce qui mène à une nulle rapide. Si j’avais vu que le Cf1 ne sortait plus après 24…c4 25.Txd3 cxd3+ suivi de 26…f4!, j’aurais sans doute pris cette décision intéressante sur le plan pratique, mais ça reste quand même un détail à l’échelle du tournoi !
A la ronde 17, je regagne enfin une partie, contre le jeune russe Artemiev, dont on peut rappeler qu’il était classé n°2 mondial en blitz dans le live rating en début de tournoi ! Je place une jolie combinaison finale (33.Txd4 Fxb5 34.e5!), même si, dans la frénésie de la fin du blitz, mon idée sur 34…dxe5 était 35.Fh7+ Rxh7 36.Txd1 ; c’est juste après la partie que j’ai réalisé que 35.Dxb5! forçait l’abandon immédiat. A quatre rondes de la fin, je suis seul 3e avec 12/17, un demi-point derrière les co-leaders Carlsen et Karjakin, et je suis apparié avec les noirs contre Petrossian pour la ronde 18. Compte tenu du rythme infernal imposé par Magnus, qui n’a laissé qu’un demi-point contre moi, je décide de prendre des risques pour essayer de gagner le tournoi. C’est la raison pour laquelle je refuse la nulle par répétition (24…Td8!?). Ensuite, je m’envoie un peu en l’air en sacrifiant le pion b6 (35…Ta4 suivi de 36…c4), et les choses se terminent mal, avec une première défaite au mauvais moment…
Le bronze était encore jouable !
Bien sûr, on pourra toujours disserter sur la pertinence de cette stratégie du « tout ou rien », mais je dois avouer que je voulais vraiment continuer à lutter pour le titre mondial, et que la perspective d’assurer une place d’honneur ne m’intéressait pas… Du coup, j’ai continué dans la même veine contre Aronian lors de la 19e ronde, mais en poussant cette fois le bouchon un peu loin ! Je me suis alors retrouvé dans une position complètement désespérée, qu’il aurait pu conclure rapidement, notamment par 80…Rh2! (au lieu de 80…Rg4) 81.Cf3+ Rh1, suivi de la poussée du pion a. A la place, il a inutilement transposé dans la fameuse finale Tour + Fou contre Tour, toujours extrêmement délicate à jouer, surtout en blitz évidemment. A l’origine gagnante, cette finale est devenue nulle après 118.Tg4!, avant que je ne me trompe à nouveau et finisse par encaisser une deuxième défaite consécutive.
Après une victoire assez facile contre Savchenko (2619) à l’avant-dernière ronde, je me suis retrouvé pour finir face au nouveau champion du monde rapide, Vishy Anand ! Je sais à ce moment que la médaille de bronze est peut-être encore jouable, à condition de gagner évidemment. Mais je n’ai jamais vraiment ma chance, et je passe même par une très mauvaise passe en milieu de jeu. Dans la position finale, c’est nul si j’échange en f6 au lieu de donner une pièce par 50.Re3??, ma seule véritable gaffe élémentaire du tournoi.
Quelques jours de vacances bienvenus
Evidemment, avec un score de -1 sur la journée, il est évident que mon niveau de jeu n’a pas été suffisant, et en tout cas bien en deça de ce que j’avais produit la veille. J’ai perdu trois parties, je n’ai pas réussi à poser suffisamment de problèmes dans certaines autres, et le fait de ne pas gagner cette position contre Mamedyarov dès le début de cette deuxième journée, constituait certainement un signe avant-coureur.
Au final, ce dernier tournoi de 2017 confirme que je suis moins en forme qu’il y a quelques mois ; sur le plan purement échiquéen j’entends, car je n’ai pas ressenti de manque d’énergie ou de baisse de forme physique. Les quelques jours de vacances que je m’octroie en ce tout début d’année sont les bienvenus pour recharger les batteries avant les échéances de 2018 !
[otw_shortcode_quote border=”bordered” border_style=”bordered” background_pattern=”otw-pattern-1″]Bonne année ! Tout au long de cette année 2017 riche en émotions, j’ai reçu de nombreux témoignages de sympathie. Beaucoup d’encouragements, beaucoup de commentaires, qui sont autant de soutiens au quotidien. Un grand merci à vous, à l’aube d’une nouvelle année qui commence, et que j’espère joyeuse et prospère pour tous. En 2018, je continuerai bien sûr à proposer dans ces pages un compte rendu hebdomadaire de mon actualité.
Bonne année 2018 à toutes et à tous ![/otw_shortcode_quote]
C’est le dernier grand événement de 2017, qui décerne désormais tous les ans, à la veille du réveillon, les titres de champion du monde de parties rapides et de blitz. Malgré l’annonce tardive du lieu qui accueillerait la compétition (l’Arabie Saoudite), les meilleurs joueurs du monde sont présents en force à Riyad. En effet, dix des membres du Top 15 mondial ont fait le déplacement dans la capitale saoudienne ; seuls manquent à l’appel les trois américains, Caruana, So et Nakamura, ainsi que Kramnik et Giri. Parmi les favoris, on dégage évidemment Carlsen, qui a démontré en 2017 une nette supériorité dans les cadences rapides. A tel point d’ailleurs, qu’il envisage ouvertement de passer la barre des 3000 Elo en blitz à Riyad !
Aronian, Grischuk, Mamedyarov font partie, avec Maxime, du groupe des favoris, ainsi que les tenants du titre, Karjakin et Ivanchuk. A la veille du début de tournoi, le site officiel ne présente toujours pas la liste des joueurs, mais le règlement stipule que le nombre maximum de participants est fixé à 250 pour les Opens, et à 150 pour les femmes. Tous les joueurs classés à plus de 2600 Elo pour l’Open et 2300 Elo pour les femmes pouvaient s’inscrire.
Riyad, une destination controversée
La compétition débutera par le championnat du monde rapide, du mardi 26 au jeudi 28 décembre, sur 15 rondes et à raison de 5 rondes par jour, entre 12h et 18h (heure française). La cadence est de 15’+10’’/cp.
Le championnat du monde de blitz sera pour sa part étalé sur deux jours, vendredi 29 et samedi 30, aux mêmes horaires, avec au programme 11 rondes le vendredi, et 10 le lendemain. La cadence est de 3’+2”/cp.
Maxime est accompagné en Arabie Saoudite par les français Etienne Bacrot et Laurent Fressinet. Marie Sebag et Almira Skripchenko participent à la compétition féminine.
Evidemment, la tenue d’un tel événement en Arabie Saoudite a généré des commentaires et polémiques. A moins de 24h du déclenchement des pendules, nous ne savons toujours pas si les joueurs israéliens ont pu obtenir un visa ou pas. Pour tous les participants bien sûr, mais surtout pour ceux qui jouent un podium mondial, il n’est jamais évident de conditionner ses objectifs sportifs à la réalité géopolitique du monde.
Chacun aura donc fait le choix de participer en son âme et conscience…
[otw_shortcode_quote border=”bordered” border_style=”bordered” background_pattern=”otw-pattern-1″]Pub télé
(vidéo de Georgios Makropoulos | FIDE)
Le Prince Salman, nouvel homme fort de l’Arabie Saoudite, cherche clairement à redorer le blason de son pays à l’international. L’organisation des championnats du monde rapide & blitz à Riyad procède à l’évidence de cette logique. La preuve, les organisateurs ont tourné plusieurs vidéos de présentation de l’événement, et ont acheté de nombreux espaces publicitaires pour y promouvoir leur image, sur CNN ![/otw_shortcode_quote]
Certes, il reste encore le championnat du monde rapide et blitz du 26 au 30 décembre… Je m’envole pour Riyad (Arabie Saoudite) dimanche 24, et j’ai souhaité faire un petit bilan de l’année avant. Si une bonne surprise vient clôturer 2017 à Riyad, il sera toujours temps d’en reparler ici après le Nouvel An !
Le premier et principal constat de cette année 2017, c’est que l’objectif principal, à savoir la qualification pour le Tournoi des Candidats, n’a pas été atteint. Quelles que soient les circonstances, qui n’ont pas forcément été favorables, quels que soient les petits détails, qui n’ont pas toujours fonctionné comme je l’aurais souhaité dans les moments-clé, le fait est que j’aurais dû réussir à obtenir cette qualification sur l’échiquier. Du coup, si le bilan de l’année 2017 est globalement positif, comme je l’explique plus loin, il reste néanmoins marqué par cet échec…
Le Grand Chess Tour, une satisfaction notoire
Le principal point positif de l’année, c’est évidemment cette 2e place au classement général du Grand Chess Tour. Je retiens plus particulièrement le tournoi de Paris, avec notamment la dernière journée de blitz qui m’a permis de rattraper Magnus. Malgré ma 3e place, le tournoi de Leuven me laisse plutôt un arrière-goût de déception, car j’étais clairement hors de forme en Belgique, et c’est un miracle que je finisse finalement aussi haut au classement en jouant si mal ! Je me souviens des sauvetages miraculeux contre Anand et Kramnik en rapide, et de ma prestation globale catastrophique en blitz, où je ne voyais qu’un coup sur deux !
Par la suite, ma victoire à la Sinquefield Cup constitue clairement le point d’orgue de l’année. C’est le grand résultat que j’attendais, remporter enfin un tournoi dans lequel étaient présents tous les meilleurs.
Le dernier tournoi à Londres n’a pas changé le podium du Grand Chess Tour.
Malgré la déception d’être passé à un cheveu de la finale, la Coupe du Monde reste également un point très positif pour moi. Je m’explique ! En effet, avoir fait demi-finale en 2013, quart-de-finale en 2015, et à nouveau demi-finale en 2017 constitue pour moi un motif de fierté, car tenir trois semaines dans un tournoi aussi éprouvant, avec des écueils pas évidents dès les premiers tours, montre que j’ai un bon mental, y compris dans les moments difficiles. Au passage, même si je sais qu’il est impossible de faire finale à chaque fois, j’aurais quand même bien aimé y parvenir une fois, pour assurer une qualif aux Candidats, et pour jouer la gagne sur un mini-match !
Une année 2018 sans Grand Prix FIDE
Au niveau des compétitions rapides et blitz, c’est toujours un peu la même histoire, il me manque la régularité. Il y a les jours avec et les jours sans ; on va me dire que c’est un peu le cas pour tout le monde, y compris pour mes collègues du Top mondial en blitz comme Nakamura ou Grischuk. Ni eux ni moi ne sommes à l’abri d’un jour sans, mais en fait, si on regarde Magnus, on voit bien qu’il est au-dessus au niveau régularité ; même dans un jour sans, il sait limiter les dégâts. Il n’y a pas de doute aujourd’hui sur le fait qu’il est le meilleur en blitz et en rapide. Sa domination est cependant beaucoup moins nette en cadence classique… A noter que j’ai dû rencontrer Carlsen, toutes cadences confondues, une dizaine de fois cette année !
A cause de l’annonce tardive du Grand Prix FIDE, je me suis également retrouvé à trop jouer en 2017, entre ces trois tournois supplémentaires, les compétitions du Grand Chess Tour, et les autres engagements que j’avais déjà pris. Au moins, je sais que ça ne se reproduira pas en 2018, qui est une année sans Grand Prix FIDE !
Au niveau du jeu lui-même, un point très satisfaisant est qu’avec les noirs, je n’ai quasiment jamais été en danger ces derniers temps, à l’exception notable de ma partie contre Harikrishna à Palma. Le revers de la médaille, c’est que je n’ai pas gagné assez de parties dans l’ensemble, y compris parfois avec un avantage substantiel. Il est clair que ce doit être un point à travailler, en relation d’ailleurs avec mes ouvertures blanches, qui constituent un axe d’amélioration très clair.
Une dernière échéance importante en 2017
Enfin, pour ce qui est du classement mondial et des points Elo, je me suis globalement stabilisé, avec des variations de l’ordre de 20 points. Ce qui est plutôt prometteur, dans la lignée de l’année 2016, alors qu’en 2015, je faisais un yo-yo incessant. Cette stabilisation peut constituer une base saine pour redonner un coup d’accélérateur plus tard…
Après une dernière échéance importante en 2017 avec le championnat du monde rapide et blitz, les compétitions de 2018 commenceront pour moi à Gibraltar (23 janvier – 1er février 2018). C’est un tournoi que j’aime beaucoup, auquel je participe depuis plusieurs années. C’est bien aussi d’avoir de temps en temps des Opens comme Gibraltar ou l’Ile de Man, car ça permet de sortir des traditionnels tournois du Top, où je rencontre toujours les mêmes joueurs.
[otw_shortcode_quote border=”bordered” border_style=”bordered” background_pattern=”otw-pattern-1″]Candidats 2018 : un pronostic ?Ce sera un tournoi très ouvert, chacun des huit joueurs est en mesure de le gagner. Si j’ai raté la qualification d’un cheveu, cela n’enlève rien au fait que tous les participants sont légitimes, et que je les crois tous capables de s’imposer. Ca va dans le sens de mon opinion selon laquelle le Top 10 mondial actuel est très resserré.
De plus, pour un Tournoi des Candidats, tout le monde est surmotivé, et les circonstances du tournoi peuvent rapidement chambouler tout pronostic préétabli ; il suffit par exemple qu’un joueur soit rapidement dépassé, ou au contraire, qu’un autre bénéficie d’une gaffe adverse en début de tournoi…
Bref, à mon sens, il n’y a pas de favori ![/otw_shortcode_quote]
Retour sur le London Chess Classic qui a clôturé le Grand Chess Tour 2017, le circuit d’élite des joueurs d’échecs professionnels. Je reste donc sur une série de cinq nulles avant la seconde journée de repos ; le problème que j’ai eu à Palma perdure, c’est cette difficulté à concrétiser les positions avantageuses… Pendant le jour off, je ne me prends pas la tête et je privilégie le repos, profitant également du côté sympa du tournoi londonien, à savoir que de nombreux français disputent l’Open (Ndlr, notamment 8 titrés français participaient, à savoir les GMI Sébastien Mazé – co-vainqueur -, Matthieu Cornette, Jules Moussard, Jean-Pierre Le Roux, Thal Abergel, et les MI Anthony Bellaiche, Sophie Milliet et Andreea Navrotescu).
Je dois faire mon mea culpa
Du coup, on peut sortir un peu ensemble le soir, se changer les idées. La plupart d’entre eux logent dans un appartement à côté de l’hôtel, ce qui permet aussi de se retrouver sur place, et de se lancer quelques challenges sur Fifa par exemple !
La partie de la 6e ronde contre Caruana est typique de ces ouvertures frustrantes, qui sont un petit peu mieux pour les blancs mais qui, au final, n’offrent guère de chance de gain si l’adversaire connaît bien la ligne, comme c’était le cas de Fabiano. Peut-être aurais-je pu être un tout petit peu plus précis, mais ça se joue vraiment sur des micro-détails et je ne pense pas que ça aurait changé grand-chose au résultat. J’ai compris que je ne gagnerais pas après 24…Cg6, et avec l’implantation d’un cavalier noir en f4, le contre-jeu est trop important.
Le lendemain contre Karjakin, je me retrouve encore dans cette variante spécifique de la Najdorf Pion empoisonné avec 9.a3. Tout le monde semble s’être donné le mot pour jouer ça contre moi ! Sur l’échiquier, je n’ai pas pu me souvenir de tout sur la ligne secondaire 14…g5 15.h4. D’où mon petit quart d’heure de réflexion pour jouer 17…hxg5, une suite qui semble dangereuse de prime abord car elle laisse filer la colonne h. Mais en réalité, les blancs n’ont pas de moyen de l’exploiter et au contraire, c’est finalement le pion blanc en g5 qui se retrouvera un peu faiblard. Karjakin a montré à l’analyse qu’il aurait dû jouer 21.g6!, un coup compliqué qu’il a mis une demi-heure à rejeter ! Après 21…Tg8 22.gxf7 Txg2 23.Th8+ Cf8 24.Cxe6 Dc4!, les noirs ont sans doute assez de ressources pour conserver l’égalité. Mais je dois faire mon mea culpa, car j’ai complètement zappé cette possibilité 21.g6!, et je ne l’ai vue que juste après avoir joué mon coup 20…0-0-0.
Un coup imprécis provoque l’abandon
Evidemment, ce genre de bévue ne devrait pas arriver, mais le bon côté des choses, c’est que du coup, j’ai économisé dix minutes de vérifications tactiques !
Ensuite, je crois avoir plutôt bien maîtrisé les événements, et je suis assez content du coup 23…Tg7!, qui n’a l’air de rien, mais qui m’a permis au final de reconquérir la colonne h. Je refuse ensuite la répétition de coups car je sens que j’ai pris l’initiative, notamment grâce à la manœuvre standard …Fd8-b6. Après 33…Th4, la pression sur e4 s’intensifie, et je sais que j’ai un net avantage. Sergeï est alors mal au temps, et je sens qu’il craint de garder les Dames. De mon côté, j’ai la conviction qu’en fait, l’échange des Dames va très mal se finir pour lui, et effectivement, il se retrouve ensuite quasiment en position de zugzwang !
Après la manœuvre 44…Cf3+ suivi de …Ch4-g6, même si là encore, ça n’a l’air de rien, en fait mon aile-Roi est stabilisée et je peux amener tranquillement mon Roi de b8 en e7 afin de protéger le pion f7. Sergeï craque avec 56.Cf4?, qui perd directement le pion g5, mais je pense que de toute façon, celui-ci était condamné à terme. Certains se sont demandé si son abandon après 59…d5 n’étais pas prématuré. Evidemment, Sergeï a vu que j’allais obtenir deux pions passés liés, et il n’a pas insisté. De mon côté, j’avais anticipé 60.Th8 Fc6 61.exd5 (61.Tc8? Rd7 62.Tf8 d4! 63.Txf7+ Re8 64.Tc7 dxc3 65.Txc6 Tg1 mat) 61…Fxd5 62.Tb8 Fg2 63.Tb6 Tc5 suivi de …Tc6, mais en fait, après 64.Ca2! (que je n’avais pas vu) 64…Tc6 65.Tb7+ Rf6 66.Ta7 suivi de 67.Cb4, les blancs trouvent un peu de jeu et vont sans doute gagner le pion a6, même si ce n’est sans doute pas suffisant pour sauver la partie. Du coup, il est vrai que mon dernier coup 59…d5, même s’il provoque l’abandon de mon adversaire, n’était certainement pas le plus précis ! Je ne dois jamais laisser cette possibilité de contre-jeu, et aurait certainement dû commencer par 59…Fc6.
En tout cas, voilà une victoire qui fait vraiment du bien, dans une partie contenant pas mal de coups sympa et que j’ai l’impression d’avoir très bien maîtrisée, si l’on met de côté les petites imprécisions mentionnées ci-dessus !
Pas le choix du coeur
Le lendemain, avec les blancs contre un Anand en petite forme, j’étais donc particulièrement motivé. Malheureusement, il s’est montré extrêmement bien préparé sur le Giuoco Piano, et il a joué de façon impeccable jusqu’à la fin. Pourtant, j’étais moi-même assez au courant de cette ligne, que je connaissais jusqu’à 17…Fe8. Sur le coup, j’étais plutôt content de mon idée 18.Fxd5 suivi de 19.c4, mais en réalité, après 21.d4, que je dois jouer sinon je n’ai rien, les noirs égalisent de manière forcée avec la manœuvre 23…Fc5 et 24…Fb6 ; je n’avais pas anticipé cela lorsqu’ai joué 18.Fxd5.
Le lendemain, j’ai éprouvé de gros regrets lorsque j’ai vu sa partie catastrophique contre So. Peut-être aurais-je dû choisir une ligne plus risquée ? Mais Anand a déjà montré qu’il était bien préparé en général, par exemple contre la Catalane de Carlsen lors de la troisième ronde, et qu’il ne suffit pas de jouer un quelconque b3/Fb2 pour le sortir de ses connaissances !
Quand j’aborde la dernière ronde, je sais que si je veux avoir une chance de rattraper Carlsen au classement du Grand Chess Tour, il me faudra très certainement battre Nepo avec les noirs. Je n’étais pas non plus certain de ce que seraient les intentions de mon adversaire. Allait-il forcer la nulle, au risque de se laisser rattraper au classement du tournoi par Caruana ? Ou allait-il essayer de garder son destin entre les mains en jouant pour le gain ? Il a finalement opté pour la première solution et je ne lui jette pas la pierre car au vu de son score très négatif contre moi, il a pris une décision que je comprends, et que j’aurais sans doute prise également moi-même dans sa situation. C’est le genre de choix que le cœur n’approuve pas, mais que la tête recommande chaudement !
A peine 20% de chances
De mon côté, même si j’aurais préféré éviter toute suite qui annule en force, j’étais « dans la boîte » dès 6.Ff4, car je n’ai plus de bonne déviation après. Et il n’était guère envisageable de jouer contre un Maroczy, et de prendre le risque de me retrouver moins bien, sans contre-jeu, dans un type de position que je ne connais pas très bien. Dès lors, j’ai accepté de rentrer dans une suite dont je sais depuis longtemps qu’elle peut mener à la nulle par répétition que l’on a vue dans la partie.
Au final, je partage la 3e place ex-aequo à Londres, et je conserve ma 2e place au classement 2017 du Grand Chess Tour. Au début du tournoi de Londres, avec 3 points de retard sur Magnus, et une partie noire de plus que lui, je savais que mes chances de le rattraper n’étaient pas énormes, j’imaginais de l’ordre de 20% maximum. J’étais tout de même décidé à tenter le coup !
A ma place sur la deuxième marche
Malheureusement, je n’ai pas su conclure les opportunités en début de tournoi, notamment avec les blancs. C’est toujours désagréable de ne pas pouvoir pousser un peu plus avec les blancs, mais sur mes quatre parties blanches à Londres, ça ne m’est arrivé que contre Caruana et Anand. Dans les deux autres (contre Carlsen et Nakamura), j’avais obtenu un bon avantage, certes pas concrétisé !
Il est vrai que tout le monde a eu un peu ce même problème à Londres, à savoir la difficulté à prendre l’avantage avec les blancs. On a bien vu que les ouvertures d’Aronian avec les blancs marchaient moins bien par exemple, ce qui est quand même un signe qui ne trompe pas. D’ailleurs, dans ce tournoi, il faut remarquer que les noirs l’ont emporté 6 victoires à 4 !
Bien sûr également, à ce niveau de compétition, il ne faut pas rêver ; on ne peut pas espérer ramener un point entier de toutes les positions favorables. Néanmoins, il est clair que sur les trois parties nulles contre Nakamura, Carlsen et Aronian, je dois au moins en remporter une. Bref, ne pas être récompensé à la fin parce qu’on n’a pas su exploiter les possibilités offertes, c’est quelque chose de normal, et je suis à ma place sur la deuxième marche du podium !
Le prochain rendez-vous arrive vite, c’est le championnat du monde de parties rapides et de blitz, qui se déroulera à Riyad (Arabie Saoudite), du 26 au 30 décembre.
[otw_shortcode_quote border=”bordered” border_style=”bordered” background_pattern=”otw-pattern-1″]Jamais rassasiés !
A la fin d’un tournoi, l’heure est à la décompression et à la légèreté. Le Maître International anglais Lawrence Trent, commentateur apprécié du circuit professionnel et également connu pour avoir été un temps le manager de Fabiano Caruana, a disputé une série de blitz contre Maxime. Même s’il est réputé être dangereux en cadence rapide, l’Anglais disposait de 3 minutes contre une seule à Maxime, histoire de rendre le challenge plus équilibré. L’histoire ne retiendra pas le résultat final, mais on gardera avec gourmandise la vidéo de la fin d’un de ces blitz, quand Lawrence oublie un léger détail à la fin…
Vous trouverez également, outre la vidéo, cet extrait de partie retranscrit dans le viewer ci-dessous.[/otw_shortcode_quote]
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